QUELS RECOURS POUR LES SYNDICATS DES COPROPRIETAIRES FACE AUX NUISANCES POUVANT RESULTER DES LOCATIONS DE COURTES DUREES EN MEUBLES TOURISTIQUES (AIRBNB, BOOKING)

Selon les dispositions de l’article L631-7 du Code de l’habitation et de la construction dans les villes de plus de 200.000 habitants et dans les communes de la petite couronne de Paris (Seine-St-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne), toute personne souhaitant louer un local meublé destiné à l’habitation, de manière répétée pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, doit solliciter préalablement l’autorisation de changement d’usage.

Nous avions analysé précédemment (Location de meublés touristiques : actualités -publication du 16 avril 2021) les arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2021 qui ont précisé les notions de répétition et de courte durée.

Nombre de municipalités agissent judiciairement afin que la règlementation soit observée et l’offre de location aux habitants préservée.

D’autres parties peuvent être conduites à saisir les tribunaux, comme les syndicats de copropriétaires ou des copropriétaires agissant en leur nom lorsqu’ils subissent des nuisances résultant de locations de courtes durées en meublés touristiques.

Tout copropriétaire souhaitant se livrer à une telle activité au sein d’un immeuble soumis au régime de la copropriété doit préalablement s’assurer que le règlement de copropriété n’interdit pas cette activité.

De surcroît, quand bien même cette activité ne serait pas interdite, il convient qu’elle ne soit pas en opposition avec la destination de l’immeuble et qu’elle respecte les conditions d’occupation de l’immeuble.

Or, un nombre important de contentieux a surgi en raison du comportement parfois indélicat des locataires, voire même de certains copropriétaires se livrant à cette activité.

Sur quels fondements un syndicat de copropriétaires peut-il agir ?

Faute de texte spécifique, il le fera sur la base du droit commun.

 

  1. Le défaut de respect des clauses du règlement de copropriété

Le règlement de copropriété d’un immeuble définit la destination de l’immeuble, à savoir  bourgeoise (c’est-à-dire d’habitation), ou commerciale, ou de bureaux, voire mixte, et les conditions dans lesquelles chacun des copropriétaires pourra jouir de ses parties privatives et utiliser les parties communes.

A défaut de respecter les clauses du règlement de copropriété, un copropriétaire peut être sanctionné.

Ainsi, peut-on citer l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de référé du président du Tribunal Judiciaire de Paris du 12 mai 2021 (RG : 20/56124).

Dans cette affaire, un syndicat des copropriétaires avait agi à l’encontre de deux sociétés copropriétaires car il estimait que leur activité de location de meublés touristiques de courtes durées était non conforme au règlement de copropriété et créait de graves nuisances.

Le syndicat des copropriétaires entendait donc obtenir du Tribunal de voir ordonner la cessation de cette activité.

 Il a obtenu gain de cause :

D’un point de vue procédural d’une part,

Les copropriétaires assignés ont tenté de faire valoir que le syndicat des copropriétaires était irrecevable à agir pour défaut d’intérêt à agir.

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.

En l’espèce, le juge a relevé que les troubles et nuisances reprochées par le syndicat des copropriétaires consistaient en un encombrement des parties communes du fait des valises s’entassant dans le hall et les couloirs, leur dégradation caractérisée notamment par la destruction des marches de l’escalier et du sol par les roulettes des valises, l’abandon de déchets en leur sein.

Dès lors, le juge considérant que ces nuisances étaient de nature à atteindre indivisiblement l’ensemble des parties communes et privatives, il en a conclu que le syndicat des copropriétaires avait un intérêt à agir pour faire cesser les nuisances alléguées.

