Quelques précisions de la Cour de cassation dont les décisions récentes apportent des éclairages précieux sur l’étendue des obligations du constructeur de maison individuelle (CCMI) en matière de chiffrage des travaux qu’ils soient réservés ou non.
Pour les travaux compris dans le prix convenu, la jurisprudence est établie de longue date. S’agissant d’un marché à forfait, ils sont toujours à charge du constructeur même en cas d’erreur de ce dernier dans le chiffrage.
Pour les travaux réservés, la situation est plus délicate car nombre de constructeurs ont été tentés d’exclure du prix convenu des travaux indispensables à la construction de la maison tels que les VRD. Ils croyaient être à l’abris de toute réclamation du maître d’ouvrage lorsque le chiffrage de ces travaux a été sous-estimé. D’autres ont cru pouvoir se dispenser de les chiffrer ou encore de donner un prix global à « la louche ». La Cour de cassation sanctionne ces pratiques et rappelle que :
- Le maître d’ouvrage doit apposer une mention manuscrite par laquelle il accepte les travaux réservés tant en leur descriptif qu’en leur montant.
A défaut, c’est la nullité du contrat qui est encourue :
« Qu’en statuant ainsi, alors que seule la sanction de la nullité du contrat est applicable à l’irrégularité résultant de l’absence de clause manuscrite par laquelle le maître de l’ouvrage précise et accepte les travaux à sa charge qui ne sont pas compris dans le prix convenu, la cour d’appel a violé les textes susvisés » - Cass., 3ème civ., 21 juin 2018, n° 17-10175, publié au bulletin.
- Pour les travaux réservés non chiffrés ou sous-estimés, le maître d’ouvrage peut en demander le paiement au constructeur, qu’ils soient indispensables ou non à l’implantation de la maison ou de son utilisation.
« 6. Il résulte de l’article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation et de la notice descriptive type prévue par l’article R. 231-4 du même code, agréée par arrêté du 27 novembre 1991, que tous les travaux prévus par le contrat de construction doivent être chiffrés, même si le maître de l’ouvrage s’en réserve l’exécution et même s’ils ne sont pas indispensables à l’implantation de la maison ou à son utilisation.
7.En effet, le maître de l’ouvrage doit être exactement informé du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s’engager dans une opération qu’il ne pourra mener à son terme.
8. Il en résulte que le maître de l’ouvrage peut demander, à titre de réparation, que le coût des travaux prévus au contrat non chiffrés et le coût supplémentaire de ceux chiffrés de manière non réaliste soient mis à la charge du constructeur. » - Cass., 3ème civ., 12 octobre 2022, n° 21-12507, publié au bulletin.
Le raisonnement de la Cour est limpide : le maître d’ouvrage doit connaître le coût exact de son projet, travaux réservés compris. A défaut, c’est le constructeur qui paie.
Toujours au chapitre de l’actualité du contrat de construction de maison individuelle – CCMI, on notera encore l’arrêt du 15 juin 2022 de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu à l’initiative d’une action de l’AAMOI jugeant qu’une clause qui ne contraint pas dans un délai précis le constructeur à accomplir une obligation permettant la réalisation d’une condition suspensive (celle de la confection du dossier du permis de construire en l’espèce), lui permettant ainsi de soustraire à ses obligations, créé un déséquilibre significatif permettant de considérer abusive la clause correspondance (Cass., 1ère civ., 15 juin 2022, 18-16968, publié au Bulletin).
Dans la même veine, et toujours au chapitre des clauses jugées abusives en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs, le constructeur ne peut pas prévoir dans son contrat une clause qui impose la signature d’un avenant à la charge financière du maître d’ouvrage pour tenir compte de modifications exigées par l’administration en rapport avec l’autorisation d’urbanisme. La Cour considère que « le constructeur, en sa qualité de professionnel, était la seule partie à avoir la main sur l’élaboration du permis de construire et qu’il lui appartenait de l’établir au regard des critères exigés, la cour d’appel, qui en a justement déduit que ces dispositions portaient atteinte au caractère forfaitaire et définitif du prix du contrat dont le principe était de protéger le cocontractant des coûts imprévisibles, a ainsi caractérisé l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs et a décidé à bon droit qu’elle constituait une clause abusive. » - Cass., 1ère civ., 15 juin 2022, 18-16968, publié au Bulletin, à l’initiative de l’AAMOI.
Les constructeurs ont donc vocation à redoubler de vigilance car la jurisprudence récente tend à donner un plein effet au forfait du prix contracté et à leur obligation de conseil dans un contexte d'augmentation du coût de la construction.
Il n’est pas à douter que ces solutions trouveront de l’écho dans les contentieux les plus récents dans lesquels, à la suite de la défaillance de plusieurs constructeurs de renom (GEOXIA avec les maisons Phénix pour le plus connu), les refus de garantie de livraison motivés par une marge trop faible ne sont plus rares et les caducités hâtivement prononcées par les constructeurs en cas de refus de signature d'un avenant en plus-value.
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