En droit français, le procès doit obéir au principe du contradictoire. En application de ce principe, une partie ne peut être condamnée à quelque titre que ce soit, sans avoir été, au préalable, entendue ou appelée.

Toutefois, il peut être fait dérogation à ce principe, notamment, « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » (article 145 du Code de procédure civil).

Néanmoins, le principe du contradictoire et aussi vite rétabli, puisque la partie contre laquelle cette mesure d’instruction a été prise peut demander la rétractation de la décision ordonnant ladite mesure.

Par la suite, la procédure reprend son cours normal, et toutes les parties sont entendues ou appelées avant toutes décisions, et ce quand bien même les décisions à intervenir porte sur la mesure d’instruction, prise initialement de manière non contradictoire.

C’est précisément sur ce point que par un arrêt en date du 10 décembre 2020 (Cass. Civ 2ème, 10 déc., 2020, n° 18-18.504), la Cour de cassation a sanctionné les juges du fond.

En l’espèce, la société AB YACHTING, suspectant un détournement de clientèle commis par un ancien salarié, M. X. et la société X NAUTIC, dont M. X. était le gérant, a saisi le Président d’un Tribunal de grande instance (Tribunal Judiciaire depuis 1er janvier 2020), d’une requête, à fin de voir ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

Cette demande a été accueille favorablement par le Président du TGI.

Puis, dans les mêmes conditions, c’est-à-dire non contradictoirement, un huissier de justice, agissant en qualité de mandataire de la société AB YACHTING, a demandé au même juge, le droit de conserver un disque dur saisi au domicile de M. X.

Cette demande a également été accueillie favorablement par le Président du TGI.

M. X. et la société X. NAUTIC ont demandé la rétractation de ces décisions. 

Leur demande a été rejetée par le Président du TGI, et la Cour d’appel a confirmé cette décision de rejet.

Ils ont alors formé un pourvoi par devant la Cour de cassation.

Cette dernière a cassé, à juste titre, l’arrêt des juges d’appel.

En effet, si le Président du TGI pouvait prendre de manière non contradictoire, sa première décision autorisant la société AB YACHTING à saisir chez son ancien salarié, M. X. et la société X NAUTIC dont il est le gérant, des éléments devant aider par la suite la société AB YACHTING à prouver le détournement de clientèle commis par M. X., il ne pouvait toutefois procéder de même quant à la demande de conserver le disque dur saisi dans ces conditions.

Samedi 12 décembre 2020