EN BREF : si les moyens à relever d’office sont d’ordre public, ils doivent être obligatoirement relevées d’office par le juge administratif, alors qu’il ne s’agit que d’une simple faculté pour les moyens relevés d’office n’appartenant pas à la catégorie des moyens d’ordre public.


I - Le moyen peut être d'ordre public, c'est-à-dire que c’est un moyen dont la violation est si grave que le juge administratif se doit de le soulever d'office (il statue ainsi « ultra petita ») sans que cela ait été nécessairement demandé par l'une des parties.

Les principaux moyens d’ordre public que le juge administratif doit (c’est une obligation) relever d’office (Conseil d’Etat, 06 janvier 1928, Sieur Grainetier, p. 28) sont :

1°. Dans le contentieux de l’annulation :

  • Incompétence sous toutes ses formes de l’auteur de l’acte ;
  • Méconnaissance du champs d’application de la loi ;
  • Irrecevabilité de la requête au regard des délais ;
  • Irrecevabilité de la requête au regard de l’absence d’intérêt à agir ;
  • Incompétence de la juridiction administrative au profit de la juridiction judiciaire ;
  • Incompétence territoriale de la juridiction administrative saisie ;
  • Application avec effet rétroactif d’un règlement ;
  • Violation du principe de l’autorité absolue de la chose jugée …

2°. Dans le contentieux de l’indemnisation :

  • La responsabilité de l’administration fondée sur le risque ;
  • Interdiction de condamner une personne morale de droit public à payer une somme supérieure à ce qu’elle doit …

II – Le moyen peut être relevé d’office par le juge, bien qu’il ne soit pas un moyen d’ordre public, lorsque le juge administratif estime que la décision qu’il doit rendre lui paraît susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office. Il statue également « ultra petita » sans que cela ait été nécessairement demandé par l'une des parties.

L’article R.611-7 du code de justice administrative ne fait référence qu’à la notion de « moyen relevé d'office » sans distinguer ceux  qui appartiendraient à la catégorie de « moyen d’ordre public ».

« Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (…) »

Les principaux moyens que le juge administratif peut (ce n’est pas une obligation) relever d’office sont :

1°. Dans le contentieux de l’annulation :

  • La décision contestée ne fait pas grief ;
  • Il résulte de l’instruction de l’affaire qu’il n’y a plus lieu à statuer ;
  • La composition d’un jury de concours a été jugé irrégulière par le tribunal ;
  • Le tribunal estime que la décision attaquée trouve son fondement dans les règlements annexés au statut d’une fédération sportive…

Si un moyen d’ordre public a été soulevé d’office par le juge, la formulation dans le jugement sera :

« Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête » ;

Si le moyen d'ordre public a été soulevé par l'une des parties, la formulation dans le jugement sera : 

« Sur l'intérêt à agir (tel moyen), sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ».

BIBLIOGRAPHIE : cet article s’inspire largement de l’ouvrage « L’avocat et les juridictions  administratives »,  auteurs  Christian Pujalte et Edouard de Lamaze, Editions Presses Universitaires de France, pages 135 à 138.