En 2024, la jurisprudence de la Cour de cassation sur les soins sans consentement a précisé les règles générales de leur contrôle par le juge judiciaire (1) et les règles particulières à la procédure d’appel des décisions du juge des libertés et de la détention (2),  et au contrôle des mesures d’isolement (3).

1. Les règles générales du contrôle des mesures de soins sans consentement par le juge judiciaire :

Il n’y a pas lieu pour le juge de statuer sur une mesure levée avant qu’il ne statue à son égard (a).

Le fait d’avoir autorisé la poursuite des soins sans consentement d’un patient ne prive pas le juge des libertés et de la détention de son impartialité à statuer sur une demande de mainlevée de ses soins par ce même patient (b)

La mise à disposition de l’avis écrit du ministère public en matière de soins sans consentement peut résulter de la décision du juge ou des pièces de la procédure (c).

Le simple visa du dossier de soins sans consentement que le ministère public peut se contenter d’y apposer n’a pas à être communiqué aux parties ou mis à leur disposition avant l’audience (d).

a. Le non-lieu à statuer sur une mesure levée avant que le juge ne statue :

Par arrêt du 25 septembre 2024 (n° 23-12515, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que l’instance dont est saisi le juge des libertés et de la détention aux fins « du contrôle systématique d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète, d'une demande de mainlevée de cette mesure ou d'une saisine d'office », perd son objet si la mesure en cause a été levée avant qu’il ne se prononce, si bien qu’il n’y a, pour lui, plus lieu de statuer à son égard (cf. Cass. 1ère Civ., Avis, 8 juillet 2021, n° 21-70010).

En l’espèce, par ordonnance du 28 novembre 2022, le premier président de la cour d’appel de Paris avait autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète d’une patiente, admise en soins psychiatriques sans consentement le 8 novembre 2022 par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, en application de l'article L. 3212-1, II, 1°, du code de la santé publique.

La patiente avait été placée à l'isolement du 8 au 17 novembre 2022.

Quels qu’aient pu être les griefs faits par la patiente à la régularité de la mesure d’isolement, aux motifs que le juge des libertés et de la détention aurait été saisi tardivement de cette mesure ou qu’il n’aurait autorisé l’isolement que le 16 novembre 2022, la Cour de cassation a approuvé le premier président de la cour d’appel de Paris d’avoir jugé que « la demande tendant à voir déclarer irrégulières les décisions de placement et de maintien à l'isolement était devenue sans objet, la mesure ayant été levée ».

b. L’impartialité à statuer sur une demande de mainlevée de soins sans consentement malgré l’autorisation antérieure de leur poursuite par le même juge des libertés et de la détention :

Par un arrêt du 28 mars 2024 (n° 22-20599), la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’impartialité du juge des libertés et de la détention à statuer sur la situation d’une patiente en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, dont il avait déjà eu à connaître.

La patiente avait été admise, le 26 mai 2022, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète.

Leur poursuite en avait été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 juin 2022, confirmée par un arrêt du 17 juin 2022.

La patiente avait demandé la mainlevée de ces soins sans consentement et sollicité la récusation et le renvoi pour cause de suspicion légitime du juge des libertés et de la détention ayant rendu l’ordonnance du 3 juin 2022 au motif que ce magistrat avait déjà connu de l'affaire.

Ces demandes avaient été rejetées par une ordonnance du premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 23 juin 2022, contre laquelle la patiente s’est pourvue en cassation en soutenant que :

  • « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'un même juge ne peut successivement connaître du maintien d'une mesure de soins sans consentement puis de la demande de mainlevée de cette même mesure ; que pour débouter Mme [D] de sa demande de récusation de la magistrate appelée à statuer sur la mainlevée des soins psychiatriques sans consentement dont elle fait l'objet, le Premier Président se borne à affirmer que la requérante ne justifie d'aucun motif sérieux permettant de remettre en cause l'impartialité de ce juge ; qu'en statuant ainsi, le Premier Président n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le même juge des libertés et de la détention, après avoir rendu une ordonnance de maintien en hospitalisation complète de Mme [D] le 3 juin 2022, était appelé à statuer ensuite sur la demande de mainlevée de cette même mesure, violant ainsi le principe d'impartialité tel qu'il résulte des articles 341 du code de procédure civile et 6, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
  • « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que Mme [D] avait sollicité le renvoi pour cause de suspicion légitime et la récusation de (la magistrate) en application de l'article 341 du code de procédure civile, au motif que celle-ci avait déjà connu de son affaire le 3 juin 2022 ; qu'en rejetant pourtant la demande de Mme [D], au motif qu'elle ne justifiait d'aucun motif sérieux permettant de remettre en cause l'impartialité de (la magistrate), sans rechercher s'il existait effectivement un motif sérieux rendant absolument nécessaire sa participation à la formation de jugement de la demande de mainlevée des soins psychiatriques sans consentement présentée par Mme [D] et dont l'audience était fixée au 22 juin, quand cette même magistrate avait ordonné le maintien de ces mesures de soins le 3 juin 2022, de sorte qu'elle avait à l'évidence eu l'occasion de porter un jugement sur le comportement de Mme [D], le Premier Président a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 6, § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 341 du code de procédure civile et L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire ».

Ce dernier prévoit que « la récusation d'un juge peut être demandée », notamment « s'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ».

L’arrêt du 28 mars 2024 a jugé que le premier président d’une cour d'appel avait pu rejeter les demandes de renvoi pour cause de suspicion légitime et de récusation de la patiente contre le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur sa demande de mainlevée de ses soins sans consentement qui avait précédemment autorisé la poursuite de ses soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, dès lors que « l'admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l'objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d'une demande de mainlevée, le défaut d'impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure ».

