Par un arrêt rendu le 30 novembre 2022, la Cour de cassation a confirmé la recevabilité de l'action en responsabilité civile d'une association de protection de l'environnement agréée exercée en raison de la destruction alléguée d'une espèce protégée (faucon crécerellette).
Cour de Cassation, 3ème Civ., 30 novembre 2022, n°21-16.404
Au cas présent, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), chargée de la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur du faucon crécerellette et du suivi de l'impact de parcs éoliens sur cet oiseau, a signalé, en 2011 et 2012, la découverte de plusieurs cadavres au pied d'installations éoliennes réparties sur plusieurs communes du département de l'Hérault.
En dépit de la mise en place d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux (« DT-Bird »), l'association France Nature Environnement (FNE) a constaté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés.
Les sociétés exploitant ces parcs éoliens n'ayant pas obtenu de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, l'association France Nature Environnement a saisi le juge civil en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d'une espèce protégée.
Dans cette affaire, la Cour d'appel de Versailles avait condamné les sociétés exploitantes à indemniser l'association FNE en réparation de son préjudice moral (CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 2 mars 2021, n° 19/05299).
Sur pourvoi des sociétés exploitantes, la Cour de cassation a rendu un arrêt extrêmement didactique dont on retiendra que :
- Une association environnementale est recevable à former une action en responsabilité civile en raison d'un délit environnemental (en l'espèce, celui prévu à l'article L. 415-3 du code de l'environnement) cette recevabilité n'étant "pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction, la recevabilité d'une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé" ;
- Le juge n'est pas tenu de caractériser l'atteinte portée à la conservation de l'espèce protégée en cause, cette attente résultant de la seule constatation de la destruction d'un spécimen protégé au titre des articles L. 411-1 et suivant du code de l'environnement ;
- Une faute d'imprudence suffit à caractériser l'élément moral du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées (Cour de Cassation, Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96).
- L'obtention d'une dérogation aux interdictions de destruction d'une espèce protégée est constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité.
Enfin, il sera observé que cet arrêt important rendu par la Cour de Cassation est à lire au regard de la demande d'avis formulée par la Cour Administrative d'Appel de Douai au Conseil d'Etat (CAA Douai, 1re ch. - formation à 3, 27 avr. 2022, n° 20DA01392) dont la décision est imminente et porte sur la question du périmètre des demandes de dérogation à l'interdiction de la destruction d'espèces protégées (degré d'atteinte / probabilité de réalisation du risque d'atteinte).
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