La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (Loi autrement dite « 3DS ») est venue peaufiner un dispositif crée en 2016 par l’ordonnance n° 2016-985 du 20 juillet 2016 relative au bail réel solidaire.
Dans son esprit, le bail réel solidaire, ou BRS, se veut innovant et calqué sur un modèle outre atlantique tendant à permettre l’accession à la propriété à un prix inférieur à celui du marché grâce à une dissociation de la propriété du foncier et de celle du bâti. A vrai dire la nouveauté ne réside pas tant dans cette distinction déjà connue (cf. droit de superficie ou encore bail à construction, bail emphytéotique…). Elle résulte avant tout de son champ d’application, à savoir le logement, principalement, et de la création d’un mécanisme présenté comme étant anti-spéculatif de maîtrise de la valeur des droits réels immobiliers qui en sont l’objet.
La loi 3DS vise à permettre le développement du bail réel solidaire et à lui donner un nouveau souffle. Il faut dire que cet outil juridique présente de sérieux atouts en présence d’une surchauffe de la valeur de l’immobilier que la politique du Zéro Artificialisation Nette – ZAN n’apaise pas…
On retiendra que le bail réel solidaire, BRS vient naturellement compléter l’arsenal des acteurs du logement social tels que les Offices publics de l’habitat – OPH.
Dans cette perspective, ils se feront préalablement agréés organisme de foncier solidaire « OFS », par le Préfet de Région (article R. 329-6 du code de l’urbanisme).
L’article L. 329-1 du code de l’urbanisme définit l’organisme de foncier solidaire en lui assignant des objets. L’OPH retiendra alors la possibilité d’exercer cette activité à titre accessoire en application du 3ème alinéa de l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme qui renvoie aux organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation définissant les organismes d’habitations à loyer modéré.
Le 4ème alinéa de l’article L. 329-1 du code de l’urbanisme définit ainsi le cadre comme suit :
« L’organisme de foncier solidaire reste propriétaire des terrains et consent au preneur, dans le cadre d’un bail de longue durée, s’il y a lieu avec obligation de construire ou de réhabiliter, rénover ou gérer des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété des logements, à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale, ou des locaux à usage commercial ou professionnel, sous des conditions de prix de cession et, le cas échéant, de plafonds de ressources et de loyers. »
Tout est dit.
Le BRS se présente en la forme d’un outil par lequel des droits réels immobiliers sont confiés à fins de location ou d’accession à la propriété, tout en permettant ainsi de construire, réhabiliter, rénover, ou de gérer des constructions existantes.
Pour les détails il faudra se reporter aux articles L. 255-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation. On retiendra que le bail réel solidaire peut être consenti :
- A un preneur qui occupe le logement (article L. 255-2 du code de la construction et de l’habitation)
- A un opérateur qui peut construire ou réhabiliter des logements et qui s’engage en tous cas à vendre les droits réels immobiliers de telle sorte que la cession de ces droits créé alors un lien « direct et individuel entre l’organisme de foncier solidaire et chacun des preneurs » (article L. 255-3 du code de la construction et de l’habitation)
- A un opérateur qui peut construire ou réhabiliter des logements et qui s’engage en tous cas à les louer (article L. 255-4 du code de la construction et de l’habitation).
L’outil s’avère intéressent pour permettre la vente de logements HLM en BRS à des propriétaires occupants (l’hypothèse est d’ailleurs explicitement envisagée par l’article L. 443-7 du code de la construction et de l’habitation), ou encore leur rénovation tout en faisant participer le privé.
La difficulté consistera alors à bien définir les obligations respectives des parties et, tout particulièrement celles du preneur opérateur lorsqu’il souscrit ce BRS pour s’engager à vendre ou à louer. L’exercice sera d’autant plus délicat que ledit bail devra encore déterminer, à l’avance, les modalités de valorisation et la nature des travaux, éléments pris en compte pour fixer le prix de cession des droits réels immobiliers (article R. 255-3 du code de la construction et de l’habitation).
La particularité du BRS est que le preneur doit alors s’acquitter d’une redevance « dont le montant tient compte des conditions d’acquisition du patrimoine par l’organisme de foncier solidaire et, le cas échéant, des conditions financières et techniques de l’opération de construction ou de réhabilitation des logements et des conditions d’occupation des logements, objets du bail réel solidaire » (article L. 255-8 du code de la construction et de l’habitation). Le BRS peut ainsi constituer une nouvelle source de revenus pour les OPH à l’heure où l’augmentation du taux de rémunération des placements sur livret A vient peser sur leurs budgets.
Autres détails :
- La taxe foncière est due par le preneur du BRS (article 1400 du code général des impôts)
- Lorsque le bien est compris dans un immeuble en copropriété le preneur exerce les attributions similaires à celles du copropriétaire (cf. droit de vote aux assemblées) à l’exception de celles des décisions qui sont prises à des conditions de majorité qualifiée telles que celles de la majorité absolue ou encore à la double majorité. On relèvera que les charges de copropriété sont toujours à la charge du preneur (article L. 255-7-1 du code de la construction et de l’habitation)
- L’OFS peut se voir déléguer le droit de préemption urbain depuis la loi 3DS (article L. 211-2 du code de l’urbanisme).
On retiendra que le BRS complète la palette des outils au services d’une politique d’accession sociale à la propriété de logements d’habitation en permettant la cession de droits réels immobiliers tout en conservant la propriété du foncier et, le cas échéant, en associant le privé à cette politique d’accession à prix maîtrisé.
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