Qu’il s’agisse d’entreprises relevant du régime des bénéfices industriels ou commerciaux (« BIC »), de sociétés commerciales relevant de plein droit du régime de l’impôt sur les sociétés (« IS »), ou de sociétés « fiscalement translucides » (article 8 du Code Général des Impôts) relevant du régime des bénéfices industriels ou commerciaux sur tout ou partie de leurs résultats car détenues par des associés eux-mêmes soumis à l’impôt sur les sociétés, une attention toute particulière doit être portée aux mouvements intervenant sur les comptes dits « courants ».

En effet, dans les groupes de sociétés, ou même entre la société et ses associés, il est très fréquent que des mouvements financiers interviennent sans être traduits par un règlement immédiat et effectif des créances et dettes réciproques, c’est-à-dire par des règlements bancaires.

Deux exemples :

  • le règlement direct par un associé d’une facture adressée au nom de la société, constatée par crédit de son compte-courant d’associé ;
  • l’inscription en compte de la dette d’une société envers une autre société du groupe (société filiale, société sœur ou société mère) au titre de « management fees », ou de l’acquisition de produits ou de services, et sa compensation avec une créance de la première envers la seconde.

L’inscription en compte, dans la comptabilité de la société, si elle peut être considérée comme un règlement, requiert néanmoins de conserver une trace écrite et des justificatifs externes à la comptabilité pour garantir, en cas de contrôle de l’administration fiscale, que les écritures comptables ne seront pas rejetées.

Car en cas de rejet, les conséquences fiscales peuvent vite s’avérer catastrophiques.

L’administration fiscale dispose de plusieurs possibilités, selon le cas, pour rejeter les écritures concernées :

LA NOTION DE « PASSIF FICTIF »

  1. Si le solde compte-courant d’associé ou de tiers (société du groupe) n’est pas justifié, la part non-justifiée pourra être considérée comme fictive par l’administration fiscale.
  2. La dette de la société débitrice étant fiscalement fictive, son actif net en est corrigé à due proportion, l’augmentation de cet actif net étant considéré comme du résultat.
  3. Ce résultat supplémentaire n’ayant pas été soumis à l’impôt au niveau de la société, des rappels d’impôt sur les sociétés (ou sur le revenu BIC en cas de transparence fiscale avec des associés personnes physiques) sont notifiés.
  4. Ce complément de résultat ne figurant pas dans les comptes de la société, il est présumé avoir été appréhendé par les associés, selon la théorie fiscale dite des « revenus distribués ». Si les associés de la société soumise à l’IS sont des personnes physiques, les rappels d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux sont appliqués sur 125% du « revenu distribués », par le jeu d’une majoration de 25%.
  5. Enfin, si l’administration considère que la dissimulation qu’elle a mise au jour est intentionnelle, une majoration de 40% des droits rappelés est appliquée, en sus de l’intérêt de retard, tant aux rappels affectant la société que ceux affectant les associés personnes physiques.

Dans ce type de dossier, il n’est pas rare que le cumul des rappels d’impôts, majorations et pénalités égalent voire dépassent le montant du passif considéré comme fictif !

Ce alors pourtant que le contribuable redressé n’a rien perçu de la société… (Certains parlent encore de « réalisme du droit fiscal »).

 

« COMPENSATIONS » DE CREANCES

Dans les groupes de sociétés, il est également fréquent que les créances et dettes réciproques entre sociétés du groupe soient compensées entre elles, voire dans des opérations triangulaires entre des sociétés A, B et C, afin de les éteindre.

Cette compensation se traduit par des écritures comptables, sans mouvement financier bancaire.

Ici encore, il convient de procéder avec prudence.

A défaut de disposer d’une documentation juridique adéquate, l’administration fiscale pourra considérer que l’extinction de la dette chez le débiteur n’est pas justifiée, faute d’avoir respecté la procédure de la cession créance (formalisation dans un acte, signification par huissier au débiteur de la cession de sa dette à un tiers), ou encore celle de la délégation de paiement…

Comme pour le « passif fictif » brièvement exposé plus haut, les conséquences fiscales et financières des redressements peuvent rapidement s’avérer catastrophiques.

Il est à noter que la mise en place préalable d’une « convention de trésorerie » entre sociétés du groupe n’est d’aucune utilité fiscale si les « compensations » sont réalisées :

  • Sans mouvements bancaires,
  • Sans remontée de la trésorerie vers la société centralisatrice désignée par la convention.

Afin d’éviter ces écueils, il convient donc d’agir avec prudence et de prendre soins de constituer et de conserver à l’appui de la comptabilité une documentation, notamment juridique, formelle des mouvements affectant les comptes courants (procès-verbaux d’assemblées, relevés bancaires, actes de cession ou délégation de créance… le cas échéant, dûment enregistrés auprès des services fiscaux).