L’affaire dite Castel Plage, portée devant le tribunal correctionnel de Nice, illustre avec une acuité particulière la mutation du droit de l’environnement appliqué au littoral, et la nécessité pour les exploitants de plages privées d’être désormais conseillés par des juristes spécialisés en matière environnementale et domaniale.
Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un durcissement du régime applicable aux aménagements sur les plages. Depuis la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 dite “loi Littoral”, les plages sont protégées contre les constructions et travaux non essentiels à la sécurité publique ou à la gestion du rivage.
Tout aménagement ayant pour effet de modifier l’état naturel du rivage constitue une occupation soumise à autorisation préalable, même lorsqu’il est motivé par la protection d’installations existantes.
Certes, la défense invoque ici « l’urgence » causée par une tempête, mais l’article L. 214-1 du code de l’environnement exige que, même en situation d’urgence environnementale, les services de l’État soient immédiatement informés et que les interventions soient proportionnées et temporaires.
Des poursuites ont donc été engagées et l'on va constater que le risque pénal n'est pas anodin.
1. Qualification des faits par la partie poursuivante : un empiétement sur le domaine public maritime et une atteinte à l’environnement
Selon le procès-verbal de la DDTM, des travaux d’enrochement auraient été entrepris entre 2019 et 2023 sur la plage du quai des États-Unis à Nice, sans autorisation préalable. Des blocs rocheux auraient été apportés artificiellement pour protéger les installations d’exploitation, modifiant ainsi le rivage naturel. Or, ces espaces relèvent du domaine public maritime naturel, inaliénable et imprescriptible (art. L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques – CG3P). Toute occupation y est subordonnée à une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée par l’État, en vertu des articles L. 2122-1 et suivants du CG3P.
Les faits sont aggravés par un épisode de pollution accidentelle survenu en octobre 2023 : une fuite de gazole liée à la présence d’un engin de chantier a souillé une partie du rivage. Ce type d’atteinte, même limitée, relève des infractions prévues aux articles L. 218-73 et suivants du code de l’environnement, punissant les rejets polluants en mer ou sur le littoral, et engageant tant la responsabilité pénale que la responsabilité environnementale de l’exploitant.
2. Les infractions encourues
Les chefs d’accusation portent sur :
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Travaux sans autorisation sur le domaine public maritime (art. L. 2132-3 CG3P) ;
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Pollution du littoral par rejet de gazole (art. L. 218-73 C. env.) ;
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Circulation non autorisée d’un engin motorisé sur la plage (art. L. 362-1 C. env.).
Les peines requises – six mois de prison avec sursis et 30 000 € d’amende pour la société, outre la remise en état du site sous astreinte – traduisent la volonté du parquet de sanctionner non seulement le dommage écologique, mais surtout le mépris des procédures administratives qui conditionnent toute intervention sur le rivage.
3. Les enseignements : la nouvelle responsabilité environnementale des exploitants de plages
Cette affaire révèle une transformation du régime juridique des plages :
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Les exploitants ne sont plus seulement des concessionnaires touristiques, mais des acteurs environnementaux soumis aux règles du droit public de l’environnement.
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La frontière entre simple entretien et travaux d’aménagement est désormais strictement appréciée : tout déplacement de matériaux, toute protection contre l’érosion ou la mer exige une autorisation environnementale ou domaniale.
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Les exploitants doivent anticiper les obligations de remise en état et d’évaluation environnementale, en vertu des articles L. 160-1 et L. 171-8 du code de l’environnement.
4. La nécessité d’un accompagnement juridique spécialisé
Les plages privées, souvent gérées par des sociétés commerciales, sont aujourd’hui confrontées à un corpus réglementaire dense mêlant :
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droit du domaine public maritime (CG3P),
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droit de l’environnement (autorisations, ICPE, responsabilité environnementale),
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droit du littoral et du tourisme.
L’affaire "Castel Plage" démontre que la méconnaissance de ces règles expose à des sanctions pénales, financières et administratives lourdes, et peut menacer l’exploitation même de l’établissement. D’où la nécessité d’un conseil juridique environnemental permanent, notamment pour :
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sécuriser les demandes d’AOT et d’autorisations de travaux ;
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établir des protocoles de gestion des risques climatiques et de pollution ;
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intégrer des plans de prévention environnementale dans les conventions d’exploitation.
Conclusion : vers une exigence de “compliance environnementale littorale”
La décision à venir du tribunal correctionnel de Nice (attendue le 25 novembre 2025) aura une portée exemplaire. Si la condamnation est confirmée, elle consacrera la responsabilité renforcée des exploitants privés du domaine public face à la dégradation du littoral. Ce contentieux emblématique traduit une tendance de fond : l’environnement n’est plus un paramètre accessoire de la gestion des plages, mais un élément central de la conformité juridique et économique des exploitants.
En somme, l’ère des concessions balnéaires « décoratives » s’achève : la mer devient sujet de droit, et les plages, des acteurs du droit de l’environnement.


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