En 2024, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence, quant à certaines des règles particulières du contentieux administratif de l’urbanisme, sur :
- l’intérêt à agir contre un permis de construire (1) ;
- le déclenchement du délai de recours à l’égard des tiers (2) ;
- l’obligation pour le tiers de notifier son recours au bénéficiaire et à l’auteur de l’autorisation d’urbanisme (3) ;
- les conditions de régularisation d’une autorisation d’urbanisme (4) ;
- l’obligation pour le juge administratif de se prononcer sur l’ensemble des moyens d’illégalité invoqués en cas d’annulation ou de suspension d’un acte d’urbanisme (5) ;
- l’incidence éventuelle de l’illégalité d’un document d’urbanisme sur une autorisation d’urbanisme (6).
1. Sur l’intérêt à agir contre un permis de construire :
Par un arrêt du 16 octobre 2024 (n° 475093), le Conseil d’Etat a jugé que la qualité de locataire d’un immeuble existant, ayant vocation à être démoli pour les besoins de la réalisation d’un nouvel ensemble immobilier, ne confère pas à une personne un intérêt suffisant pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire cet ensemble immobilier, ce permis n’étant, par lui-même, pas de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien occupé, au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, qui prévoit :
« Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. »
L’article L. 600-1-3 du code de l’urbanisme précise que « sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. »
En l’espèce, à la demande de la société locataire des locaux existants devant être démolis pour faire place au projet litigieux, un permis de construire du 10 mai 2019, pour la réalisation d'un ensemble immobilier d'une surface de plancher de 23 500 mètres carrés comprenant un immeuble de bureaux, des locaux d'activités comportant des laboratoires alimentaires et un établissement et service d'aide par le travail, une crèche, un restaurant d'entreprise, des espaces de formation et un parking comprenant 264 aires de stationnement, avait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2021 et un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 18 avril 2023 (n° 21LY02999), contre lequel le bénéficiaire du permis s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’Etat a rappelé qu’il résulte des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme qu'il appartient :
- « à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien » ;
- « au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité » ;
- « au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci » (cf. CE 13 avril 2016, n° 389798).
Par son arrêt du 18 avril 2023, la cour administrative d’appel de Lyon avait jugé que :
- la société requérante était locataire de l'immeuble situé sur le terrain d'assiette du projet en vertu d'un contrat de bail commercial en date du 12 mars 2015 conclu pour une durée de dix ans avec la société bénéficiaire du permis de construire, devant se terminer le 31 décembre 2024 ;
- le tènement immobilier loué comprend un bâtiment de 7 465 m² sur deux étages, qu'elle occupe, un parking couvert d'environ 1 380 m² et un terrain attenant aménagé en enrobé à usage de parking, le tout contenant environ 170 places ;
- la mise en œuvre du permis de construire en litige s'inscrit dans un projet d'ensemble qui nécessitera la démolition de l'immeuble en cause, qu'elle occupe encore à la date de l'arrêté litigieux au titre d'un bail en cours de validité ;
- cette autorisation serait ainsi de nature à léser directement ses conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance du bien qu'elle occupe, alors même que la démolition du bâtiment a été autorisée par un arrêté distinct du 4 décembre 2018 devenu définitif mais postérieur à la date d'affichage de la demande de permis de construire en litige prise en compte par l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme pour apprécier l'intérêt à agir.
Le Conseil d’Etat a jugé qu’en « admettant que la qualité de locataire de l'immeuble existant conférait à la société requérante un intérêt suffisant pour demander l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire litigieux, alors que ce permis, par lui-même, n'était pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance par la société du bien occupé, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel (avait) inexactement qualifié les faits de l'espèce ».
Réglant l’affaire au fond après avoir annulé l’arrêt du 18 avril 2023 et le jugement du 15 juillet 2021, il a rejeté la demande de la société requérante contre le permis du 10 mai 2019 comme étant irrecevable.
La question pourrait se poser de savoir si la même irrecevabilité aurait été encourue en cas de recours du locataire contre le permis de démolir l’immeuble occupé par lui (cf. à propos de l’intérêt à agir du locataire d’un immeuble contre le permis de démolir un immeuble voisin, CE 26 mars 1982, n° 28940).
