La vie en copropriété est souvent source de conflits, tant les intérêts de chacun des occupants peuvent être différents. Le risque est accru lorsque dans le même ensemble immobilier, cohabitent ceux qui y résident et ceux qui y travaillent en tant que professionnels libéraux.
La sécurité est un enjeu important pour tous mais les résidents y sont plus sensibles. Les grandes portes anciennes qui donnent sur rue, autrefois dépourvues de serrure, sont désormais équipées de systèmes avec digicodes et passes « vigik ». De plus, une seconde porte, équipée d’interphones ou visiophones, est souvent présente.
Les propriétaires particuliers sont à l’initiative de ces mises en place estimées plus sûres et plus modernes.
Dès lors, les professionnels libéraux que sont les avocats, les médecins, ou autres paramédicaux, peuvent entrer en conflit puisque leur clientèle ne peut accéder à leur interphone ou à leur porte de Cabinet, qu’en possédant un code.
Or, la mise à disposition du code est également un problème de sécurité, puisqu’il ne demeure plus secret.
Comment trancher juridiquement la question ?
En effet, l’assemblée générale des copropriétaires n’est-elle pas souveraine pour voter les modalités d’ouverture de l’immeuble ?
Si les professionnels libéraux sont en minorité, doivent-ils se soumettre à la règle de la majorité dégagée lors du vote organisé selon les règles de majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
La Cour d’appel de Paris (26/02/2020 pôle 4 - chambre 2 n° 18/03750) a été amenée à s’interroger sur la situation d’un médecin dermatologue qui sollicitait de la copropriété qu’elle mette en place un système de bouton poussoir sur le code afférant à la porte de l’immeuble donnant sur la rue. Ce bouton devait permettre à sa patientèle d’ouvrir la porte, sans en connaitre le code, à des horaires et jours habituels pour des consultations médicales, et d’accéder à la seconde porte d’entrée de l’immeuble qui était équipée d’un interphone.
Le syndicat des copropriétaires s’y est opposé très fermement et a fait voter en assemblée générale la fermeture sans nuance de la porte avec un code.
En l’occurrence, les juges ont considéré que la fermeture n’est pas compatible avec l’exercice de l’activité autorisée par le règlement de copropriété et par conséquent est contraire aux dispositions de l’article 26 de la loi.
Ils ont expliqué qu’un abus de majorité avait été commis au détriment du médecin qui était privé du droit d’usage de son lot de copropriété.
Les juges rappellent qu’ils sont souverains pour trancher ce conflit, sans que la décision de l’Assemblée générale ne s’impose à eux.
La Cour d’Appel a confirmé le jugement en ce qu’il a condamné le syndicat des copropriétaires à désactiver le digicode d’accès extérieur à l’immeuble suivant les jours et horaires d’ouverture du cabinet, permettant ainsi à ce cabinet médical d’offrir l’accès à l’immeuble à sa clientèle.
Il s’agit de l’application d’un cas assez rare d’abus de droit appliqué en droit de la copropriété, principe jurisprudentiel appliqué strictement.
En opportunité, cette décision concernant un médecin, permet à tous ceux qui exercent encore en ville, hors d’un centre de santé, d’être plus sereins lorsque les copropriétaires décident de la mise en place de systèmes de fermeture excessifs des portes de l’immeuble, sans considération de leur activité.
En effet, cette jurisprudence leur permet de bénéficier de la mise en place d’un système technique permettant un accès non-contraint de leur patientèle.
Les patients, par cette décision propre au droit de la copropriété, bénéficient indirectement mais surement d’un accès facilité à leur médecin.
Au-delà des médecins, ce sont tous les professionnels libéraux qui pourront en bénéficier, puisque les règlements de copropriété visent l’exercice des « professions libérales » et que l’arrêt de la Cour d’appel est exprimé en termes généraux.
Les démarches sécuritaires de certains ne sauraient prospérer sur la liberté d’entreprendre et de travailler.
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