LE PREJUDICE D’ANGOISSE DE MORT IMMINENTE DE LA VICTIME SURVIVANTE.

 

A compter de la survenance du fait dommageable, la victime d'une atteinte corporelle ou d'une menace d'atteinte corporelle, suffisamment graves pour qu'elle envisage légitimement l'imminence de sa propre mort, subit un préjudice spécifique qui, lorsqu'elle a survécu, se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre. ……………

 

Raymond AUTEVILLE

Avocat à la Cour

Ancien Bâtonnier de l'Ordre

 

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Mme [E], aide-soignante dans un hôpital, a été agressée par un patient qui lui a porté 14 coups de couteau. Celui-ci a été déclaré pénalement irresponsable.

 Mme [E] a assigné la société Axa France IARD, assureur de son agresseur (l'assureur), à fin d'indemnisation et appelé en cause la Caisse des dépôts et consignations et la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

            La cour ‘Appel de Rennes a condamné l’assureur à verser à Mme [E] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'angoisse et de sensation de mort imminente, et de constater que la somme restante due à Mme [E] est de 99 580,16 euros,

            L’assureur s’est pourvu en cassation en soutenant que l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente consistant pour la victime décédée à être demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin, est subordonnée au décès de la victime directe ..

            La Cour de Cassation a jugé qu’à compter de la survenance du fait dommageable, la victime d'une atteinte corporelle ou d'une menace d'atteinte corporelle suffisamment graves pour qu'elle envisage légitimement l'imminence de sa propre mort, subit un préjudice spécifique.

 Dans le cas où la victime a survécu, ce préjudice se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre.

 Ce préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.

 Cependant, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

 L'arrêt retient que l'indemnisation des souffrances endurées par Mme [E], quantifiées à 4/7 par l'expert, a pris en compte celles qui étaient liées aux lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche qu'elle a présentées, mais qu'il ne peut être considéré, sans précision sur ce point donnée par l'expert, que le vécu douloureux, moral et psychologique qu'il rapporte, englobe aussi la sensation particulière éprouvée par Mme [E] de sa fin prochaine.

Pour ces motifs le pouvoir est rejeté. ( Cass. Civ. I. 11 juillet 2024.N° 23-10.068 JurisData n° 2024-01077. )