2. Sur le déclenchement du délai de recours à l’égard des tiers :
Quant au déclenchement du délai de recours du tiers contre un permis de construire, le code de l’urbanisme prévoit que :
- « le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 » (article R. 600-2) ;
- « mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (…) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage » (article R. 424-15) ;
- le panneau assurant cet affichage « indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors œuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel » (article A. 424-16).
Par un arrêt du 28 novembre 2024 (n° 475461), le Conseil d’Etat a rappelé que :
- « en imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, dont la hauteur du bâtiment par rapport au sol naturel », ces dispositions « ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier »
- « l'affichage ne peut être regardé comme complet et régulier si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur » ;
- « pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d'affichage est affectée d'une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu'elle ressort de la demande de permis de construire » (cf. CE 25 février 2019, n° 416610).
Il précise ensuite que :
- « la hauteur mentionnée peut toujours être celle au point le plus haut de la construction » ;
- « elle peut également être, lorsque le règlement du plan local d'urbanisme se réfère, pour l'application des dispositions relatives à la hauteur maximale des constructions, à un autre point, tel que l'égout du toit, la hauteur à cet autre point » ;
- « la circonstance que l'affichage ne précise pas cette référence ne peut, dans un tel cas, permettre de regarder cette mention comme affectée d'une erreur substantielle. »
Il en a déduit que la cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit en rejetant comme tardif le recours d’un tiers contre un permis de construire, dès lors que la hauteur maximale des constructions indiquée par le panneau d’affichage sur le terrain n’excédait pas celle que prévoyait en l’espèce l’article pertinent du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, et que ladite indication n'était donc pas affectée d'une erreur substantielle.
3. Sur l’obligation pour le tiers de notifier son recours au bénéficiaire et à l’auteur de l’autorisation d’urbanisme :
Par trois arrêts, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence relative à l’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, qui prévoit :
« En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.
La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours.
La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de contestation d'un permis modificatif, d'une décision modificative ou d'une mesure de régularisation dans les conditions prévues par l'article L. 600-5-2. »
Par un arrêt du 28 novembre 2024 (n° 488592), au vu de ces dispositions, qui « visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle » (cf. CE 20 octobre 2021, n° 444581), le Conseil d’Etat a rappelé que « si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué » (CE 28 novembre 2024, n° 488592), tout en précisant que « la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d'affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme ne l'impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse » (idem).
Par suite, il a annulé, pour erreur de droit, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon (n° 22LY01405) du 2 août 2023 ayant jugé irrégulière la notification du recours à l'adresse figurant en haut du panneau d'affichage avec le nom de la société bénéficiaire du permis de construire, dès lors qu'il ne se serait pas agi de celle de cette société, telle que mentionnée dans l'acte attaqué, et lui a renvoyé l’affaire.
Dans une telle situation, il ne pourrait donc être reproché au requérant d’avoir ainsi tenu compte de l’adresse indiquée sur le terrain par le panneau d’affichage, même s’il serait plus prudent, en cas de doute, de notifier son recours à chacune des adresses dont il pourrait avoir connaissance.
Une souplesse analogue se retrouve dans l’arrêt du 30 janvier 2024 (n° 471649) par lequel le Conseil d’Etat a admis que les requérants avaient satisfait aux exigences de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme en notifiant leur recours contre un permis de construire délivré par le maire de Paris, au maire de l’arrondissement dans lequel se situe le terrain d’assiette du projet, à l’adresse de la mairie d’arrondissement, alors même que l’affichage de ce permis sur ce terrain et l’arrêté de permis ne faisaient pas mention de cette adresse.
Il en a été jugé ainsi, en raison du « rôle dévolu dans l'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation du sol au maire d'arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris », dès lors, notamment, que « le maire d'arrondissement émet un avis sur toute autorisation d'utilisation du sol dans l'arrondissement délivrée par le maire de la commune ou le maire de Paris et au nom de celle-ci en application des dispositions du code de l'urbanisme (...) » (article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales).
