La loi 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a été publiée ce jour au Journal Officiel. 

Les dispositions transversales de l'article 11 ont, notamment, un impact direct sur le monde de la Justice.

Il est ainsi prévu que le Gouvernement soit autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle.

Il est notamment prévu que le Gouvernement prenne par ordonnances toute mesure "adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions".

Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l'épidémie de covid-19.

Ces mesures étaient très attendues par le monde judiciaire, puisque la plupart des modalités permettant de suspendre ou interrompre lesdits délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription etc... n'étaient plus rendues possibles avec la restriction d'activité et de déplacement imposées aux Huissiers de Justice, chargés de délivrer les assignations ou de signifier les actes et décisions permettant l'ouverture ou l'interruption d'un délai.

L'article 11 prévoit également que le Gouvernement prenne par ordonnances toute mesure "adaptant les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d'organisation du contradictoire devant les juridictions".

Les juridictions avaient anticipé cette loi d'urgence, en procédant depuis le 16 mars dernier à des renvois systématiques d'audiences lorsque le présentiel était imposé, ou en procédant à des audiences sans débat, sauf si les parties qui souhaitent impérativement plaider demandent purement et simplement un report d'audience.

En ce qui concerne plus précisément la procédure pénale, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure adaptant : 

- "les règles relatives au déroulement des gardes à vue, pour permettre l'intervention à distance de l'avocat et la prolongation de ces mesures pour au plus la durée légalement prévue sans présentation de la personne devant le magistrat compétent"

- "les règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l'allongement des délais au cours de l'instruction et en matière d'audiencement, pour une durée proportionnée à celle de droit commun et ne pouvant excéder trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle, et la prolongation de ces mesures au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations"

- " les règles relatives à l'exécution et l'application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d'affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d'exécution des fins de peine"

- "les règles relatives à l'exécution des mesures de placement et autres mesures éducatives"

En ce qui concerne plus précisément le droit immobilier, les dispositions de l'article 11 visent à protéger non seulement les bénéficiaires de baux professionnels et commerciaux en permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d'être appliquées en cas de non-paiement de ces factures.

Ces mesures ne semblent toutefois être destinées qu'aux microentreprises, qui sont expresément visées à l'article 11, I, 1°, g.

En ce qui concerne les expulsions locatives, la loi d'urgence du 23 mars 2020 vient confirmer la mesure annoncée par le Président de la République tendant à une prolongation exceptionnelle de la période de la trêve hivernale de 2 mois, soit jusqu'au 31 mai 2020. Les ordonnances à intervenir pourrait aller au-delà des 2 mois prévus initialement par le Président de la République dans son allocution du 12 mars 2020.