Parmi les questions posées à un avocat intervenant dans le domaine de l'informatique, d'internet et des nouvelles technologies, en voilà une qui revient régulièrement.

Google, Tripadvisor, Facebook... Bien des sites proposent dorénavant de noter tout et n'importe quoi, du restaurant au salon de coiffure, en passant par les maisons d'arrêt et les commissariats.

Naturellement, on a beau être le plus professionnel, le plus attentif à ses clients, et le plus compétent, un quidam finit invariablement par se fendre d'un avis négatif, lequel va rester à demeure, visible par l'ensemble des prospects potentiels, qui risquent donc fort d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte, ou si le nombre de commentaires négatifs est inférieur.

L'avis négatif peut être parfaitement fondé, et étayé par une expérience véritablement négative vécue par le client. Mais il peut également être empreint d'une certaine mauvaise foi, motivé par des attentes excessives et forcément déçues, voire par une simple volonté de nuire. Et même par quelqu'un qui en réalité n'a jamais été client de l'entreprise en question.

Imaginez les difficultés pour un avocat, qui n'est tenu qu'à une obligation de moyens, et qui peut bien être un juriste d'élite, un plaideur hors pair, et perdre quand même son dossier (tous les dossiers ne sont pas bons, disons-le nous)... Son client sera forcément déçu.

Alors y'a-t-il moyen de faire retirer les avis litigieux ?

Un arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS le 22 mars 2019 nous en donne une idée, et force est de constater que le chemin s'annonce ardu.

En l'espèce, un chirurgien esthétique avait eu la désagréable surprise de constater la présence, sur sa "fiche Google", de trois avis négatifs, et qui le présentaient comme "désagréable", "hautain", en bref pas le plus chaleureux des professionnels.

Il indiquait même que l'un de ces avis n'avait manifestement pas été rédigé par un véritable patient.

Il avait donc saisi le juge des référés, au visa des articles 809 du Code de procédure civile, 1240 du Code civil et 6 - I. 8° de la LCEN de 2004, qui dispose que "l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne".

La Cour d'appel rejette en premier lieu l'exception de nullité invoquée par Google, qui prétendait que le demandeur se fondait manifestement sur des principes issus du droit de la presse, et qu'à ce titre il aurait dû respecter le formalisme très strict prescrit par la loi du 29 juillet 1881 relatif à la liberté de la presse.

Il est vrai que si le requérant, au lieu d'invoquer un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne, s'était placé sur le terrain de la diffamation, son action aurait été soumise à la loi sur la presse, laquelle se trouve extrêmement complexe à manier et soumet le plaideur à un formalisme pour le moins épineux.

Que nenni répond la Cour, le chirurgien ayant très exactement visé les dispositions de droit commun (article 1240 du Code civil) et la LCEN 2004 qui rappelle en réalité la compétence classique du juge des référés.

En revanche, les juges d'appel se montrent particulièrement inflexibles sur l'appréciation du trouble manifestement illicite ou du dommage occasionné par la mise au service du public d'un service de communication en ligne.

En effet, la Cour d'appel considère que les commentaires incriminés, loin de constituer un "dénigrement", relevaient en réalité de la "libre critique et de l'expression subjective d'une opinion ou d'un ressenti". En cela, ces commentaires "participent de l'enrichissement de la fiche professionnelle de l'intéressé et du débat qui peut s'instaurer entre les internautes", eu égard au fait notamment que le professionnel, ainsi que le rappellent les juges du fond, a la possibilité de répondre aux commentaires pour se "défendre".

À lire l'argumentation retenue par la Cour, le fait même que l'auteur d'un des commentaires en cause n'ait pas été patient du chirurgien importe peu ; il s'agira alors d'un commentaire "extérieur".

L'argumentation de la Cour est un peu simpliste, et semble doucher tous les espoirs légitimes qui peuvent naître chez un professionnel qui souhaite garder la maîtrise de son image numérique, et faire supprimer des commentaires dont il sait qu'ils ne reflètent pas la véritable image de son entreprise.

D'autres voies peuvent cependant être envisagées, comme une action au fond, ou une action directe visant non le prestataire technique, mais bien l'internaute, si tant est qu'il soit identifiable.

Le droit de la presse, lorsque le commentaire relève de la diffamation ou de l'injure, est également d'un grand secours.

Surtout, des commentaires dont le caractère dénigrant peut être établi tombent bien sous le coup de la LCEN et peuvent faire l'objet d'un retrait à la diligence du prestataire technique ou de l'hébergeur.

La consultation d'un conseil au fait de cette matière constitue en tout cas un préalable indispensable.