Le Conseil d’État a indiqué en date du 19 juillet (n°426389) que l’appréciation que porte la HATVP sur la déclaration de patrimoine d’un élu est un acte faisant grief et donc susceptible de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir, procédant ainsi à une transposition de la jurisprudence Fairvesta Numericable (CE ass, 21 mars 2016, n°368082).

Faits et procédure :

Marine Le Pen, élue députée en juin 2017, avait dû transmettre dans la foulée sa déclaration de patrimoine auprès de la HATVP. L’autorité a rendu un avis en décembre 2018 estimant que cette déclaration ne pouvait être considérée « comme exhaustive, exacte et sincère ». En conséquence, elle avait invité la députée à présenter des observations. Elle avait ensuite, après une nouvelle délibération, assorti la publication de la déclaration de patrimoine d’une appréciation « constatant l’existence de manquements portant atteinte au caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration ».

Mme Le Pen sollicitait la censure de cette décision.

Considérant de principe :

« 4. L'appréciation dont la Haute autorité pour la transparence de la vie publique estime utile d'assortir la déclaration de situation patrimoniale d'un député constitue une prise de position quant au respect de l'obligation d'exhaustivité, d'exactitude et de sincérité qui pèse sur l'auteur de cette déclaration. Alors même qu'elle est dépourvue d'effets juridiques, cette prise de position d'une autorité administrative, qui est rendue publique avec la déclaration de situation patrimoniale sur le fondement de l'article LO 135-2 du code électoral précité, est de nature à produire, sur la personne du député qu'elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d'avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s'adresse. Dans ces conditions, une telle prise de position doit être regardée comme faisant grief au député dont la déclaration de situation patrimoniale fait l'objet de l'appréciation ainsi rendue publique. Il s'ensuit que Mme A...est recevable à demander l'annulation de la délibération du 24 octobre 2018 relative à sa déclaration de situation patrimoniale. La fin de non-recevoir soulevée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique doit donc être écartée.

Apport de la décision

Aux termes de l’article LO 135-1 du code électoral un député doit adresser, dans un délai de deux mois à compter de son élection, une déclaration de patrimoine auprès de la HATVP, qui doit être « exhaustive, exacte, sincère et certifiée sur l'honneur ».

Il faut rappeler que le fait pour un député d’omettre une partie substantielle de son patrimoine est constitutif d’un délit pénal passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

La HATVP considérait que l’avis qu’elle est susceptible d’émettre sur une déclaration de patrimoine était dépourvu d’effets juridiques et que, partant, il n’était pas susceptible de faire grief au destinataire.

Le Conseil d’État relève qu’une telle prise de position « est de nature à produire, sur la personne du député qu'elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d'avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s'adresse.

Dans ces circonstances, le Conseil d’État indique que la prise de position de l’HATVP est un acte susceptible de faire grief.

Sur le fond, le Conseil d'Etat rejette le recours de Mme Le Pen jugeant que cette décision ne constitue pas une punition et ne peut conduire au prononcé d’une sanction par la HATVP. Dès lors, les moyens tirés des stipulations de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sont inopérants.

Le Conseil d'Etat procède donc à une transposition de la jurisprudence Fairvesta Numericable sur les actes dits de droit souple. Il convient aussi de souligner qu'à la différence de la jurisprudence Fairvesta, le juge procède à un contrôle normal de la décision prise.

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