La Cour de cassation, qui en a déduit que les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire et du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n’avaient pas été méconnues et que les griefs de la requérante devaient être écartés, paraît ainsi s’inscrire dans la ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (cf. CEDH, Grande chambre, 27 mai 2014, Marguš c. Croatie, n° 4455/10, paragraphe 85 : « le simple fait qu’un juge de première instance ait déjà pris des décisions concernant la même infraction ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité »).

Il appartiendrait donc au requérant qui entendrait mettre en cause l’impartialité d’un juge d’indiquer concrètement, en fonction des circonstances précises de l’affaire, en quoi ses appréhensions seraient objectivement justifiées (cf. Civ. 2ème 8 février 2024, n° 21-25212).

c. La mise à disposition de l’avis écrit du ministère public en matière de soins sans consentement peut résulter de la décision du juge ou des pièces de la procédure :

Par un arrêt du 24 avril 2024 (n° 23-18590), la Première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que l’éventuel avis écrit du ministère public, prévu, en matière de soins sans consentement, par les articles R. 3211-15 ou R. 3211-21 du code de la santé publique, peut être mis à disposition du patient lors de l’audience et que cette mise à disposition peut résulter de la décision du juge ou des pièces de la procédure.

Dans cette affaire, le patient avait été admis, le 17 février 2023, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d’établissement et à la demande d’un tiers, en application de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique.

Le 23 février 2023, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de poursuite de la mesure.

Le patient s’était ensuite pourvu en cassation contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Rennes du 14 mars 2023 ayant dit n’y avoir lieu à mainlevée de la mesure d’hospitalisation.

Il se prévalait de la violation des articles 16 (« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. / Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ») et 431 (« Le ministère public n'est tenu d'assister à l'audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi. / Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ») du code de procédure civile.

Plus précisément, il reprochait à l’ordonnance du 14 mars 2023 de n’avoir pas constaté que les observations du ministère public ayant requis la confirmation de celle du juge des libertés et de la détention par un avis écrit, sans être présent à l'audience, lui avaient été effectivement notifiées ou mises à sa disposition avant l'audience du 13 mars 2023 (cf. Civ. 1ère 23 janvier 2008, n° 07-11297 ; 20 novembre 2013, n° 12-27218).

La Cour de cassation a écarté ce moyen comme étant inopérant, dès lors que le requérant ne soutenait pas que « les conclusions du ministère public n'ont pas été mises à sa disposition lors de l'audience et leur mise à disposition pouvant résulter de la décision ou des pièces de la procédure ».

Elle avait déjà jugé que « la mise à disposition des conclusions (pouvait ressortir) de l'examen du dossier comportant l'avis écrit du ministère public et des mentions du procès-verbal d'audience selon lesquelles le président a donné connaissance des éléments du dossier » (Civ. 1ère 23 novembre 2022, n° 21-20990).

Par ailleurs, dans l’affaire du 24 avril 2024, le requérant faisait également valoir que l’ordonnance du 14 mars 2023 aurait violé les articles L. 3212-5 (« Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre ») et L. 3223-1 (« La commission prévue à l'article L. 3222-5 :  1° Est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d'admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins ») du code de la santé publique.

En effet, « le défaut d'information de la commission des décisions d'admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée et justifier une mainlevée de la mesure » (Civ. 1ère 18 janvier 2023, n° 21-21370).

Mais, pour la Cour de cassation, « la preuve de cette transmission peut résulter d'une mention portée par le directeur d'établissement sur la décision d'admission » (arrêt du 24 avril 2024), si bien qu’après « avoir constaté qu'il ressortait de la décision d'admission du 17 février 2023 qu'une copie de celle-ci avait été adressée à la commission départementale des soins psychiatriques le 20 février 2023, le premier président en (avait) exactement déduit que l'obligation de transmission de la décision d'admission à la commission départementale des soins psychiatriques avait été respectée » (idem).

d. Le simple visa du dossier de soins sans consentement que le ministère public peut se contenter d’y apposer n’a pas à être communiqué aux parties ou mis à leur disposition avant l’audience :

Par un arrêt du 24 avril 2024 (n° 23-16266), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le ministère public peut se contenter d’un simple visa du dossier de soins sans consentement ou de l’indication qu’il s’en rapporte, et que de telles mentions n’ont pas à être communiquées aux parties ou mises à leur disposition avant l’audience.

Dans cette affaire, la patiente avait été admise, le 6 juillet 2020, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du préfet, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

Ayant saisi le juge des libertés et de la détention d’une requête aux fins de mainlevée de la mesure le 21 octobre 2022 sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code, elle s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Versailles du 5 décembre 2022 ayant maintenu la mesure de soins psychiatriques sans consentement, en lui faisant grief :

  • « qu'en matière d'hospitalisation sous contrainte, l'affaire doit être instruite et jugée après avis du ministère public, lequel ne peut se borner à un simple visa de la procédure ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le procureur général représenté par (une) avocate générale, a visé cette procédure par écrit le 2 décembre 2022 ; qu'en maintenant la mesure de soins psychiatriques de Mme [L] sous la forme d'un programme de soins, sans que le ministère public ait fait connaître son avis sur le maintien de la mesure, le délégué du Premier Président a violé les articles R. 3211-15 et R. 3211-21 du code de la santé publique, ensemble les articles 425, 809 et 811 du code de procédure civile » ;
  • « en toute hypothèse, qu'il doit résulter de la décision que l'avis du ministère public a été mis à la disposition des parties afin de leur permettre d'y répondre en temps utile ; qu'en l'espèce, en maintenant la mesure de soins psychiatriques à l'encontre de Mme [L], sous la forme d'un programme de soins, sans constater que le visa écrit du ministère public en date du 2 décembre 2022 (vendredi) lui avait été notifié ou mis à la disposition afin qu'elle soit en mesure d'y répondre avant l'audience du 5 décembre 2022 (lundi), le délégué du premier Président a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

La Cour de cassation a écarté cet argumentaire au visa des articles R. 3211-15 (cinquième alinéa : « Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile », concernant la procédure devant le juge de libertés et de la détention, en première instance) et R. 3211-21 (second alinéa : « Lorsqu'il n'est pas partie principale, le ministère public fait connaître son avis dans les conditions définies par le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile », concernant la procédure devant le premier président de la cour d’appel) du code de la santé publique, et 431 du code de procédure civile (second alinéa : « Dans tous les autres cas, il peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience »).

