La Cour de cassation indique dans un arrêt du 6 février 2019 (n°16-27560) qu’en présence d’une demande, refusée par le gérant, tendant à convoquer une assemblée générale pour désigner un mandataire, le juge doit déférer à cette demande et ne pas porter une appréciation sur l’opportunité de la mesure sollicitée.

Faits :

Les faits sont simples, une société associée majoritaire d’une SARL a demandé à son gérant et co-associé de convoquer une assemblée (article L.223-27 du code de commerce) ayant pour ordre du jour la révocation du gérant et la désignation d’un nouveau.

Cette demande a été refusée. La société a alors saisi le président du tribunal de commerce en la forme des référés, afin d’obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc qui sera chargé de convoquer l’assemblée. La demande est rejetée par le Tribunal de commerce puis par la Cour d’appel.

Ce sont les décisions qui font l’objet du pourvoi.

Question de droit :

Un juge doit-il procéder à une appréciation de la demande tendant à la désignation d’un mandataire ad hoc ?

Considérant de principe :

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société U10, associée majoritaire de la société U-Web, avait demandé au gérant de cette société de réunir une assemblée générale en vue de la désignation d'un nouveau gérant et que cette demande lui avait été refusée, la cour d'appel, qui était tenue de faire droit à la demande de la société U10 de désignation d'un mandataire chargé de convoquer cette assemblée et n'avait pas à en apprécier l'opportunité, a violé les textes susvisés ; »

Enseignement n°1 :

Les moyens du pourvoi étaient relativement simples, la société se plaignait de ce que le Président du Tribunal de commerce avait statué en référé et non « en la forme des référés », c’est-à-dire en urgence mais au fond. Un second moyen a été développé et consistait à soutenir que le juge n’a pas à porter une appréciation sur l’opportunité de désigner un mandataire ad hoc.

En l’espèce, la Cour de cassation retient que le juge aurait dû faire droit à la demande de la société et n’avait pas à en apprécier l’opportunité. Le juge est donc lié par la demande de désignation d’un mandataire ad hoc.

Enseignement n°2 :

Cette solution est opportune dans la mesure où la convocation à une assemblée ne peut se faire que par le biais du gérant ou du commissaire aux comptes. Il est en de même en cas de co-gérance de l’entreprise, chacun ou tous ensembles pouvant convoquer l’assemblée.

Toutefois, pour éviter l’immobilisme et une éventuelle carence de la gérance, l’article L.223-27 du code de commerce indique qu’un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales ou représentant tout à la fois le dixième en nombre des associés et des parts sociales peuvent réclamer cette convocation. Toutefois, il ne s’agit que d’une demande, cette disposition n’implique pas que les associés puissent se substituer au gérant et convoquer cette assemblée. En ce sens, une action judiciaire est alors obligatoire.

L’action peut d’ailleurs se poursuivre sur un autre périmètre puisqu’en refusant de convoquer l’assemblée, le gérant engage sa responsabilité.

Enseignement n°3 :

L’intérêt de la solution porte aussi sur la distinction que semble opérer la Cour de cassation en fonction des situations. Ainsi lorsque la convocation a pour but de procéder à la révocation du gérant, il semble que la Cour de cassation ne laisse pas de choix au juge. Il doit désigner un mandataire ad hoc qui procédera à la convocation et qui définira l’ordre du jour. La jurisprudence considère à ce sujet que la désignation d’un mandataire ad hoc pour convoquer l’assemblée ne constitue pas une mesure exceptionnelle et ne suppose que soit rapportée la preuve de ce que la société est dans une situation d’immobilisme (Com. 20 mars 1984, Rev. Sociétés 1984, p.100)

A l’inverse, il semble que lorsque la demande de convocation repose sur d’autres justifications que la révocation du gérant, le juge dispose alors de son pouvoir souverain d’appréciation.

Le développement de la jurisprudence au regard de la loi PACTE nous permettra de confirmer ou non cette impression.

Le Cabinet Mogenier intervient sur toutes les problématiques en droit des sociétés.