Les litiges de travaux publics donnent souvent des sueurs froides aux praticiens, notamment lorsque, défendant un intervenant à la construction dont la responsabilité est recherchée devant la juridiction administrative, il faut envisager les différents recours en garantie. Et, en la matière, la tentation est grande de vouloir de faire juger ces recours en garantie par le juge du principal plutôt que de multiplier les instances devant différentes juridictions, notamment lorsque l'on sait que le temps judiciaire ne coïncide pas toujours avec les contraintes de trésorerie des obligés à la dette.
Le tribunal des conflits avait déjà posé les jalons d'une solution bien établie : le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics relève bien entendu de la compétence de la juridiction administrative ; le juge judiciaire ne retrouvant sa compétence que lorsque les parties sont liées par un contrat de droit privé :
"Considérant que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé " - Tribunal des Conflits, 24 novembre 1997, n° 03060, publié au Bulletin.
La limite est donc ainsi fixée : le juge judiciaire retrouve sa compétence lorsque les demandes sont formulées entre des parties liées par un contrat de droit privé.
Dans un arrêt rendu le 10 janvier 2022, le tribunal précise sa jurisprudence : la seule circonstance que les parties soient liées par un contrat de droit privé ne chasse pas la compétence du juge administratif, lequel conserve sa compétence pour statuer sur les recours en garantie entre les intervenants à la construction sauf si le litige porte sur l’exécution de ce contrat.
Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l’exécution de ce contrat. - Tribunal des Conflits, 10 janvier 2022, n° C4231, mentionné dans les tables du recueil Lebon.
La précision est bienvenue quoique déjà contenue dans les termes d’un arrêt rendu le 8 février 2021 dans lequel le tribunal, reprenant le considérant de principe de son arrêt de 1997, retenait déjà la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur l’action quasi-délictuelle dirigée par un membre d’un groupement à l’encontre de l’un de ses co-traitants et dont il soutenait qu’une faute vis-à-vis du maître d’ouvrage public avait été commise et engageait sa responsabilité. Le tribunal des conflits a considéré que cette action quasi-délictuelle ne concernait pas l’exécution de la convention de groupement mais impliquait d’apprécier les conditions dans lesquelles une opération de travaux publics a été exécutée ; cela faisant obstacle à la compétence du juge judiciaire (Tribunal des Conflits, 8 février 2021, n° C4203, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Retenons que le juge administratif n’a pas vocation à interpréter un contrat de droit privé pour statuer sur le recours en garantie qui lui est soumis. Il faudra encore saisir la juridiction judiciaire, ou commerciale, pour statuer, notamment, sur les recours en garantie entre entrepreneurs et sous-traitants lorsque le premier sera actionné par le maître d’ouvrage public devant la juridiction administrative et qu'il cherchera à se faire se garantir par son sous-traitant, en raison de la faute contractuelle de ce dernier.
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