Fréquemment, au décès d'une personne, l'on constate imméaditement après des mouvements de fonds ou des actes de disposition affectant son patrimoine, et s'il est souvent aisé de d'identifier la personne qui en est responsable, il l'est moins en revanche de déterminer les conséquences qui peuvent en découler s'agissant du règlement de la succession.

L'un des premiers réflexes du praticien est de recourir à la notion de recel successoral, autrefois prévu à l'article 792 du Code civil, dorénavant article 778 du même Code depuis le 1er janvier 2007.

Cet article dispose à ce jour :

"Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier."

Ces dispositions instituent ainsi une sorte de peine privée pour celui des héritiers qui aura dissimulé soit l'existence d'un cohéritier, ou plus fréquemment, des biens ou droits entrant normalement dans la succession, et aura ainsi rompu l'égalité du partage successoral.

En tant que délit civil, le recel successoral est sanctionné de plusieurs manières :

  • déchéance de plein droit de la faculté d'option, l'héritier recelant étant réputé avoir accepté purement et simplement la succession, et donc tenu des dettes possibles du défunt ;
  • perte de toute prétention aux biens ou droits recelés, qui sont dès lors soustraits de l'actif successoral pour être partagés entre les cohéritiers du receleur.

La situation peut cependant singulièrement se compliquer en présence d'un conjoint survivant, lequel aura par exemple continué à prélever des sommes contenues sur un compte joint et issues des revenus du travail ou du capital.

Dans une espèce jugée par la Cour de cassation le 29 janvier 2020 (C. cass., Civ. 1ère, 29 janv. 2020, n° 18-52.592), des héritiers faisaient grief à l'époux survivant, marié avec la de cujus sous le régime de la communauté légale, d'avoir revendu à son seul profit un fonds de commerce dépendant de cette communauté, postérieurement au décès, et avaient ainsi intenté à son encontre une action en recel successoral.

Pour rappel, et selon une jurisprudence récente (C. cass., Civ. 1ère, 6 nov. 2019, 18-24.332), l'action en sanction d'un recel successoral doit être introduite à l'occasion d'un partage judiciaire, et ne peut donc plus intervenir lorsqu'il a déjà été mis fin à l'indivision successorale par un partage amiable.

Dans l'affaire du 29 janvier 2020, les héritiers soutenaient en tout état de cause que le conjoint survivant ayant la qualité d'héritier au sens de la loi, le recel successoral lui était applicable, et qu'il devait donc se voir priver de droits à concurrence des biens ou sommes recelées.

Cependant, la Cour de cassation a confirmé les juges du fond, mais après une substitution de motifs.

En effet, la Cour d'appel, qui avait appliqué le Code civil dans sa version applicable à l'ouverture de la succession (1976), retenait qu'à cette date le conjoint survivant n'avait pas la qualité d'héritier, et donc ne pouvait se voir reprocher un recel successoral.

La Haute Cour se place sur un tout autre terrain, en considérant qu'il n'était pas tant question de savoir si le conjoint survivant avait ou non la qualité d'héritier, mais si ce dernier avait prélevé des fonds de communauté en qualité d'indivisaire, non successoral, mais de l'indivision post-communautaire.

Or en l'espèce, le fonds de commerce litigieux était devenu un bien indivis entre le conjoint survivant et la succession de l'épouse prédécédée.

Le conjoint survivant était donc simplement débiteur de sommes envers cette seule indivision, et devait uniquement rapport à l'indivision de ce qu'il avait prélevé avant le partage.

Aucun recel successoral ne pouvait donc être retenu en l'espèce.

Cette solution confirme que les règles du recel successoral, qui peuvent être certes redoutables pour l'héritier receleur, sont à manier avec précaution.

La consultation d'un praticien au fait de ces mécanismes est donc un prérequis indispensable.