OUI : dans son arrêt en date du 10 novembre 2016, le Conseil d’Etat considère que si la délibération et les communiqués de presse n'ont produit aucun effet de droit, ils ont eu pour objet d'influer de manière significative sur le comportement des services de télévision, en les dissuadant de procéder à l'avenir au sein de séquences publicitaires à de nouvelles diffusions du message litigieux ou à la diffusion de messages analogues. Dans ces conditions, ils peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. 

En l’espèce, un message de sensibilisation à la trisomie 21 intitulé " Chère future maman " a été diffusé par les services de télévision M6, D8 et Canal+, à plusieurs reprises entre le 21 mars et le 21 avril 2014, dans le cadre d'écrans publicitaires.

Ce film, d'une durée de trente secondes, débute par une introduction qui le présente comme un message adressé à une femme enceinte qui vient d'apprendre que le fœtus qu'elle porte est atteint du syndrome de Down et qui fait part de son angoisse.

Il met ensuite en scène des enfants et adolescents atteints de ce syndrome qui déclarent être heureux et pouvoir exercer de nombreuses activités.

Le message se termine par ces mots : " Chère future mère, ton enfant pourra être heureux, comme je le suis ! Et tu seras heureuse aussi ! Pas vrai Maman ' "

A la suite de cette diffusion, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a, par une délibération du 25 juin 2014, décidé d'adresser aux responsables des services de télévision concernés un courrier appelant leur attention sur les modalités de diffusion des " messages susceptibles de porter à controverse ".

Le 31 juillet 2014, le conseil supérieur a diffusé un communiqué par lequel il a précisé la portée de sa démarche.

Les requêtes de Mme L...et autres et de l'association " Collectif Les amis d'Eléonore " et autres tendent à l'annulation de cette délibération et de ce communiqué.

La requête de la Fondation Jérôme Lejeune tend à la condamnation du CSA à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la délibération du 25 juin 2014.

Dans son arrêt en date du 10 novembre 2016, le Conseil d’Etat considère que si la délibération et les communiqués de presse n'ont produit aucun effet de droit, ils ont eu pour objet d'influer de manière significative sur le comportement des services de télévision, en les dissuadant de procéder à l'avenir au sein de séquences publicitaires à de nouvelles diffusions du message litigieux ou à la diffusion de messages analogues. Dans ces conditions, ils peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Le Conseil d’Etat a jugé qu'en relevant que le message litigieux présentait un point de vue positif sur la vie des jeunes atteints de trisomie et encourageait la société à œuvrer à leur insertion et à leur épanouissement, mais qu'il avait aussi une " finalité qui peut paraître ambiguë ", dès lors qu'il se présentait comme adressé à une femme enceinte, confrontée au " choix de vie personnelle " de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse, le CSA, qui, contrairement à ce qui est soutenu, a pris en compte le contenu du message et non les seules réactions des personnes qui l'ont saisi de plaintes, n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

La délibération du 25 juin 2014 et les communiqués des 25 et 31 juillet 2014 se bornent à indiquer que la diffusion du message litigieux dans le cadre de séquences publicitaires est inappropriée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le CSA aurait porté à la liberté d'expression une atteinte disproportionnée, en violation de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 et de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 10/11/2016, 384691, Publié au recueil Lebon

JURISPRUDENCE :

Conseil d’Etat, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, n°s 368082 368083 368084, p. 76.

Conseil d’Etat, Assemblée, 21 mars 2016, Société NC Numericable, n° 390023, p. 88. Comp.

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- ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;

- ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;

- ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit.

Etude du Conseil d'Etat sur le droit souple :  ICI