NON: en faisant procéder à l'installation des bacs contenant des arbustes sur la voie publique, empêchant ainsi tout véhicule automobile de parvenir à la porte du domicile de particuliers, les privant ainsi d'un accès dont ils bénéficiaient jusque-là, le maire a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, dans la mesure ou cet aménagement n'est justifié par aucun motif tiré des nécessités de la conservation du domaine public ou de l'entretien de la voie.

Le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété, lequel a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative. La privation de tout accès à la voie publique est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté, pouvant justifier le prononcé, par le juge administratif des référés saisi au titre de cet article L.521-2, de toute mesure nécessaire de sauvegarde. En l'espèce, un maire a fait procéder à la pose de bacs contenant des arbustes sur la chaussée de la rue de la mairie, qui présente le caractère d'une voie publique. Ces bacs faisaient obstacle, en raison de leur poids, de leur volume, de leur disposition et de la largeur de la voie, au passage de tout véhicule automobile sur la portion de la rue sur laquelle ils ont été disposés. La rue de la mairie dessert le domicile des époux A dont elle constitue, compte tenu de la configuration des lieux, le seul accès. La pose de ces bacs a eu pour effet d'empêcher tout véhicule automobile de parvenir à la porte du domicile des époux A, les privant ainsi d'un accès dont ils bénéficiaient jusque-là. Dans son arrêt en date du 14 mars 2011, le juge des référés du Conseil d'Etat, considère que cet aménagement n'est justifié par aucun motif tiré des nécessités de la conservation du domaine public ou de l'entretien de la voie. Si la commune invoque les dispositions un arrêté par lequel le maire a réglementé la circulation et le stationnement dans cette partie de la rue de la mairie pour en faire une voie piétonne, il résulte des termes mêmes de cet arrêté qu'il réserve la possibilité pour les époux A d'utiliser la voie pour accéder à leur domicile. Au demeurant, si un tel arrêté est susceptible d'interdire légalement le stationnement et la circulation automobile sur cette voie piétonne, il ne saurait légalement interdire, de façon générale et en toute circonstance, l'accès par des véhicules au domicile des riverains. Ainsi, en faisant procéder dans les circonstances de l'espèce à l'installation des bacs en cause sur la voie publique, le maire a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété. Ainsi, la privation, dans les circonstances de l'espèce, de tout accès par des véhicules à leur domicile constitue, pour les époux A, une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L.521-2 du code de justice administrative. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme A, que la commune n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a ordonné l'enlèvement des bacs.

SOURCE: Conseil d'État, Juge des référés, 14/03/2011, 347345.