L’article R.322-56 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le versement au séquestre ou la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix auquel est tenu l'adjudicataire en application de l'article L. 322-12 est opéré dans un délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive.

Mais que faut-il entendre par « adjudication définitive » ?

C’est toute la difficulté de la rédaction des textes rédigés par des non-praticiens, car, adjudication définitive n’est pas très juridique.

C’est comme la notion de jugement définitif que certains associent à la notion de jugement passé en force de chose jugée, ce qui est une erreur (voir : le jugement définitif en matière civile : un faux ami susceptible de tous les recours, ici, voir aussi l’arrêt pédagogique de la cour de cassation : Civ.2, 8 juillet 2004, n° 02-15893 ou le rapport détaillé de Madame Gabet, conseiller rapport dans un arrêt de l’assemblée plénière de la cour de cassation du 13 mars 2009, n° 08-16033)

Donc, face à l’imprécision, il faut être logique et s’interroger sur ce que voulait faire comprendre les rédacteurs du texte. Et sous ce prisme, l’adjudication définitive ne peut s’entendre qu’au sens d’une adjudication qui ne peut plus faire l’objet d’une surenchère.

C’est encore plus vrai lorsqu’on sait que la surenchère non contestée entraîne l’anéantissement du jugement d’adjudication.

En effet, on peut affirmer que lorsqu’une surenchère est formée, la déclaration de surenchère anéantit la première adjudication, laquelle n’est censée n’avoir jamais existé, de sorte que pendant le délai qui s’écoule entre l’adjudication et la surenchère, le bien saisi reste la propriété du saisi, et par voie de conséquence, en cas d’ouverture d’une procédure collective, la procédure de saisie immobilière doit être suspendue (dans le même sens pour un cas un peu différent Civ.2, 10 novembre 2011, n° 10-20957).

A contrario, si le délai de surenchère est expiré au moment de l’ouverture d’une procédure collective, le bien est sorti du patrimoine du saisi et ne fait plus partie de l’actif de la procédure collective.

Il a été jugé de même dans un arrêt de la cour de cassation du 21 février 2019 (Civ.2, 21 février 2019, n° 17-31172),  car, une surenchère avait été contestée et annulée alors qu’était survenu l’ouverture d’une procédure collective.

La surenchère ayant été annulée, il a été considéré que le bien était devenu la propriété du premier adjudicataire avant le jugement d’ouverture.

Il découle de ces exemples que l’adjudication ne devient définitive qu’à l’expiration du délai de surenchère.

Certes, paradoxalement, le transfert de propriété s’opère du seul fait de l’adjudication (alors même qu’elle n’est pas définitive) avec transfert des risques ou, comme l’a rappelée la cour de cassation en juin dernier, indemnité d’occupation due à l’adjudicataire par l’occupant sans droit ni titre dès le jugement d’adjudication (Civ.2, 6 juin 2019, n° 18-12353).

De la même façon, lorsque le prix n’est pas payé dans les deux mois de l’adjudication définitive, l’article L313-3 du code monétaire et financier dispose qu’elle (la majoration) est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.

Tout cela peut sembler contradictoire…comme le sont presque tous les textes modernes.

Aussi, il est raisonnable de considérer que le point de départ pour séquestrer le prix d’adjudication court à compter de l’expiration du délai de surenchère, soit la date de l’adjudication augmentée de dix jours.

Certains estiment que l’adjudication ne serait définitive qu’à l’expiration de tous les délais permettant de purger les droits de préemption.

Je ne partage pas ce point de vue car l’exercice d’un droit de préemption n’entraîne pas l’anéantissement de l’adjudication, il permet seulement au bénéficiaire de ce droit de l’exercer pour remplacer l’adjudicataire.

D’ailleurs, si un droit de préemption venait à être exercé avant l’expiration du délai de surenchère et qu’ultérieurement une surenchère était formée, son exercice n’aurait plus d’effet puisqu’il l’aurait été à l’encontre de quelqu’un qui ne serait plus propriétaire et pour un prix redevenu indéterminé jusqu’à sa revente sur surenchère.

Il serait opportun qu’à l’occasion de la modernisation de la procédure de saisie immobilière, cette question soit clarifiée.