Par un arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation a jugé :
"qu'il résulte de l'article L7112-2 du Code du travail que seules les personnes mentionnées à l'article L7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l'indemnité de congédiement instituée par l'article L7112-3". (cf. cette autre page sur ce sujet).
En d'autres termes, selon cette jurisprudence, les journalistes professionnels employés par des agences de presse ne peuvent pas prétendre à l'indemnité de licenciement prévue pour les journalistes, soit 1 mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté dans la limite de 15 et selon décision de la Commission arbitrale des journaliste en cas d'ancienneté supérieur à 15 ans (cf. cette autre page sur ce sujet).
Auparavant, la même Cour de cassation retenait une solution diamétralement opposée.
Par exemple, le 5 octobre 1999, elle avait jugé que :
"ayant relevé que la société Sipa press était une agence de presse au sens de l'article L. 761-2 du Code du travail, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les salariés, en leur qualité de journaliste professionnel, pouvaient prétendre à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 761-5 du Code du travail" (devenu l'article L.7112-3 du même Code).
Une telle évolution de la jurisprudence est difficile à comprendre.
S'il est peu contestable que dispositions de l'article L.7112-2 du Code du travail qui sont relatives au préavis du journaliste ne s'appliquent qu'à ceux employés par des entreprises de journaux et périodiques puisque ce texte le prévoit clairement, tel n'est pas le cas de l'article L.7112-3 de ce Code qui vise "l'employeur" du journaliste professionnel et donc potentiellement une agence de presse, ainsi que le prévoit l'article L.7111-3 du Code du travail qui précise "qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources".
Rien ne semble donc pouvoir permettre de justifier, en droit, le raisonnement retenu par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 2016 qui l'a pourtant conduit à exclure, du jour au lendemain, les journalistes professionnels employés par des agences de presse du champ d'application de l'article L.7112-3 du Code du travail.
Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur sa jurisprudence du 13 avril 2106, la Cour de cassation a refusé de la transmettre au Conseil constitutionnel, semblant toutefois alors un peu hésiter sur la portée à accorder à son arrêt (cf. cette autre page sur ce sujet)
Il reste que, suivant à la lettre cette jurisprudence de la Cour de cassation, la Cour d'appel de Paris a jugé le 8 novembre 2018 que :
"il résulte de l'article L. 7112-2 du code du travail que seules les personnes mentionnées à l'article L. 7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l'indemnité de congédiement instituée par l'article L. 7112-3.
Il ne peut donc être fait droit à la demande de Mme Z qui a travaillé pour une agence de presse et non une entreprise de journaux et périodiques".
Cette position n'est, pour autant, pas retenue par toutes les juridictions.
La Cour d'appel de Rennes a jugé dans un arrêt du 23 novembre 2018 :
"Quant à l'indemnité de licenciement :
Aux termes de l'article L.7112-3 du code du travail aux journalistes professionnels et visé par M. P., si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.
Selon l'article L.7112-4 du même code, lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due.
Pour infirmation du jugement, l'Agence France Presse soutient que ces dispositions ne seraient pas applicables aux journalistes travaillant dans des agences de presse, celles ci n'étant pas des "entreprises de journaux et périodiques" au sens de l'article L.7112-2 du code du travail.
Cependant, l'article L.7111-3 du code du travail définit le journaliste professionnel, pour l'application de l'ensemble des dispositions figurant aux articles L.7111-1 et suivants, comme "toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources", ce qui correspond en l'espèce à la réalité des fonctions exercées par M. P. à l'Agence France Presse.
Quelques jours plus tard, la Cour d'appel de Paris (dans une autre formation que celle qui a rendu l'arrêt du 8 novembre 2018), devait examiner l'appel nullité formé contre une décision de la Commission arbitrale des journalistes qui s'était déclarée compétente pour fixer l'indemnité de licenciement d'un journaliste employé par l'Agence France Presse.
Dans un arrêt du 4 décembre 2018, elle a jugé :
"que les articles L 7112-3 et L 7112-4 précités, issus de la scission de l'ancien article L 761-5 du code du travail après sa recodification, ne prévoient pas expressément que leur champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques; que si une telle restriction apparaît dans l'article L 7112-2 relatif au préavis, et dans l'article L 7112-5 relatif à la rupture à l'initiative du journaliste, - et à supposer qu'elle doive s'interpréter comme excluant les agences de presse -, elle ne saurait, en toute hypothèse, être étendue aux articles L 7112-3 et L 7112-4 alors que l'article L 7111-3, qui fixe le champ d'application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels, définit ceux-ci comme 'toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ;
Considérant qu'il convient, par conséquent, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes et de rejeter la demande d'annulation de la sentence; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la demande de restitution des sommes versées à M. Y"
Le 30 janvier 2019, la Cour d'appel de Paris a également jugé que :
"L'AFP fait valoir que si la demande relative à l'indemnité de licenciement était accueillie, il serait fait application des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail portant sur l'indemnité de droit commun, l'article L. 7112-3 du même code n'étant pas applicable aux journalistes des agences de presse, puisque seuls les journalistes dépendant des organes de presse peuvent s'en prévaloir.
(…)
Toutefois, la cour relève qu'en application des dispositions combinées des articles L. 7111-3 et L. 7112-3 du code du travail, il n'y a pas lieu d'opérer une distinction entre les journalistes salariés des entreprises de presse, des publications quotidiennes, de périodiques et ceux qui relèvent des agences de presse en sorte que c'est à bon droit que Madame Z, en tant que salariée de l'AFP, sollicite l'allocation de l'indemnité légale de licenciement des journalistes"
Enfin, le 3 juillet 2019, la Cour d'appel de Paris a encore jugé que :
"Toutefois, il est constant qu'en application des dispositions de l'article L 7111-3 du code du travail, les journalistes travaillant au sein d'agences de presse sont des journalistes professionnels et comme tels soumis au statut des journalistes, notamment aux dispositions sur l'indemnité de licenciement prévue par les articles L 7112-3 et L 7112-4 précités, lesquels font référence à l'employeur, sans exclure les entreprises de presse de leur champ d'application ;
Il convient, au vu de ces éléments, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit la commission arbitrale compétente pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement"
Ce raisonnement ne peut qu'être approuvé puisque, encore une fois, rien ne permet de comprendre celui suivi par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 2016.
Reste à savoir si la Cour de cassation, lorsqu'elle aura l'occasion de se prononcer, reviendra sur sa jurisprudence.
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