Article Co-écrit avec Madame Marion PUECH-DEJEAN

 

Bref commentaire d’un arrêt un peu tardif (mais il était nécessaire d’attendre qu’il soit définitif) :

 

Un couple marié depuis 1964, divorce dans les années 1990.

 

Le jugement de divorce prévoit notamment que l’époux devra verser à son ex-épouse, sous forme de rente viagère, une prestation compensatoire d’une somme de 5000 francs par mois avec diminution de 30% lorsque l’époux prendra sa retraite, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties conformément à l’article 270 du Code civil.

 

En 2017, l’époux sollicite devant le juge aux affaires familiales la suppression de cette rente, d’une part, en raison de l’avantage manifestement excessif qu’elle constitue au visa de l’article 33 VI alinéa 1er de la loi du 26 mai 2004 et, d’autre part, en raison d’un changement important intervenu dans les situations du débiteur ou du créancier de la rente, en l’espère, dans la situation de la créancière.

 

Par un jugement en date du 28 juin 2018, le juge de première instance le déboute de sa demande et refuse la suppression de la rente viagère.

 

En appel, l’ex-époux fait valoir que le juge de première instance aurait dû vérifier si la rente viagère procurait un avantage manifestement excessif au créancier en se plaçant d’abord au moment du divorce pour apprécier les conditions de fixation de la prestation compensatoire puis au regard de la situation actuelle du créancier.

 

Par un arrêt rendu le 14 janvier 2021, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’époux et infirme le jugement rendu en première instance.

 

La Cour retient que la situation personnelle de l’époux débiteur est restée inchangée depuis la fixation de la rente viagère contrairement à celle de son ex-épouse « qui s’est remariée et bénéficie, au regard du régime primaire impératif, de la contribution aux charges du mariage de son époux et en tant que nécessaire du devoir de secours ».

 

Ainsi elle juge que la situation de besoin de l’ex-épouse n’est plus aussi caractérisée et qu’il n’appartient pas au premier époux de maintenir le niveau de vie du nouveau foyer.

 

Enfin, la Cour soulève que le couple formé par l’époux débiteur et sa compagne, reverse près du tiers de ses revenus disponibles au couple de l’ex-épouse ce qui est constitutif d’un avantage manifestement excessif.

 

Du fait de ces éléments la Cour d’appel supprime la prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère et ce à compter de la date de la demande formée par le débiteur.

 

Cet arrêt apporte des précisions importantes sur ce qu’il convient d’entendre par « changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties », cité à l’article 276-3 du Code civil mais également au regard de la notion d’avantage manifestement excessif.

 

En effet, la Cour d’appel estime qu’un remariage depuis plus de douze ans constitue un changement important permettant la suppression d’une prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère, notamment en vertu du régime primaire impératif qui prévoit une contribution aux charges du mariage et en tant que nécessaire un devoir de secours.

Ainsi, il ressort de cela l’idée que l’ex-époux débiteur d’une rente viagère n’a pas à maintenir le niveau de vie du nouveau foyer de la bénéficiaire de celle-ci.

 

La Cour considère également que l’avantage manifestement excessif provient de ce que le débiteur reverse le tiers de ses revenus au couple créancier.

 

Il est difficile de savoir si le seul fait du remariage permet de constituer le changement de circonstances voire l’avantage manifestement excessif mais il est possible de l’espérer pour les débiteurs de rente viagère.