En matière de licenciement pour faute d’un salarié protégé, l’Administration vérifie la réalité et la matérialité des faits reprochés en vue de donner ou de refuser l’autorisation de licenciement à l’employeur.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la valeur probante d’un constat d’huissier, mis en balance avec d’autres preuves (CE, 8 déc. 2021, n° 439631).

En l’espèce, un employeur a demandé l’autorisation de licencier un salarié protégé.

Il est reproché au salarié protégé d’avoir participé aux incidents survenus lors du dépouillement d’un scrutin professionnel, portant sur la révocation du mandat de certains élus (organisé sur le fondement du nouvel article L. 2314-36 pour le CSE).

Le salarié protégé, parmi plusieurs salariés, aurait poussé le directeur des relations sociales, lui aurait arraché des mains un sac contenant une partie des votes des salariés, puis l’aurait vidé sur le sol, ouvrant alors les enveloppes contenues dans ce sac et en lisant le contenu des enveloppes nominativement identifiées.

Un huissier, présent sur les lieux a dressé un constat de ces faits et a attesté de la participation du salarié à ces incidents.

Le salarié protégé a de son côté fourni des attestations contraires de salariés.

L’autorisation est d’abord refusée par l’inspecteur du travail, mais elle est accordée par le Ministre du travail suite à un recours hiérarchique, puis confirmée par le tribunal administratif.

La Cour Administrative d’Appel de Paris est saisie et revient sur le jugement du tribunal administratif, en considérant que, compte tenu de ces deux sources de preuves, un doute subsistait qui devait bénéficier au salarié protégé, conformément à l’article à l’article L. 1333-1 du code du travail. Elle a donc annulé l’autorisation de licenciement.

Le Conseil d’Etat a rappelé, au contraire, que dans le cas d’un licenciement pour faute, l’administration doit vérifier « si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi ».

Puis, il a rappelé les dispositions relatives à l’office de l’huissier de justice et notamment que le constat d’huissier prévaut jusqu’à preuve du contraire, sauf en matière pénale où il a valeur de simple renseignement.

En conséquence, un constat d’huissier permet d’établir la réalité et la matérialité des faits reprochés au salarié protégé dans le cadre de l’examen de l’autorisation de son licenciement pour faute, jusqu’à preuve du contraire, et les attestations de salariés ne constituent pas cette preuve contraire.

Le Conseil d’Etat avait déjà fait prévaloir des constats d’huissiers sur des témoignages et des photos comme preuve de la faute d’un salarié protégé pendant une grève (CE, 10 janv. 2000, n° 157269).

Le constat d’huissier a donc une utilité importante pour se constituer une preuve solide dans la gestion de dossiers individuels en droit du travail, au-delà du sujet de la faute d’un salarié protégé.

Notre conseil : Lorsque les enjeux l’exigent, il ne faut pas hésiter à se mettre en place l’organisation adéquate pour qu’un huissier puisse réaliser un constat.