Pour elle, si « selon ce texte, le ministère public peut adresser à la juridiction des conclusions écrites mises à la disposition des parties ou donner son avis oralement à l'audience », lorsqu’il « n'a pas d'observations à faire valoir, il peut se borner à apposer son visa sur le dossier ou indiquer qu'il s'en rapporte ».

Ajoutant que « de telles mentions, sans influence sur la solution du litige, ne peuvent être assimilées à des conclusions écrites au sens de l'article 431 du code de procédure civile et n'ont pas à être communiquées aux parties ou mises à leur disposition avant l'audience », elle a rejeté le pourvoi de la requérante, dès lors que le premier président s'était prononcé sur le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement après avoir constaté que le ministère public avait apposé son visa sur le dossier de l'affaire qui lui avait été communiqué.

2. Les règles particulières à la procédure d’appel des décisions du juge des libertés et de la détention en matière de soins sans consentement :

Des précisions ont été apportées concernant :

- le constat du désistement non équivoque du patient de son appel de l’ordonnance de poursuite de soins psychiatriques sans consentement (a) ;

- la saisine du juge d’appel par le délégataire du préfet (b) ;

- l’obligation pour le greffe de convoquer le préfet en cas de mesure de soins sans consentement prise par celui-ci (c) ;

- la validité de l’appel du patient par déclaration non motivée en matière de soins sans consentement (d) ;

- la capacité du majeur protégé à faire appel seul de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement (e) ;

- le fait que l’appel du patient contre son maintien en hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention doive être regardé comme tendant à la mainlevée du programme de soins ensuite imposé (f) ;

- le délai de douze jours pour statuer sur l’appel du patient maintenu en soins sans consentement part du jour de sa réception (g).

a. Le constat du désistement non équivoque du patient de son appel de l’ordonnance de poursuite de soins psychiatriques sans consentement :

Par un arrêt du 31 janvier 2024 (n° 23-15969, à publier au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur le désistement d’un patient de son appel contre l'ordonnance d'un juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite de ses soins psychiatriques sans consentement.

Un patient avait été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du directeur d’un centre hospitalier, à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 1° du code de la santé publique, le 22 décembre 2022.

Le 27 décembre 2022, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention en vue de la poursuite de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 29 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention avait autorisé la poursuite des soins.

Par courrier reçu au greffe de la cour d’appel le 4 janvier 2023, le patient s’était désisté de son appel contre l’ordonnance du 29 décembre 2022.

Par ordonnance du 11 janvier 2023, le premier président de la cour d’appel avait constaté le désistement et confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Par son arrêt du 31 janvier 2024, la Première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du patient contre l’ordonnance du 11 janvier 2023.

Le demandeur invoquait trois moyens.

Il soutenait que, dans une procédure d’appel avec représentation obligatoire, le juge n’aurait pu constater son désistement d’appel sur la base d’un courrier du demandeur, mais non signé par son avocat constitué, lequel aurait eu seul qualité pour le représenter et conclure en son nom, alors au surplus, que le demandeur, absent à l’audience d’appel du 10 janvier 2023, y aurait été représenté par ledit avocat, de sorte que les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique auraient été violés.

La Première chambre civile a écarté ce moyen comme inopérant, dès lors qu’il se référait à la procédure avec représentation obligatoire, jugée inapplicable en l'espèce.

A cet égard, le code de la santé publique dispose :

  • « à l'audience (du juge des libertés et de la détention), la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est entendue, assistée ou représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat dans les conditions prévues au présent alinéa » (deuxième alinéa du I de l’article L. 3211-12-2) ;
  • « le débat (devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué) est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I »(article L. 3211-12-4) ;
  • « devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est assistée ou représentée par un avocat. Elle est représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2, de ne pas l'entendre. Les autres parties ne sont pas tenues d'être représentées par un avocat » (article R. 3211-8).

 La Cour de cassation a jugé qu’il en résulte que :

  • « la procédure suivie en matière de soins psychiatriques sans consentement n'est pas une procédure avec représentation obligatoire » (cf. articles 817 (« Lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l'article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées ») et 946 (« La procédure (sans représentation obligatoire) est orale ») du code de procédure civile) ;
  • « si l'assistance ou la représentation par un avocat est prévue par ces textes, c'est, d'une part, uniquement au bénéfice du patient, d'autre part, exclusivement lors de l'audience tenue par le juge des libertés et de la détention puis, le cas échéant, par le premier président de sorte que le patient peut seul former une requête en mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, relever appel de la décision du juge des libertés et de la détention et s'en désister ».

Le demandeur se prévalait également de deux autres moyens, réunis par la Cour de cassation pour les rejeter.

D’une part, il invoquait la méconnaissance des articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique, et de l'article 397 du code de procédure civile, dès lors que son désistement, emportant acquiescement à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 décembre 2022, donc à la poursuite des soins, avait été constaté sans l'avoir auditionné lors de l'audience publique du 10 janvier 2023, et sans faire état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition.

D’autre part, il soutenait que le premier président de la cour d’appel aurait méconnu les articles 397 et 405 du code de procédure civile, et L. 3212-1, L. 3211-12-2, L. 3211-124 et R. 3211-8 du code de la santé publique, pour avoir constaté son désistement d’appel sans s’être assuré de son caractère certain et non équivoque, en ne l’ayant pas auditionné lors de l’audience publique du 10 janvier 2023, sans avoir fait état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition, ni constater que le patient aurait, par son courrier de désistement reçu au greffe le 4 janvier 2023, acquiescé à l’ordonnance du 29 décembre 2022 et à la poursuite des soins.