Dans une telle hypothèse, selon les conclusions du rapporteur public du Conseil d’Etat dans cette affaire, la notification à effectuer en cas de recours contre un permis de construire pris par le maire de Paris pourrait se faire à trois adresses possibles : l’Hôtel de Ville, dans le 4ème arrondissement, la direction de l’urbanisme dans le 13ème arrondissement et la mairie d’arrondissement concernée.
Par ailleurs, dans un arrêt du 1er octobre 2024 (n° 477859), le Conseil d’Etat a pu préciser que « l'auteur d'un recours contentieux contre une décision d'urbanisme (…), y compris présenté par la voie d'un appel incident ou d'un pourvoi incident, est tenu de notifier une copie du recours tant à l'auteur de l'acte ou de la décision qu'il attaque qu'à son bénéficiaire. Il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par (les) dispositions (de l’article R. 600-1 du code de l'urbanisme) », dès lors que « les demandes incidentes sont introduites et instruites dans les mêmes formes que la requête (…) » (article R. 631-1 du code de justice administrative).
Il en a déduit qu’un pourvoi incident contre le jugement d’un tribunal administratif, en tant celui-ci n'avait pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant tendant à l’annulation d’un permis de construire, devait être notifié à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, dans un délai de quinze jours à compter de son dépôt, et que, faute de justification de l’accomplissement de cette formalité, en réponse à la demande de régularisation qui lui avait été faite par la première chambre de la section du contentieux, un tel pourvoi devait être rejeté comme entaché d’irrecevabilité, soulevée d’office en l’espèce par le Conseil d’Etat, d’après les conclusions de son rapporteur public.
Des cours administratives d’appel s’étaient déjà prononcées de manière analogue, en matière d’appel incident, par des arrêts (CAA Marseille 19 mars 2010, n° 08MA00506 ; Lyon 15 juin 2021, n° 19LY04543, cités par le rapporteur public du Conseil d’Etat).
Ainsi que le rappelait ce dernier, en l’état de la jurisprudence, « si l'auteur du recours ne s'est pas acquitté (des) formalités (de notification requises par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme), la communication de la requête par le juge à l'auteur de la décision ou au titulaire de l'autorisation ne peut avoir pour effet de régulariser ce recours, alors même qu'elle interviendrait dans le délai prévu par (l’article R. 600-1 du code de l'urbanisme) » (CE 11 décembre 2000, n° 212329), la question pouvant alors se poser de savoir s’il ne s’agirait pas là d’un « formalisme excessif » dans l’application de cette exigence procédurale et d’une éventuelle violation du droit d’accès à un tribunal garanti par le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme (cf. CEDH 5 novembre 2015, Henrioud c. France, n° 21444/11).
4. Sur les conditions de régularisation d’une autorisation d’urbanisme :
Afin de renforcer la sécurité juridique des opérations d’urbanisme et la capacité des titulaires d’autorisation à mettre en œuvre leurs projets dans le respect de la légalité, le code de l’urbanisme a prévu les modalités de régularisation suivantes en cas de recours contentieux :
- « sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé » (article L. 600-5 du code de l’urbanisme) ;
- « sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé » (article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme).
Il en résulte que « lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme si les conditions posées par cet article sont réunies ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même » (CE 11 mars 2024, n° 464257).
Il s’agit là d’un rappel des principes qui avaient été énoncés dans l’avis de Section du 2 octobre 2020 (n° 438318).
Pour autant, alors que les articles article L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ne réglaient pas explicitement ce point, le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne pouvait être fait « application de ces dispositions lorsque l'autorisation d'urbanisme dont il est saisi a été obtenue par fraude », par exemple lorsque « l'auteur de la demande de permis, qui ne pouvait ignorer cet état de fait, avait sciemment induit la commune en erreur en présentant (un) appentis comme un bâtiment existant sur les plans joints à sa demande, ainsi qu'en omettant de joindre au reportage photographique qu'il avait annexé à cette demande une photographie de la façade nord du garage, à laquelle était adossée l'appentis en ruine, commettant ainsi une fraude afin de bénéficier d'une règle d'urbanisme plus favorable » (CE 11 mars 2024, n° 464257).
