Le Tribunal administratif de Strasbourg a rendu une décision inédite sur un sujet qui n’avait fait l’objet d’aucun précédent connu jusqu’ici : la règle des compensations des notes de semestres à l’Université (TA de Strasbourg 20 octobre 2016 n°150531 M. T.).
Les faits sont simples.
Un étudiant en Master 2 mention « Droit Public/Droit Privé » spécialité « droit pénal et sciences criminelles » obtient une moyenne de 9,65/20 à l’issue du 1er semestre et de 17/20 à l’issue du 2nd semestre. L’Université avait prévu par règlement que pour cette spécialité de Master les semestres ne se compensaient pas entre eux.
Ainsi, avec une moyenne de 13,32/20 sur l’année, l’étudiant a été ajourné et le diplôme de Master ne lui a pas été délivré.
L’étudiant a contesté cette absence de compensation des notes de semestre auprès de l’établissement qui a rejeté son recours.
Pour savoir si l’étudiant était fondé à contester les décisions prononçant son ajournement, il fallait au préalable analyser et vérifier si la règle de non-compensation s’applique à l’ensemble des Masters de la faculté de Droit.
Or, ce n’est pas le cas : deux systèmes cohabitent. Sur les 38 spécialités de Master, 2 d’entre elles, dont celle de l’étudiant, se voient appliquer la règle de non-compensation des semestres, sans que puissent être déterminés les motifs de cette distinction.
Le Tribunal administratif était donc saisi de savoir si une université pouvait sans distinction au sein des formations de master faire une application alternative de la règle de compensation des semestres de Master.
L’étudiant soutenait que le principe d’égalité ne saurait admettre deux règles de compensation, d’une part pour des étudiants placés dans la même situation, à savoir étudiant de Master 2 dans les Mentions de Droit d’autre part pour des formations organisées sur le même modèle structurel, à savoir en l’espèce, des notes au 1er semestre et un travail de recherche ou stage au second.
De son côté l’université faisait valoir que les étudiants de Master sont tous placés dans des situations différentes en fonction non pas de leur Mention mais de leur spécialité et qu’ainsi elle pouvait leur appliquer le système de compensation différente dès lors que le 1er semestre est entièrement consacré aux enseignements, tandis que le 2nd semestre ne donne lieu qu’à l’attribution d’une seule note à l’issue de la rédaction d’un mémoire ou d’un stage.
Or, l’analyse produite au Tribunal de tous les règlements des spécialités démontrait que toutes les formations, mise à part celle du requérant, qui étaient composées exclusivement d’un stage ou des travaux de recherche au second semestre se voyaient appliquer la règle de compensation des semestres.
Le Tribunal fait droit à l’étudiant sur le fondement du principe d’égalité en raison du modèle d’organisation de la formation.
Le Tribunal va rappeler le principe d’égalité dans son acception commune :
« Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; »
Transposé au monde universitaire et particulièrement en Master, ce principe a été défini par le Tribunal :
« Considérant qu’un étudiant inscrit dans une spécialité d’une mention de master 2 de droit ne se trouve pas nécessairement dans une situation différente de celui qui suit une formation dans une autre spécialité de ce master, que cette spécialité relève ou non de la même mention. »
Cette nouvelle définition laisse place à l’examen cas par cas des situations, conformément à la jurisprudence.
Pour aller plus loin nous nous interrogeons sur ce qui distingue un étudiant en mention droit public / privé d’un étudiant mention Droit public d’un autre en Droit Privé. 3 mentions distinctes délivrées par l’université de Strasbourg. Si ce ne sont les matières enseignées, tous les étudiants en Master 2 en Droit connaissent les mêmes joies et peines et sont soumises aux mêmes normes.
Pour écarter le moyen infondé en fait et en droit de l’université, le Tribunal rappelle l’analyse des formations effectuée par l’étudiant :
Et le Tribunal de conclure qu’une telle inégalité de traitement entre les étudiants n’est pas justifiée par des raisons d’intérêt général et qu’ainsi les décisions contestées sont intervenues en méconnaissance du principe d’égalité ; qu’il suit de là que M. T est fondé à en demander l’annulation.
En définitive, les universités devront justifier la règle de compensation ou de non-compensation en fonction des circonstances particulières et de l’intérêt général.
A défaut, faire une application alternative de la règle de compensation des semestres de Master est illégale.
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