 Pour écarter ces moyens, la Première chambre civile a jugé que « les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique imposant que le patient faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement soit entendu à l'audience, à moins qu'un motif médical motivé ou qu'une circonstance insurmontable n'empêche cette audition, ne s'appliquent que lorsque le juge ou le premier président statue sur la poursuite de la mesure ».

Elle a rappelé qu’en « matière de procédure orale, le désistement formé par écrit, antérieurement à l'audience, produit immédiatement son effet extinctif de sorte que le juge ne peut plus statuer sur les demandes, sauf celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile » (cf. Civ. 2ème 10 janvier 2008, n° 06-21938 ; 11 mai 2017, n° 16-18055) et en a « déduit qu'en présence d'un écrit manifestant une volonté claire et non équivoque de se désister et en l'absence d'autres éléments le remettant en cause, le désistement doit être constaté par le premier président ».

Par suite, dès lors que son ordonnance du 11 janvier 2023 avait constaté que, par courrier reçu au greffe le 4 janvier 2023, le patient s’était désisté de son appel, que son avocat s’en était rapporté et que le ministère public avait demandé que ce désistement fût constaté, le premier président, « dessaisi par l’effet du désistement d'appel, dont le caractère équivoque n'avait pas été invoqué par l'avocat représentant la personne à l'audience, n'avait plus à statuer sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement et n'avait, dès lors, pas à entendre le patient à l'audience ».

Pour éviter toute difficulté éventuelle, l’avocat du patient pourrait avoir intérêt à s’assurer des conditions dans lesquelles son client se serait désisté de son appel, voire, si telle était l’intention du patient, à soulever le caractère équivoque de son désistement et soutenir que son client devrait donc être entendu à l’audience, bien que, suivant les circonstances et le trouble mental dont il serait atteint, les intentions d’un patient admis en soins psychiatriques sans consentement puissent évoluer ou être difficiles à apprécier avec certitude, à l’instar de sa capacité à consentir valablement au désistement de son appel contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite de tels soins.

b. La saisine du juge d’appel par le délégataire du préfet :

Par arrêt du 16 octobre 2024 (n° 23-14764, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’il « résulte des articles 931 et 932 du code de procédure civile et R. 3211-10 du code de la santé publique que la délégation de signature accordée par le préfet pour prononcer une mesure d'hospitalisation complète sans consentement n'inclut pas la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de maintien de la mesure ni l'appel contre une ordonnance prononçant sa mainlevée ».

Ces trois dispositions prévoient respectivement :

  • « Les parties se défendent elles-mêmes. / Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement. / Le représentant doit, s'il n'est avocat, justifier d'un pouvoir spécial » (article 931 du code de procédure civile, concernant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel) ;
  • « L'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour » (article 932 du code de procédure civile, concernant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel) ;
  • « Le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil est saisi par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal judiciaire. / La requête est datée et signée (…) » (article R. 3211-10 du code de la santé publique).

En l’espèce, une personne avait été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète dans un centre hospitalier le 5 mars 2021, par décision du représentant de l'Etat, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

Le patient avait saisi le juge des libertés et de la détention le 19 janvier 2023 aux fins de mainlevée de la mesure, sur le fondement des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention avait ordonné la mainlevée de la mesure.

Par ordonnance du 17 février 2023, le premier président de la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel du préfet des Hauts-de-Seine contre l’ordonnance du 30 janvier 2023 pour avoir été relevé par sa directrice de cabinet, dès lors que celle-ci avait seulement reçu du préfet délégation de signature aux fins de signer « tous les arrêtés, actes, décisions, mémoires contentieux, correspondances et documents relevant des missions du cabinet du préfet et des services qui lui sont rattachés, tels que définis par l'arrêté du 30 septembre 2022 », lequel précisait en son article 3 qu'elle était responsable du suivi des dossiers d'hospitalisation sous contrainte et qu'une délégation expresse lui était donnée pour signer les arrêtés en matière d'hospitalisation sans consentement des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, dans les formes prévues par le code de la santé publique », si bien que le premier président a pu en déduire qu’elle n'avait pas reçu de délégation pour interjeter appel au nom du préfet et que l'appel était irrecevable.

c. L’obligation pour le greffe de convoquer le préfet en cas de mesure de soins sans consentement prise par celui-ci :

Par arrêt du 16 octobre 2024 (n° 23-12507, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « lorsque le juge est saisi d'une mesure de soins sans consentement prise par décision du représentant de l'Etat, il incombe au greffe de convoquer celui-ci, partie à la procédure », conformément aux articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Le troisième alinéa de ce dernier, qui concerne la procédure en appel, prévoit en effet que « le greffier de la cour d'appel fait connaître par tout moyen la date et l'heure de l'audience aux parties, à leurs avocats et, lorsqu'ils ne sont pas parties, au tiers qui a demandé l'admission en soins et au directeur d'établissement », tandis que le premier, relatif à la procédure en première instance, dispose notamment que « le greffier convoque aussitôt, par tout moyen, en leur qualité de parties à la procédure :  (…) 3° Le cas échéant, le préfet qui a ordonné ou maintenu la mesure de soins ou le directeur d'établissement qui a prononcé l'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent. / Dans tous les cas, sont également avisés le ministère public et, s'ils ne sont pas parties, le directeur de l'établissement et, le cas échéant, le tiers qui a demandé l'admission en soins psychiatriques. »

En l’espèce, une personne avait été admise le 3 avril 2019 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète dans un centre hospitalier, par décision du représentant de l'Etat, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, puis avait fait l'objet d'un nouveau programme de soins le 15 juillet 2022, à l'issue de la mise en œuvre de programmes de soins et de réintégrations.

Le patient avait saisi le juge des libertés et de la détention le 15 juillet 2022 aux fins de mainlevée de la mesure de soins sans consentement, puis s’était pourvu en cassation contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Lyon du 6 décembre 2022 ayant maintenu la mesure.