Pour le rapporteur public, il n’est « pas possible de régulariser une partie seulement du permis frauduleux », « la fraude « corrompt tout » le permis et c’est un nouveau permis en entier que le pétitionnaire, qui entend purger ce vice, doit solliciter, quand bien même le projet présenté sans fraude ne serait pas fondamentalement différent » et, si « la lettre de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ne s’oppose pas à une régularisation de la totalité du permis, (…), s’agissant d’une fraude, et afin de ne pas l’encourager en admettant qu’elle puisse être régularisée si elle venait à être débusquée, il est préférable de renvoyer le pétitionnaire au point de départ ».
Se trouve ainsi confirmée la jurisprudence de plusieurs cours administratives d’appel, dont les arrêts avaient été cités par le rapporteur public (CAA Lyon 12 octobre 2021, n° 20LY03430 : « le vice affectant le permis de construire (…), tiré de l'insuffisance du nombre de places de stationnement au regard de la fraude commise par la société pétitionnaire sur l'objet de la demande, ne peut être regardé, compte tenu de cette fraude, comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ou d'une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du même code » ; Marseille 30 novembre 2023, n° 22MA02534 : « le vice tenant à la fraude commise par le pétitionnaire ne peut faire l'objet d'une régularisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative »).
Dans un souci analogue, « lorsqu'un permis de construire a été obtenu par fraude, l'illégalité qui en résulte n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif » et « il s'ensuit qu'une telle illégalité peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial alors même qu'un permis modificatif aurait été délivré » (CE 18 décembre 2024, n° 490711 ; cf. CAA Nancy 27 décembre 2023, n° 20NC01144 : « la fraude (est) au nombre des vices ne pouvant être régularisés par un permis de construire modificatif »).
Dans un tel cas, il est donc fait exception au principe suivant lequel « lorsqu'un permis de construire initial a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial » (CE 18 décembre 2024, n° 490711 ; cf. CE 2 février 2004, n° 238315).
Dans son appréciation de la possibilité d’une annulation simplement partielle de l’autorisation d’urbanisme (article L. 600-5 du code de l’urbanisme) ou d’une régularisation de celle-ci (article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme), le juge administratif ne peut prendre en considération le « seul projet existant », mais doit « tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d'en revoir, le cas échéant, l'économie générale sans en changer la nature » (CE 11 mars 2024, n° 463413).
Il ne peut non plus exiger « que (la possibilité d’une régularisation, en l’espèce par la réalisation de places de stationnement dans l'environnement immédiat de la construction) soit établie devant (lui) dès ce stade de la procédure, alors qu'une telle analyse suppose de prendre en compte les évolutions susceptibles d'être apportées au projet et la recherche, le cas échéant, d'accords de tiers pour assurer un stationnement dans l'environnement du projet » (idem).
Selon le rapporteur public, « au stade de la demande de régularisation, et compte tenu de ce que le projet à modifier peut évoluer, le juge ne doit pas exiger (trop) de détails. Il doit se placer très en amont, en s’interrogeant seulement sur la possibilité de régulariser, à charge pour l’autorité administrative et le pétitionnaire de trouver la solution qui, d’une part, satisfasse le projet du second et, d’autre part, respecte les règles dont la première doit assurer le respect ».
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé, par un arrêt de Section du 14 octobre 2024 (n° 471936), que la cour administrative d’appel de Marseille n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’aucune « disposition légale ou règlementaire ne permet d'appliquer de manière successive l'article L. 600-5-1 pour la régularisation d'un même vice affectant le permis de construire initial, que la première mesure de régularisation transmise n'a pas permis de "purger" » (CAA Marseille 5 janvier 2023, n° 19MA03660).
L’affaire concernait un recours en annulation contre des permis de construire une centrale photovoltaïque contestés par un tiers.
