Toute police d'assurance- construction est réputée comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-23.500
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300390
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 11 octobre 2023
Président
Mme Teiller (présidente)
Avocat(s)
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SARL Delvolvé et Trichet, SARL Le Prado - Gilbert, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP L. Poulet-Odent, SCP Marlange et de La Burgade
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 11 septembre 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 390 F-D
Pourvoi n° U 23-23.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025
La société Da Cruz et Cruz, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 23-23.500 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [V], domicilié [Adresse 7],
2°/ à Mme [P] [E], épouse [V], domiciliée [Adresse 6],
3°/ à la société Thelem assurances, dont le siège est [Adresse 13], prise en sa qualité d'assureur de la société La Cordelle constructions,
4°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en sa qualité d'assureur de la société Graft bâtiment,
5°/ à la société SMABTP, dont le siège est [Adresse 10], prise en sa qualité d'assureur de la société Entreprise Coutant,
6°/ à la société Entreprise Coutant, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
7°/ à la société Assurance banque populaire, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],
8°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 3],
9°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en sa qualité d'assureur de M. et Mme [V],
10°/ à la société Décorations générales du bâtiment, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
11°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11], prise en sa qualité d'assureur de la société BAE,
12°/ à la société Atelier bois création Duval, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],
13°/ à la société La Cordelle constructions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Da Cruz et Cruz, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Assurance banque populaire, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes français, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, ès qualités, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés SMABTP, ès qualités, Entreprise Coutant et Décorations générales du bâtiment, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD, ès qualités, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. et Mme [V], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Thelem assurances, ès qualités, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office
1. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.
3. La société Da Cruz et Cruz ne justifiant pas avoir signifié le mémoire ampliatif à la société La Cordelle constructions, la déchéance du pourvoi doit être constatée à l'égard de cette dernière.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2023), M. et Mme [V] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié à la société Cabinet d'études architecturales et expertises, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison d'habitation.
5. L'exécution des travaux a été confiée, notamment :
- à la société Graff bâtiment, assurée auprès de la société MMA IARD, pour le lot gros oeuvre,
- à la société Entreprise Coutant, assurée auprès de la SMABTP, pour le lot ossature bois, charpente, couverture,
- à la société Da Cruz et Cruz, pour le lot placoplâtre, puis à la société La Cordelle constructions, assurée auprès de la société Thelem assurances,
- à la société Décorations générales du bâtiment, assurée auprès de la SMABTP, pour le lot menuiseries extérieures,
- à la société Atelier bois création Duval, pour le lot escalier intérieur,
- à la société BAE, assurée auprès de la société Gan assurances, pour le lot électricité.
6. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la société MMA IARD.
7. Après la déclaration d'ouverture de chantier, effectuée le 21 juin 2004, la société Da Cruz et Cruz a souscrit un contrat d'assurance de responsabilité décennale auprès de la société Assurance banque populaire.
8. Se plaignant de différents désordres apparus après la réception, les maîtres de l'ouvrage ont assigné les constructeurs et les assureurs en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. La société Da Cruz et Cruz fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie contre la société Assurance banque populaire, alors « que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance ; qu'à l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier avoir souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité ; que tout contrat d'assurance souscrit en vertu de l'article L. 241-1 du code des assurances est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance ; qu'en excluant la garantie de la société Assurance banque populaire pour la responsabilité encourue par la société Da Cruz et Cruz en application de l'article 1792 du code civil pour le marché de travaux qu'elle avait signé le 29 octobre 2004, cependant que le contrat d'assurance garantie décennale avait été souscrit le 1er octobre 2004, soit antérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 241-1 du code des assurances, d'ordre public. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 241-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, et l'article A. 243-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'arrêté du 19 novembre 2009 :
11. Selon le premier de ces textes, tout contrat d'assurance de responsabilité décennale est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
12. Selon les clauses-types applicables aux contrats d'assurance de responsabilité, annexées au second, le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du code civil, les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières. Il est jugé que cette ouverture de chantier s'entend comme le commencement effectif des travaux confiés à l'assuré (3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi n° 10-24.517, Bull. 2011, III, n° 196).
13. Ces dispositions étant d'ordre public, les parties au contrat d'assurance ne peuvent déroger à la clause-type régissant l'application du contrat dans le temps, par une autre définition de l'ouverture de chantier.
14. Pour dire que la société Assurance banque populaire ne devait pas sa garantie, l'arrêt relève que, selon les clauses du contrat d'assurance souscrit par la société Da Cruz et Cruz, seuls sont couverts les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat, laquelle est définie à la page 3 comme la déclaration réglementaire faite auprès de l'administration, au commencement des travaux.
15. Il constate que le contrat d'assurance a été souscrit le 1er octobre 2004, après la déclaration réglementaire d'ouverture du chantier du 21 juin 2004, pour en déduire que le contrat d'assurance ne trouve pas à s'appliquer.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande de la société Da Cruz et Cruz tendant à ce qu'il soit dit et jugé que la société Assurance banque populaire est tenue de la garantir de sa responsabilité en application de son contrat assurances construction n'emporte celle des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile que dans les rapports entre la société Assurance banque populaire et la société Da Cruz et Cruz.
Mise hors de cause
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les maîtres de l'ouvrage, la SMABTP et les sociétés Entreprise Coutant, Décorations générales du bâtiment, MMA IARD, en sa qualité d'assureur de la société Graff bâtiment et d'assureur dommages-ouvrage, Thelem assurances et Gan assurances, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société La Cordelle constructions ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Da Cruz et Cruz tendant à ce qu'il soit dit et jugé que la société Assurance banque populaire est tenue de la garantir de sa responsabilité en application de son contrat assurances construction, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la société Assurance banque populaire et la société Da Cruz et Cruz, l'arrêt rendu le 11 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Met hors de cause M. et Mme [V], la SMABTP et les sociétés Entreprise Coutant, Décorations générales du bâtiment, MMA IARD, en sa qualité d'assureur de la société Graff bâtiment et d'assureur dommages-ouvrage, Thelem assurances et Gan assurances ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Assurance banque populaire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Assurance banque populaire à payer à la société Da Cruz et Cruz la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300390
Publié par ALBERT CASTON à 16:53
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Libellés : assurance construction , clause types , responsabilité décennale
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