Ladite ordonnance a été cassée, sur le moyen soulevé d’office par la Cour de cassation et pris de la violation des articles précités, pour avoir mentionné comme partie intimée le centre hospitalier, tout en relevant que la mesure avait été prise par le préfet en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, mais sans que le premier président de la cour d’appel se soit assuré de la convocation du préfet à son audience.

d. La validité de l’appel du patient par déclaration non motivée en matière de soins sans consentement :

Par un arrêt du 15 mai 2024 (n° 22-22893), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’est valide l’appel d’un patient en soins psychiatriques sans consentement par hospitalisation complète, par déclaration non motivée, contre l’ordonnance d’un juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite d’une mesure d’isolement prise à son encontre.

Le patient avait été admis le 11 décembre 2019 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du représentant de l'Etat dans le département, sur le fondement de l'article L.3213-1 du code de la santé publique, permettant pareille mesure pour les « personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ».

Après une période de programme de soins, il a été réadmis en hospitalisation complète le 20 juin 2022 et placé à l'isolement le 21 juin 2022.

Par décisions des 25 et 29 juin 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de la mesure d'isolement.

Par ordonnance du 1er juillet 2022, il a autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.

Resaisi par le directeur d'établissement le 4 juillet 2022, il a autorisé la poursuite de la mesure d'isolement par ordonnance du 5 juillet 2022, dont le patient a fait appel par lettre du 6 juillet 2022.

Le patient s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du 7 juillet 2022 par laquelle le premier président d'une cour d'appel de Limoges a déclaré irrecevable son appel pour défaut de motivation de sa déclaration d’appel.

La Cour de cassation a relevé d’office le moyen pris de la violation des articles 114, 122 du code de procédure civile et R. 3211-43 du code de la santé publique.

Ce dernier prévoit que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel ».

L’arrêt du 15 mai 2024 relève que « cette disposition n'a pas assorti d'une sanction l'exigence de motivation de la déclaration d'appel, dérogatoire au droit commun de l'appel, et (que) ce recours peut être formé sans l'assistance de leur avocat par des personnes considérées comme atteintes de troubles mentaux ne leur permettant pas de consentir à des soins ».

Il juge que « l'absence de motivation de la déclaration d'appel n'affecte que le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci et qu'elle ne prive pas la personne de son droit d'agir ».

« Elle n'est pas une cause d'irrecevabilité de l'appel », dès lors que « seule » « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (article 122 du code de procédure civile).

Par suite, « le vice pris du défaut de motivation ne peut (…) que relever des vices de forme ».

Or, « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public » (article 114 du code de procédure civile).

Relevant que « l'exigence de motivation ne (constitue) pas une formalité substantielle ou d'ordre public » et que « la nullité de l'acte n'est donc pas encourue en l'absence de motivation de la déclaration d'appel », la Cour de cassation a annulé l’ordonnance du 7 juillet 2022 pour avoir, en violation de ces trois dispositions, déclaré irrecevable l’appel du patient pour défaut de motivation de sa déclaration d’appel.

L’arrêt du 15 mai 2024 confirme le raisonnement analogue tenu par la Cour de cassation, en matière de poursuite de soins sans consentement, par son arrêt du 20 décembre 2023 (1ère Civ., n° 23-15847), par un moyen également relevé d’office, tiré de la violation des articles 114, 122 du code de procédure civile et R. 3211-19 du code de la santé publique, et dont la motivation a également été reprise par la Première chambre civile dans un arrêt du 25 septembre 2024 (n° 23-12515, publié au Bulletin).

e. La capacité du majeur protégé à faire appel seul de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement :

Par un arrêt du 31 janvier 2024 (n° 22-23242, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’un majeur protégé avait capacité à faire appel seul, sans l’assistance, en l’espèce, de son curateur, de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement le concernant.

Dans cette affaire, le patient avait été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du préfet de police de Paris.

Il avait ensuite fait l’objet d’un programme de soins avant d’être, le 21 août 2022, réadmis en hospitalisation complète.

La poursuite des soins avait été autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er septembre 2022, saisi par le préfet de police de Paris, et dont l’avocat du patient avait fait appel le 12 septembre 2022.

Son appel avait été déclaré irrecevable par ordonnance du premier président de la cour d’appel du 16 septembre 2022, au motif que le patient, majeur sous curatelle en vertu d'un jugement du 30 novembre 2018, ne pouvait agir ou se défendre en justice sans l'assistance de son curateur.

L’ordonnance du 16 septembre 2022 a fait l’objet d’un pourvoi en cassation du  patient et la Première chambre civile, dans le fil de sa jurisprudence du 5 juillet 2023 (arrêt n° 23-10096, publié au Bulletin), a cassé sans renvoi la décision attaquée pour violation des articles 415, 459 du code civil et  L. 3211-12 du code de la santé publique, disposant respectivement :

  • « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. / Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. / Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. / Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique » (article 415 du code civil) ;
  • « Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet (…) » (article 459 du code civil) ;
  • « La saisine (du juge des libertés et de la détention) peut être formée par : 1° La personne faisant l'objet des soins ; (…) 3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet des soins » (troisième alinéa du paragraphe I de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique ».

La Cour de cassation en a déduit que « constitue un acte personnel que la personne majeure protégée peut accomplir seule l'appel d'une décision du juge des libertés et de la détention statuant sur une mesure de soins sans consentement la concernant ».

Par application des mêmes dispositions, elle avait d’ailleurs préalablement écartée l’irrecevabilité opposée par le préfet de police au pourvoi du patient ayant agi à nouveau sans l’assistance de son curateur contre l’ordonnance du 16 septembre 2022, et tirée du troisième alinéa de l’article 468 du code civil (« Cette assistance (de la personne en curatelle par son curateur) est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre »), dès lors qu’il « se déduit des articles 415 et 459 du code civil et L. 3211-12 du code de la santé publique que constitue un acte personnel que la personne majeure protégée peut accomplir seule la formation d'un pourvoi contre une ordonnance statuant sur une mesure de soins sans consentement la concernant ».

