Par cette décision, la CJUE relève que le recours principal introduit par un soumissionnaire ayant un intérêt à conclure le marché et visant à exclure un autre candidat ne peut être déclaré irrecevable en application des règles nationales.

Faits et procédure :

En juin 2015, une commune a lancé une procédure ouverte pour l’attribution d’un marché public de travaux. Une société, classée troisième, a saisi le tribunal administratif compétent au motif que l’adjudicataire ne disposait pas des compétences requises. La requête a été rejetée. Mais l’adjudicataire a introduit une procédure incidente en indiquant que la requérante originelle aurait dû être exclue du marché car elle avait cessé en cours de la procédure de passation de répondre aux exigences fixées par les documents du marché.

Le Conseil d’Etat italien a finalement saisi la CJUE aux fins de lui poser une question préjudicielle (un peu longue mais très intéressante) :

« L’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, de la directive [89/665] peut-il être interprété en ce sens que, lorsque plusieurs entreprises qui ont participé à la procédure de passation de marché ne sont pas parties à l’instance (et que, en tout cas, les offres de certaines d’entre elles n’ont pas fait l’objet d’un recours), il permet que soit confiée au juge, en vertu de l’autonomie procédurale reconnue aux États membres, la tâche de vérifier le caractère concret de l’intérêt invoqué, dans son recours principal, par le concurrent qui est défendeur à un recours incident en exclusion qui est jugé fondé, en utilisant à cette fin les instruments de procédure qui sont prévus par la législation nationale, ce qui rendrait la protection accordée à cette situation subjective conforme aux principes constants du droit interne que sont le principe dispositif (article 112 du code de procédure civile), la charge de la preuve (article 2697 du code civil) et les limites subjectives de l’autorité de chose jugée qui ne se forme qu’entre les parties et ne peut pas affecter la situation des personnes étrangères au litige (article 2909 du code civil) ? »

Considérant de principe :

« Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un recours principal introduit par un soumissionnaire ayant un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésé par une violation alléguée du droit de l’Union en matière de marchés publics ou des règles transposant ce droit, et visant à l’exclusion d’un autre soumissionnaire soit déclaré irrecevable en application des règles ou des pratiques jurisprudentielles procédurales nationales, qui portent sur le traitement des recours en exclusion réciproques, quels que soient le nombre de participants à la procédure de passation de marché et le nombre de ceux ayant introduit des recours. »

Apport de la décision :

En l’espèce, la CJUE relève qu’un recours principal introduit par un soumissionnaire ayant un intérêt à obtenir un marché et ayant été ou risquant d’être lésé par une violation du droit de l’Union ne peut être déclaré irrecevable en application des règles ou pratiques procédurales jurisprudentielles nationales, portant sur le traitement des recours en exclusion réciproque.