Par un arrêt du 28 décembre 2021 (n° 19MA03660), la cour administrative d’appel de Marseille avait sursis à statuer sur la requête jusqu’à l’expiration d’un délai de huit mois à compter de la notification de son arrêt, pour que lui soient notifiés des permis de construire modificatifs en régularisation de deux vices les entachant.
La régularisation attendue consistait, d’une part, en une nouvelle consultation de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement avec une étude d'impact correspondant au dossier de demande de permis de construire, et, d’autre part, en l’organisation d’une enquête publique complémentaire, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, en y soumettant au public, outre l'avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, une nouvelle étude d'impact prenant notamment en compte les défrichements nécessités par la réalisation du projet de centrale photovoltaïque au sol et le périmètre exact du projet.
Par son arrêt du 5 janvier 2023, la cour administrative d’appel de Marseille avait constaté que les permis modificatifs pris à la suite de l’arrêt du 28 décembre 2021, entachés par ailleurs d’un vice propre qui aurait été susceptible d’une régularisation au titre de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, n’avaient pas régularisé les vices initialement relevés, de sorte qu’elle avait annulé les permis initiaux et modificatifs.
Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation de leur bénéficiaire contre les arrêts des 28 décembre 2021 et 5 janvier 2023.
Ce n’est que « lorsque le juge constate que la légalité de l'autorisation d'urbanisme prise pour assurer la régularisation (d’un) premier vice est elle-même affectée d'un autre vice, qui lui est propre », qu’il « lui appartient alors de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi, en invitant au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de cette nouvelle autorisation, sauf si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, ou si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation ».
En revanche, « lorsqu'une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu'il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n'est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l'autorisation d'urbanisme initiale, il appartient au juge d'en prononcer l'annulation, sans qu'il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour la régularisation du vice considéré ».
Le pétitionnaire aurait donc intérêt à veiller à ce que la régularisation du vice affectant une autorisation d’urbanisme soit aussi complète que possible, voire à l’anticiper, de manière à préserver son projet du risque d’une annulation contentieuse.
A cet égard, le rapporteur public du Conseil d’Etat indiquait qu’il ne lui semblait « guère faire de doute que la production anticipée d’un permis de régularisation ne ferait pas obstacle à ce que le juge sursoie alors à statuer pour permettre la production d’une nouvelle mesure de régularisation » (cf. CE 6 avril 2018, n° 402714 : « dans le cas où l'administration lui transmet spontanément un permis modificatif en vue de la régularisation d'un vice de nature à entraîner l'annulation du permis attaqué, le juge peut prendre en considération ce nouvel acte sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu'il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir s'il permet une régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. À cette occasion, il appartient à la partie qui poursuit l'annulation du permis initial, si elle s'y croit fondée, de contester la légalité du permis modificatif, ce qu'elle peut faire utilement par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable »).
Enfin, dans le cas où, faisant usage de de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif a sursis à statuer sur la demande d’annulation d’un permis de construire et fixé un délai pour la régularisation d’un vice l’affectant, « l’appel du requérant de première instance contre (ce jugement) devient sans objet lorsque le second jugement qui clôt l'instance n'a pas fait l'objet d'un recours et devient ainsi définitif (CE 14 mai 2024, n° 475663).
5. Sur l’obligation pour le juge administratif de se prononcer sur l’intégralité des moyens d’illégalité invoqués :
L’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme prévoit :
« Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. »
Par un arrêt du 22 mars 2024 (n° 463970), le Conseil d’Etat a précisé l’application de cette disposition dans le cas d’un refus de permis de construire annulé par un jugement de tribunal administratif, mais jugé légal par la cour administrative d’appel saisi de ce jugement.
Il a énoncé que :
- « une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité » ;
- « en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent d'ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision » ;
- « en revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus » ;
- « saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui » ;
- « en revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître (l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme), rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés ».
Le Conseil d’Etat concilie ainsi la possible économie de moyens avec les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en adaptant au refus d’une autorisation d’urbanisme, les principes posés par son arrêt du 28 mai 2001 (n° 218374) quant à l’office du juge d’appel saisi d’un jugement d’annulation d’un permis de construire (« en vertu de ces dispositions il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges »).