En ouvrant ainsi au majeur protégé la possibilité d’agir seul devant le juge des libertés et de la détention ou pour faire appel ou se pourvoir en cassation contre les décisions statuant sur des mesures de soins sans consentement le concernant, la jurisprudence des 5 juillet 2023 et 31 janvier 2024 lui garantit l’effectivité du droit au recours autonome qu’il devrait tenir du paragraphe 4 de l’article 5 (« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ») ou du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (cf. CEDH, 27 mars 2008, Chtoukatourov c. Russie, n° 44009/05, paragraphes 75, 123 et 124 ; Grande Chambre, 17 janvier 2012, Stanev c. Bulgarie, n° 36760/06, paragraphes 168 à 178).

f. L’appel du patient contre son maintien en hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention regardé comme tendant à la mainlevée du programme de soins ensuite imposé :

Par un arrêt du 28 février 2024 (n° 22-15888, à publier au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'il incombe au premier président, saisi de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention maintenant une mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, formé par la personne faisant l'objet des soins sans consentement aux fins d'en obtenir la mainlevée, de statuer sur la demande de mainlevée de la mesure, y compris lorsqu'entre temps, celle-ci a pris la forme d'un programme de soins.

En l’espèce, la patiente avait été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète le 10 mai 2016.

Elle avait bénéficié d'un programme de soins à compter du 15 juillet 2021.

Sa réadmission en hospitalisation complète avait été décidée le 19 novembre 2021 par le préfet, qui, le même jour, avait saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète, sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 29 novembre 2021, le juge des libertés et de la détention avait autorisé la poursuite des soins sans consentement sous le régime d'une hospitalisation complète.

Le 1er décembre 2021, la patiente avait fait appel de cette ordonnance.

Le 22 décembre 2021, sa prise en charge s’était poursuivie sous la forme d’un programme de soins.

Par ordonnance du 24 décembre 2021, le premier président de la cour d’appel avait déclaré son appel sans objet, dès lors que la patiente faisait désormais l’objet d’un programme de soins, qu’elle n’aurait pas formé de nouveau recours contre la décision ayant ainsi modifié les soins et qu’il n’aurait à statuer que dans les limites de sa saisine.

La patiente s’était pourvue en cassation en soutenant que ce non-lieu à statuer avait méconnu les articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Sans viser l’article L. 3211-12, mais les seuls articles L. 3211-12-1 et L. 3211-12-4 du code de la santé publique, la Première chambre civile de la Cour de cassation en a déduit « qu'il incombe au premier président, saisi de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention maintenant une mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, formé par la personne faisant l'objet des soins sans consentement aux fins d'en obtenir la mainlevée, de statuer sur la demande de mainlevée de la mesure, y compris lorsqu'entre temps, celle-ci a pris la forme d'un programme de soins », pour  casser sans renvoi l’ordonnance attaquée.

La demande de mainlevée du patient initialement maintenu en hospitalisation complète par l’ordonnance dont il a fait appel devrait ainsi être regardée comme tendant à celle du programme de soins intervenu avant que le premier président de la cour d’appel ne statue.

Le patient serait ainsi dispensé de former auprès du juge des libertés et de la détention un recours distinct contre la décision lui imposant un tel programme, tout en conservant sans doute la possibilité d’exercer également un tel recours supplémentaire devant le juge des libertés et de la détention, qui « peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme » (article L. 3211-12 du code de la santé publique), voire de faire appel de sa décision à cet égard (sur le contrôle à exercer sur un programme de soins, cf. Civ. 1ère 13 juin 2019, n° 18-18354, 21 novembre 2019, n° 19-17941 et 6 juillet 2022, n° 20-50040).

g. Le délai de douze jours pour statuer sur l’appel du patient maintenu en soins sans consentement part du jour de sa réception :

Par un arrêt du 20 mars 2024 (n° 22-21898), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le délai de douze jours imparti au premier président d’une cour d’appel pour statuer sur l’appel du patient contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention l’ayant maintenu en soins sans consentement court à compter de la date de réception de sa déclaration d’appel et non de celle de son enregistrement par le greffe.

Dans cette affaire, la patiente avait été admise, le 17 mai 2022, en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d’établissement, en application de l'article L. 3212-1, II, 2° du code de la santé publique, pour péril imminent.

Saisi le 23 mai 2022 par le directeur, le juge des libertés et de la détention avait maintenu la mesure le 27 mai 2022 par une ordonnance dont la patiente fit appel le même jour, un vendredi, à 18 h 02, après l’heure de fermeture du greffe.

Son appel ne fut enregistré par le greffe que le lundi 30 mai 2022.

Or, le premier alinéa de l’article  R. 3211-22 du code de la santé publique prévoit qu’à « moins qu'il n'ait été donné un effet suspensif à l'appel, le premier président ou son délégué statue dans les douze jours de sa saisine », l’article  R. 3211-19 du même code précisant par ailleurs que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel. La déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure ».

La Cour de cassation a déduit de ces textes que « le premier président ou son délégué, saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel, statue dans les douze jours de sa saisine ».

Elle a donc cassé l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Caen du 9 juin 2022, en raison de leur violation, dès lors qu’en application des règles de computation des délais en jour, le délai en cause avait expiré le 8 juin 2022 (cf. articles 640 (« Lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir »), 641 (« Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ») et 642 (« Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. / Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ») du code de procédure civile).

