Un cas atypique de responsabilité de l'Etat : la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux tiers lors d'une battue administrative

 

Par un jugement n° 1300996 du 7 juillet 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat à indemniser une victime "collatérale" d'une opération de battue administrative.

 

Les faits :

Une battue administrative avait été organisée le 11 mai 2009 sous le contrôle d'un lieutenant de louveterie pour détruire des corbeaux freux dans le parc de Bellecroix.

La battue s'est déroulée à proximité d'habitations voisines du parc.

Le requérant, tiers à l'opération, a reçu plusieurs plombs de chasse au niveau de son visage, un verre de ses lunettes a été brisé et son chapeau a été transpercé.

Le requérant demandait l'indemnisation de ses préjudices.

 

Le droit :

Le tribunal administratif retient que :

la responsabilité de la puissance publique se trouve engagée, même en l'absence de faute, du fait de l'usage d'armes en milieu urbain et à proximité immédiate d'habitations, en raison des risques exceptionnels présentés par cette activité pour la sécurité des biens et les personnes

 

C'est sur le fondement de la responsabilité sans faute que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etat.

Plus précisément, le juge a retenu une responsabilité fondée sur le risque appliquée aux choses et méthodes dangereuses.

C'est le cas des explosifs et munitions  (CE, 29 mars 1919, Regnault-Desroziers, publié au R.).

Les armes à feu sont également concernées par ce régime de responsabilité sans faute, comme l'a inauguré les arrêts Lecomte et Daramy (CE, assemblée, 24 juin 1949, n°87335, publié au R.) :

la responsabilité de la puissance publique se trouve engagée, même en l'absence d'une telle faute, dans le cas où le personnel de la police fait usage d'armes ou d'engins comportant des risques exceptionnels pour les personnes et les biens, et où les dommages subis dans de telles circonstances excèdent, par leur gravité, les charges qui doivent être normalement supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant de l'existence de ce service public.

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand applique ce régime aux battues administratives en prenant soin de préciser que l'opération s'est déroulée "en milieu urbain et à proximité immédiate d'habitations".

 

Quelle solution en cas de battue administrative dans une zone naturelle ou forestière ?

Il n'est pas exclu que le juge retienne une responsabilité sans faute fondée sur le risque.

De plus, la responsabilité pour faute de l'administration pourrait être engagée s'il apparaît, par exemple, que la signalisation réglementaire n'a pas été suffisamment mise en oeuvre.