6. Sur l’incidence éventuelle de l’illégalité d’un document d’urbanisme sur une autorisation d’urbanisme :
L’éventuelle incidence de l’illégalité d’un document d’urbanisme sur une autorisation d’urbanisme est régie notamment par les articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, qui disposent respectivement :
- « sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur » ;
- « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision. »
Par un arrêt du 5 avril 2024 (n° 466748), le Conseil d’Etat a rappelé qu’il résulte de ce dernier article que « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme n'entraine pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées conformément à ce document, lorsque l'annulation ou la déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de ce que l'autorisation d'urbanisme contestée a été délivrée sur le fondement d'un document local d'urbanisme illégal, de vérifier si l'un au moins des motifs d'illégalité du document d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation en cause. Un vice de légalité externe est en principe étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger » (cf. CE Sect., Avis, 2 octobre 2020, n° 436934).
C’est en application de ces principes que le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conséquences à tirer, le cas échéant, de l’annulation du plan local d'urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l'habitat de Toulouse Métropole, approuvé par délibération du 11 avril 2019, par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mars 2021, confirmé le 15 février 2022 par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, devenu définitif, sur un permis de construire délivré le 2 décembre 2019 conformément à ce plan.
Il a ainsi rejeté le pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2022 qui avait rejeté le recours en annulation d’un tiers contre ce permis en lui appliquant les règles d'urbanisme issues du plan local d'urbanisme intercommunal annulé.
En effet, l’annulation de ce plan résultait, outre de divers motifs concernant des zones où ne se trouvait pas le projet en cause, d'une illégalité externe tenant à une insuffisance substantielle du rapport de présentation au regard des exigences de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dès lors que le diagnostic qu'il dressait de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du projet de plan reposait sur des données significativement surévaluées, et d’une illégalité interne due à l’insuffisante justification des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, entrainant une consommation excessive d'espace.
Par suite, le tribunal administratif a pu juger que l’illégalité externe ainsi censurée n’avait pas eu d’influence directe sur règles d'urbanisme applicables au projet et que ce motif d’annulation était, au sens de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet contesté, sans dénaturation des faits de l’espèce ni erreur de qualification juridique.
De même, le projet en litige étant d’ailleurs, selon les pièces du dossiers soumis aux juges du fond, implanté sur une parcelle déjà construite, située en zone urbaine de l'ancien comme du nouveau plan local d'urbanisme, à proximité du centre-ville de Toulouse, l’illégalité interne ayant motivé l’annulation du plan, du fait de l'insuffisante justification de l'objectif de modération de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers et de lutte contre l'étalement urbain, entrainant une consommation excessive d'espace, le tribunal administratif a pu juger qu’elle concernait un objectif du plan d'aménagement et de développement durable sans rapport direct avec les règles applicables au projet et que ce défaut était ainsi étranger aux règles applicables au projet au sens de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme, sans commettre d'erreur de droit ou de qualification juridique.
La solution ainsi retenue consiste donc pour le Conseil d’Etat, selon son rapporteur public, à « inviter les juges du fond à apprécier le rapport entre le vice de légalité interne et les règles applicables au projet, en se demandant, comme pour la légalité externe, si cette illégalité affectant un urbanisme ou un parti urbanistique général a exercé une incidence directe sur ces dernières », d’où la nécessité, pour le juge de cassation, d’un contrôle non limité à la dénaturation des faits par les juges du fond, mais « étendu à l’erreur de qualification juridique (…), au regard des enjeux en termes de sécurité juridique du maintien en vigueur des dispositions d’un PLU et de la consistance juridique de la notion de « motif étranger » utilisée par le législateur » aux fins d’un « contrôle approfondi sur les conséquences effectives du vice sur le droit à construire ».
Le but serait d’éviter que « des autorisations d’urbanisme ne soient mécaniquement annulées en raison de l’illégalité totale d’un PLU », et de permettre ainsi de renforcer la sécurité juridique de leur bénéficiaires.
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