3. Les règles particulières au contrôle des mesures d’isolement :

La Cour de cassation s’est prononcée sur :

- les délais de contrôle d’isolement et l’absence d’audition du patient par le juge des libertés et de la détention (a) ;

- l’expiration du délai de contrôle hebdomadaire par le juge des libertés et de la détention du maintien en isolement d’un patient en hospitalisation complète à la même heure et minute que sa précédente décision (b) ;

- l’absence d’incidence de l’irrégularité d’une mesure d’isolement ou de contention sur la régularité de l’hospitalisation complète (c).

a. Sur les délais de contrôle d’isolement et l’absence d’audition du patient par le juge des libertés et de la détention

Par un arrêt du 26 juin 2024 (n° 23-14230), la Première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur certains aspects du contrôle de l’isolement d’un patient en soins psychiatriques sans consentement par le juge des libertés et de la détention.

La chronologie de l’affaire était la suivante :

  • 20 décembre 2022 : admission de la patiente en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du représentant de l'Etat dans le département ;
  • 30 décembre 2022 : ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la poursuite de la mesure de ces soins ;
  • 8 janvier 2023 : transfert de la patiente dans l’unité hospitalière spécialement aménagée d’un centre hospitalier ;
  • 11 janvier 2023 à 17 h 58 : placement de la patiente à l’isolement ;
  • 14 janvier 2023 à 19 h 07 : autorisation par le juge des libertés et de la détention du maintien de la mesure d’isolement ;
  • 18 janvier 2023 à 15 h 39 : saisine du juge des libertés et de la détention par le directeur d’établissement aux fins de poursuite de l’isolement.

La patiente s’était pourvue en cassation contre l’ordonnance du 20 janvier 2023 par laquelle le premier président de la cour d’appel de Rennes avait maintenu son isolement.

Elle lui reprochait d’abord une violation des articles R. 3211-12 et R. 3211-33-1 du code de la santé publique et du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits fondamentaux.

A cet égard, il est prévu que « lorsque le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention, en application du II de l'article L. 3222-5-1, la requête est présentée dans les conditions prévues à l'article R. 3211-10 » et que « sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge » (paragraphe I de l’article R. 3211-33-1).

Parmi les pièces ainsi mentionnées à l’article R. 3211-12, figure notamment, « 5° Le cas échéant, (…) b) L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition ».

Le code de la santé publique prévoit, par ailleurs, que le directeur de l'établissement :

  • informe le patient de la saisine du juge des libertés et de la détention (paragraphe II de l’article R. 3211-33-1) ;
  • lui indique également qu'il peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention et qu'il sera représenté par un avocat si le juge décide de ne pas procéder à son audition au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa du III de l'article L. 3211-12-2 (idem).

Cette dernière disposition législative prévoit ainsi que « le patient ou, le cas échéant, le demandeur peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut être présentée oralement. Néanmoins, si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à l'audition du patient, celui-ci est représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office », sans que, jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel ne semble avoir eu à se prononcer sur sa conformité à la Constitution ou aux droits ou libertés qu’elle garantit, en ce que, par exemple, n’y serait pas prévue l’exigence d’un avis médical motivé émanant d’un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient placé à l’isolement et déclaré inapte à être entendu par le juge (cf. CC 31 mars 2023, n° 2023-1040/1041 QPC, sur la constitutionnalité d’autres règles relatives aux modalités de contrôle de l’isolement).

Le directeur de l'établissement doit, en outre, communiquer au greffe par tout moyen permettant de donner date certaine à leur réception, dans un délai de dix heures à compter de l'enregistrement de sa requête, notamment, « si le patient demande à être entendu par le juge des libertés et de la détention, un avis d'un médecin relatif à l'existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l'utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental » (3° du paragraphe II de l’article R. 3211-33-1).

L’arrêt du 26 juin 2024 a jugé que « ces dispositions spécifiques en matière d'isolement et de contention dérogeaient aux règles générales applicables à la procédure en matière de soins psychiatriques sans consentement prévues à l'article R. 3211-12, 5°, b) du code de la santé publique et n'imposaient pas que l'avis médical soit rédigé par un psychiatre ne participant pas à la prise en charge ».

Il ne semble pas que la patiente ait discuté de l'éventuelle non-conformité au principe d'égalité de cette dérogation et de la différence de réglementation ainsi prévue respectivement par les articles R. 3211-12 et R. 3211-33-1 du code de la santé publique, au regard notamment de la contrainte supplémentaire qu'implique l'isolement et de la nécessité de sauvegarder les droits et intérêts du patient dans une situation de vulnérabilité.

Par ailleurs, la patiente reprochait aussi à l’ordonnance du 20 janvier 2023 d’avoir méconnu l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, en ce que le juge des libertés et de la détention n’aurait pas été :

  • d’une part, informé sans délai par le directeur d’établissement du renouvellement de l’isolement au-delà de quarante-huit heures d’isolement, soit le 16 janvier 2023 à 17 h 58, à compter de l’expiration d’une première période d’isolement le 14 janvier 2023 à 17 h 58 ;
  • d’autre part, saisi par le directeur d’établissement avant l’expiration d’un délai de soixante-douze heures à compter de de l’expiration de cette première période d’isolement le 14 janvier 2023 à 17 h 58, soit avant le 17 janvier 2023 à 17 h 58.

A cet égard, l’article L. 3222-5-1 prévoit une durée maximale d’isolement de quarante-huit heures (paragraphe I) et la possibilité, à titre exceptionnel, pour le médecin de renouveler l’isolement au-delà de cette durée (paragraphe II).

Dans ce dernier cas, « le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures » (premier alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1) et il « saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement » (deuxième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1).

Le juge statue alors « dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II » (troisième alinéa du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1).

Au vu de ces dispositions, la Première chambre civile a jugé « qu'après une première autorisation judiciaire de maintien d'une mesure d'isolement et si celle-ci est renouvelée par le médecin », « le juge des libertés et de la détention doit être informé sans délai de ce renouvellement au-delà de quarante-huit heures après l'expiration du délai de vingt-quatre heures dont il disposait pour statuer sur la première requête » et que « le directeur de l'établissement doit saisir le juge des libertés et de la détention avant la soixante-douzième heure d'isolement après l'expiration du délai de vingt-quatre heures dont le juge disposait pour statuer sur la première requête ».

