ACCIDENT DE LA CIRCULATION : Le refus de faire un constat est-il un délit de fuite, puni par le Code Pénal ?

La réponse est NON :

Dès lors que l’auteur de l’accident a permis son identification par tous moyens : plaque d’immatriculation, n° d’assurance, mot laissé sur le pare-brise etc.. ;

 

I.  LA NOTION DE DELIT DE FUITE :

 

Le délit de fuite est interprété comme punissant une abstention, celle du conducteur impliqué dans un accident qui ne procède pas aux mesures nécessaires pour permettre, au minimum, son identification.

 

 

Les termes de l'article 434-10 du Code pénal  sont les suivants :

 

 «le fait pour tout conducteur d'un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, de ne pas s'arrêter et de tenter ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut avoir encourue, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 € d'amende ».

 

 

Il faut donc :

 

  • l’auteur est nécessairement le conducteur ;

 

  • le véhicule doit avoir causé ou occasionné un accident (à un bien, à une personne ou à un animal) ;

 

  • le prévenu doit pouvoir encourir une responsabilité civile ou pénale ;

 

  • le prévenu doit ne pas s’être arrêté sur place un temps suffisant pour permettre son identification par la victime ou des tiers (1)  

 

 

II. LA JURISPRUDENCE

 

  • "L'obligation de s'arrêter, imposée en pareil cas par l'article L. 2 du Code de la route, est destinée à permettre la détermination des causes de l'accident ou tout au moins l'identification du conducteur qui l'a causé" (2)

 

  • Dans les arrêts ultérieurs, la Cour de cassation a confirmé le principe de la nécessité de l'identification du conducteur à l'occasion de l'arrêt sur les lieux de l'accident (3)

 

  • Dans un arrêt du 29 octobre 1997, il est jugé que "l'obligation de s'arrêter, imposée en pareil cas par l'article L. 2 du Code de la route, est destinée à permettre la détermination des causes de l'accident ou tout au moins l'identification du conducteur auquel il peut être imputé".

 

  • Pas de délit de fuite  si le conducteur  laisse son adresse et son numéro de téléphone (4) ou simplement son numéro de téléphone même si la victime l'a appelé plusieurs fois sans succès et que celui-ci a omis de la rappeler  (5)

 

  • A été relaxé le conducteur qui, après s'être arrêté sur les lieux, a suivi la victime à son domicile aux fins d'établissement d'un constat amiable, puis l'a quittée à la suite d'un différend relatif à l'étendue des dégâts causés (6)

 

  • Relaxe également sur l'impossibilité de caractériser un délit de fuite sur le seul refus d'établir un constat amiable (7)

 

En revanche,  dans un arrêt du 18 octobre 2017 la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a jugé le délit de fuite caractérisé dès lors le conducteur avait quitté les lieux de l’accident sans laisser ses coordonnées (8)

 

« Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de délit de fuite, l'arrêt énonce que Mme X..., ayant conscience des dégradations qu'elle venait d'occasionner à un autre véhicule, est sortie de sa voiture et les a constatées puis a quitté les lieux sans laisser ses coordonnées ; que les juges ajoutent que seule la présence d'un témoin a permis de l'identifier ;

 

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision aux motifs qu'il résulte de la procédure que la prévenue a accidentellement heurté la partie avant du véhicule de Mme Y... ; qu'ayant conscience de ces dégradations, elle est sortie de son véhicule et les a constatées sans en tirer les conséquences en termes de prise de responsabilité puisqu'elle quitte les lieux sans laisser ses coordonnées

 

En résumé, il conviendra d’examiner les circonstances de l’accident et ce d’autant plus que certains tribunaux ont pu reconnaître que si l’auteur de l’accident avait quitté les lieux, c’était en raison de la crainte de représailles des victimes qui le menaçaient. (9)

 

 

 NOTES

 

(1)  CA Nancy, 3 Nov. 1993, n° 1132/93 et  CA Paris, 20e Ch., sect. B, 14 déc. 1995

 

(2) Cass. crim., 3 déc. 1975 : Bull. crim. 1975, n° 268; Gaz. Pal. 1976, 1, p. 184

 

(3) Cass. crim., 24 Oct. 1978: Bull. crim. 1978, n° 287 ; Cass. crim., 10 févr. 1993 : Bull. crim. 1993, n° 68

 

(4) CA Nancy, 3 Nov. 1993 : JCP G 1994, IV, 2632

 

(5)CA Paris, 9 déc.  2005, 13e ch. B : n° 2005-304190

 

(6) CA Grenoble, Ch. corr., 8 déc. 1995

 

(7)CA Toulouse, 16 janv. 2008 : JurisData n° 2008-354868

 

(8) Cass. Crim 18 octobre 2017

 

(9) T. corr. Avranches, 18 nov. 1970 : JCP G 1971, IV, 270