Le Conseil d’État, par un arrêt du 1er juillet 2019 (n°412243) indique que les parties à un contrat administratif peuvent conteste la validité de ce dernier pendant sa durée d’exécution.

Faits :

L'Association pour le musée des Iles Saint-Pierre et Miquelon a conclu avec le conseil général de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le 31 décembre 1998, une convention prévoyant, sans limitation de durée, d'une part, le transfert à cette collectivité de la propriété de l'ensemble des oeuvres d'art et objets constituant sa collection en vue de son affectation au nouveau musée créé par cette dernière et, d'autre part, les modalités de participation de l'association à la mission de service public de gestion du musée.

Estimant que sa collection n’était pas exposée comme convenu, l’association a sollicité l’annulation de ladite convention. Le Tribunal administrative comme la Cour administrative d’appel ont rejeté le recours au visa de l’article 2224 du code civil. L’association s’est donc pourvue en cassation.

A noter que cette affaire avait été renvoyée par le Conseil d’État devant le Tribunal des conflits lequel, a confirmé la compétence de la juridiction administrative (TC, 10 décembre 2018, n°4140).

Question de droit :

Une convention peut-elle être contestée pendant toute sa durée d’exécution ?

Considérant de principe :

« Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d'exécution de celui-ci. »

Enseignement n°1 :

Depuis son arrêté d’assemblée du 28 décembre 2009 dit « Béziers I », il est entendu que les parties peuvent contester, par voie d'action, par un recours dirigé directement contre le marché public qu'elles ont conclu, ou par la voie de l'exception, à l'occasion d'un litige né de l'exécution de ce marché, la validité de ce marché. En outre, il a été aussi précisé à de nombreuses reprises que la matière est plus gouvernée par les règles relatives à la prescription que par celles des délais de recours. Le délai de prescription, en cas de nullité absolue, est de trente ans (CE 9 juill. 1937, Commune d'Arzon, Lebon 680)

Enseignement n°2 :

En ce qui concerne les moyens susceptibles d’être invoqués au soutient d’une demande d’annulation d’une convention, le juge administratif a circonscrit les moyens invocables à ceux relatifs à « l'exigence de loyauté des relations contractuelles ». Enfin, en ce qui concerne les conséquences de vices affectant la convention, le juge administratif dispose d’une palette, non négligeable, de mesures il peut en effet :

  •  décider de la poursuite de l'exécution du contrat, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties.
  • prononcer, si la mesure ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du marché, qui ne vaudra que pour l'avenir. La résiliation peut être prononcée avec effet immédiat ou différé.
  • procéder à l'annulation du contrat, mais uniquement en raison d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.

Une importante jurisprudence s’est développée concernant ces possibilités ouvertes au juge et ses conséquences sur les relations contractuelles entre les parties.

Enseignement n°3 :

On l’aura donc compris, le point névralgique de cette affaire portait sur la question de savoir si la demande d’annulation de la convention était prescrite ou non. En l’espèce, le Conseil d’État énonce qu’une convention peut être contester pendant toute sa durée d’exécution, l’action n’étant donc pas enfermée dans les délais de prescription de droit commun.

Le Cabinet Mogenier intervient tant en conseil qu’en contentieux sur toutes les problématiques de droit public des contrats.