C’était donc à bon droit que le premier président de la cour d’appel de Rennes s’était placé à la date du 17 janvier 2023 à 17 h 58, s’agissant d’un isolement débuté le 11 janvier 2023 à 17 h 58 et maintenu par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 14 janvier 2023 à 19 h 07, pour apprécier si le directeur d’établissement l’avait bien informé « sans délai » de ce nouveau renouvellement (la question pouvant se poser, par ailleurs, du délai mis à délivrer cette information, un délai de prévenance de deux heures ayant ici été jugé convenable par le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d’appel et, semble-t-il, non critiqué par la patiente – cf. Crim. 20 mars 2007, n° 06-89050, sur le caractère excessif d’un délai d’une heure et quinze minutes à aviser le procureur de la République d’une garde à vue), et qu’il avait retenu que la nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention, à l'issue de la première autorisation de maintien en isolement, devait avoir lieu avant le 18 janvier 2023 à 17h58 et était intervenue ce jour à 15 h 39.

b. L’expiration du délai de contrôle hebdomadaire par le juge des libertés et de la détention du maintien en isolement d’un patient en hospitalisation complète à la même heure et minute que sa précédente décision :

Par avis du 6 mars 2024 (n° 23-70017) en réponse à une question du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper (« Le délai de sept jours fixé par l'article L. 3222-5-1, II, du code de la santé publique, imparti au juge pour statuer après deux décisions de maintien en isolement, expire-t-il à la vingt-quatrième heure du septième jour suivant la précédente décision du juge des libertés et de la détention, à l'heure à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant, ou à la minute à laquelle la précédente décision a été rendue sept jours auparavant ? »), la Première chambre civile de la Cour de cassation a répondu que ce délai expire sept fois vingt-quatre heures, soit 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes.

Cette interprétation est d’abord justifiée par les limites que le législateur a entendu fixer à la  « pratique de dernier recours » (paragraphe I de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique) que doit constituer l’isolement, qui ne peut concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement.

« Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures » (idem).

« A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II » (paragraphe II de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique).

« Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions » (idem).

La circulaire du Garde des Sceaux du 25 mars 2022 (n° NOR : JUSC 2209863C) présentant les dispositions issues de l’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique et du décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d'isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, indiquait que la saisine du juge des libertés et de la détention après une seconde décision de maintien, et pour les renouvellements ultérieurs, devrait avoir lieu « au moins 24 heures avant l’expiration d’un délai de 7 jours d’isolement suivant le dernier cycle au cours duquel la décision du JLD est intervenue. Le juge doit statuer avant l’expiration du délai de 7 jours » (page 8), sans préciser exactement la computation de celui-ci (voir, toutefois, le schéma en page 5).

A cet égard, l’avis du 6 mars 2024 relève que :

  • « les délais applicables sont ainsi exprimés en heures, à la différence du délai de sept jours introduit par la loi du 22 janvier 2022 » ;
  • « ce dernier délai inclut une saisine du juge des libertés et de la détention vingt-quatre heures avant son expiration » ;
  • « les délais exprimés en heures se calculent d'heure à heure (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-22.827, publié) »
  • le second alinéa de l'article R. 3211-32 du code de la santé publique a exclu l’application de l’article 642 code de procédure civile (« Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. / Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ») à la procédure judiciaire relative aux mesures d'isolement et de contention prises en application de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique ;
  • « les mesures d’isolement et de contention sont des mesures privatives de liberté et la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible (décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020) ».

La Première chambre civile en a donc déduit qu’il « ne peut être retenu que le délai de sept jours dans lequel le juge doit statuer expire sept jours après sa précédente décision à vingt-quatre heures », mais que ce délai expire « 168 heures, après la précédente décision de maintien de la mesure par le juge des libertés et de la détention, à l'heure exacte en heures et en minutes ».

Par suite, la mesure d’isolement devrait être levée si le directeur de l'établissement n'avait pas saisi le juge des libertés et de la détention avant l'expiration d’une durée de 144 heures à compter de sa précédente décision de maintien, ou si le juge ne statuait pas dans le délai de 168 heures à compter de cette même décision (article R. 3211-39 du code de la santé publique).

c. L’absence d’incidence de l’irrégularité d’une mesure d’isolement ou de contention sur la régularité de l’hospitalisation complète :

Par arrêt du 25 septembre 2024 (n° 23-12515, publié au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’il « résulte des articles L. 3222-5-1, L. 3211-12, L. 3211-12-1 et R. 3211-39 du code de la santé publique, qu'à l'occasion du contrôle systématique d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète, d'une demande de mainlevée de cette mesure ou d'une saisine d'office, le constat, par le juge des libertés et de la détention, d'une irrégularité affectant une mesure d'isolement ou de contention ne peut donner lieu à la mainlevée que de l'une ou l'autre de ces dernières mesures ».

En l’espèce, par ordonnance du 28 novembre 2022, le premier président de la cour d’appel de Paris avait autorisé la poursuite de l’hospitalisation complète d’une patiente, admise en soins psychiatriques sans consentement le 8 novembre 2022 par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, en application de l'article L. 3212-1, II, 1°, du code de la santé publique.

Placée à l'isolement du 8 au 17 novembre 2022, la patiente s’était pourvue en cassation contre l’ordonnance du 28 novembre 2022 en lui reprochant de n’avoir pas jugé que la procédure d'hospitalisation complète aurait été nulle en raison d’irrégularités affectant la mesure d'isolement, dont le juge des libertés et de la détention aurait été saisi tardivement ou qu’il n’aurait autorisé que le 16 novembre 2022.

La Cour de cassation a rejeté son pourvoi et jugé que « le non-respect éventuel des délais d'isolement ne permettait pas de déclarer illégale l'ensemble de la procédure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète ».