La décision du Conseil d’État du 11 juillet 2019 (n°426060) est très importante car elle indique qu’une commune ne peut s’opposer à l’installation des compteurs Linky. On peut mettre immédiatement en parallèle la décision du le TGI de Toulouse qui a eu l’occasion de considérer que la pose de compteurs de type « Linky » peut être considérée comme de nature à créer un dommage imminent aux personnes présentant une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques (TGI Toulouse, ord., 12 mars 2019, n° 19/00026)

Faits :

Par une délibération du 16 juin 2016, le conseil municipal de Cast (Finistère) demande un moratoire au déploiement des compteurs « Linky » sur son territoire. Ceci, afin d’attendre les conclusions de l’étude réalisée sous l’autorité du ministère de la Santé relative aux expositions liées au déploiement des compteurs numériques et à leurs conséquences éventuelles en termes de santé publique.

Le 24 juin 2016, le maire décide de refuser le déploiement de ces compteurs sur le territoire de la commune. Par une délibération du 28 juillet 2016, le conseil municipal décide de maintenir le moratoire et rejette le recours gracieux formé par la société Enedis.

La société Enedis saisit le tribunal administratif de Rennes pour obtenir l’annulation de ces différents actes. En mars 2017, les magistrats rennais font droit à la demande (TA Rennes, 9 mars 2017, no 1603911, 1604217 et 1604245). La commune interjette appel. En octobre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 5 oct. 2018, n° 17NT01495) rejette l’appel. La commune forme un pourvoi en cassation.

Question de droit :

Une commune peut-elle légalement s’opposer à l’installation des compteurs Linky sur son territoire ?

Considérant de principe :

« 11. Il résulte de ce qui précède que ni les pouvoirs de police générale, ni le principe de précaution n’autorisaient le maire de Cast à prendre la décision de suspendre l’installation des compteurs dits « Linky » sur le territoire de la commune. Par suite, la cour administrative d’appel n’était pas tenue de répondre à l’argumentation, inopérante, soulevée devant elle par la commune et tirée de ce que les ondes émises par ces compteurs feraient courir aux habitants des risques sanitaires justifiant que leur installation soit suspendue en application du principe de précaution. Le moyen tiré, sur ce point, de l’insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué ne peut donc qu’être écarté. Il en va de même de l’erreur de qualification juridique des faits et de la dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d’appel aurait commises en écartant implicitement une telle argumentation. »

Enseignement n°1 :

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence récente (CE, 28 juin 2019, n°425975) concernant la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité. En l’occurrence, il s’avère que la commune était membre du syndicat départemental d’électricité du Finistère et que ce dernier avait la qualité d’autorité organisatrice des réseaux publics de distribution d’électricité. La cour administrative d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit en en déduisant que le syndicat départemental était propriétaire des compteurs électriques et que, dès lors, ni le conseil municipal, ni le maire de la commune ne disposaient, sur le fondement des articles L. 322-4 du Code de l’énergie et L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales, de la compétence pour s’opposer ou imposer des conditions au déploiement des compteurs « Linky ».

Ainsi, en cas de transfert de compétence en matière d'organisation de la distribution d'électricité à un établissement public de coopération, ni le maire, ni le conseil municipal ne disposent du pouvoir de s’opposer à la mise en place des compteurs. Et ni les pouvoirs de police du maire, ni le principe de précaution ne permettent d’y déroger, faute de compétence en la matière.

Enseignement n°2 :

Dans un second temps, le Conseil d’État considère qu’il appartient à l’État de veiller au fonctionnement du dispositif de comptage et que le maire ne saurait se fonder sur ses pouvoirs de police générale pour décider de l’interdiction de la pose dans sa commune de dispositif de comptage. En l’espèce, les intrusions des agents d’ENEDIS dans des propriétés privées ne suffisaient pas à caractériser l’existence d’un trouble à l’ordre de public.

Enseignement n°3 :

Enfin, le Conseil d’État observe que le principe de précaution n’autorisait pas le maire à prendre cette décision d’interdire la pose des dispositifs de comptage.