 

Sur le fond d’autre part,

En l’espèce, le règlement de copropriété n’interdisait pas l’exercice d’une telle activité en son sein mais il stipulait que s’agissant :

  • Des parties privatives : chacun des copropriétaires aura le droit de jouir, faire et disposer de ses locaux comme d’une chose lui appartenant en toute propriété, à condition de ne pas nuire aux propriétaires des autres lots et ne rien faire qui puisse compromettre la solidité des bâtiments, (…) que l’occupation ne devra pas être dangereuse ou gênante pour les autres copropriétaires, entre autres par le bruit de la réception de nombreux clients »,
  • Des parties communes : aucun copropriétaire ou occupant de l’immeuble ne devra encombrer les entrées, vestibules, escaliers, paliers couloirs ou toutes autres parties communes des bâtiments ».

Le tribunal  a relevé des nuisances sonores de jour comme de nuit, des insultes envers la gardienne de l’immeuble, des déchets dans les parties communes, des dégradations des parties communes et de leur encombrement du fait des valises s’entassant dans le hall et les couloirs, et des menaces de l’un des copropriétaires se livrant à cette activité envers la gardienne.

Il a dès lors estimé que cette activité occasionnait des nuisances répétées contrevenant à la tranquillité de l’immeuble gênant les autres occupants en violation des stipulations du règlement de copropriété, ces faits constituant un trouble manifestement illicite.

En conséquence, le Juge des référés, juge de l’évidence, a ordonné aux copropriétaires de cesser pour une durée de seize mois leurs activités, et ce sous astreinte de 700 € par jour et par infraction constatée par voie d’huissier de justice.

La durée de la cessation de seize mois s’explique par le fait que cette décision est une ordonnance de référé, c’est-à-dire une décision provisoire et non une décision au fond.

Le tribunal n’a pas tranché la question de savoir si le règlement autorisait ou non une telle activité, -il n’en avait pas le pouvoir-, et il appartiendra donc à cette copropriété le cas échéant de saisir le tribunal au fond.

Pour autant, cette décision démontre que les syndicats de copropriétaires ne sont pas désarmés lorsque certains copropriétaires exercent une activité de location de courte durée au mépris des clauses du règlement de copropriété.

Certes les circonstances particulières de ce cas d’espèce représentent quasiment un cas d’école, tant elles sont édifiantes, et il ne sera pas toujours aussi aisé d’obtenir gain de cause.

Aussi, afin d’éviter de potentiels conflits, peut-on recommander aux syndicats de copropriétaires d’intégrer dans leur règlement de copropriété une clause interdisant la location en meublé touristique.

Ainsi, si un copropriétaire venait à ne pas la respecter, le tribunal saisi serait plus à même de faire droit à la demande du syndicat des copropriétaires de voir ordonner la cessation de l’activité.

Les syndicats de copropriétaires peuvent également agir sur le fondement du trouble anormal du voisinage.

 

               2 Le trouble anormal du voisinage :

Le trouble anormal du voisinage est issu d’une construction jurisprudentielle à partir de l’article 651 du Code civil qui dispose que «  La loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention ».

La Cour de cassation considère que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

En présence de nuisances troublant de manière récurrente la tranquillité des occupants et dépassant les inconvénients normaux du voisinage, un syndicat de copropriétaire ou des copropriétaires peuvent agir.

Certaines décisions ont déjà été rendues en matière de locations de courtes durées.

Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 19 octobre 2020 (RG : 19/04215) a confirmé la décision de référé en condamnant des copropriétaires qui se livraient à une telle activité au paiement d’une provision à valoir sur le préjudice de jouissance des plaignants, en l’occurrence des copropriétaires, et a ordonné la cessation de l’activité.

La Cour a en effet estimé, à la lecture du règlement de copropriété, que les copropriétaires avaient entendu faire prioritairement de leur immeuble un bâtiment à usage d’habitation bourgeoise en insistant sur la tranquillité des résidents de l’immeuble.

Elle en a dès lors conclu que l’activité de location avait entraîné des nuisances avérées pour les autres copropriétaires dépassant les inconvénients normaux du voisinage, justifiant qu’il soit mis fin à l’activité.

 

Que vous soyez syndics ou copropriétaires subissant des nuisances, vous pouvez agir !