EN BREF: La personne publique peut toujours décider de déclarer la procédure de passation d'un marché public sans suite pour un motif d'intérêt général. La déclaration sans suite peut intervenir à tout moment de la procédure jusqu'à la signature du marché. Cette faculté de renoncer à conclure un marché n'est enserrée dans aucun délai et procède de ce que la décision de confier l'exécution des prestations à l'opérateur économique ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse ne crée, au profit de l'attributaire, aucun droit à la signature du contrat.

1) La déclaration sans suite d'une procédure de marchés public est prévue par le code des marchés publics...

- S'agissant d'un appel d'offres ouvert ou restreint : son principe figure aux articles 59 et 64 du code des marchés publics (CMP).

- S'agissant des autres procédures de passation (marché négocié et dialogue compétitif) :

- article 66-VI alinéa 5 du code des marchés publics (CMP) pour la procédure négociée ;

- article 67-XI du code des marchés publics (CMP) pour la procédure de dialogue compétitif.

2) ...mais la faculté de déclarer une procédure de marché public sans suite existe même sans texte.

Le Conseil d'État l'avait admis au motif précisément que l'entreprise retenue n'avait pas un droit à la signature du contrat (Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 10 octobre 1984, 16234, publié au recueil Lebon) et l'a réaffirmé en ce qui concerne la procédure d'appel d'offres sur performance pour laquelle les dispositions du code étaient muettes (Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, du 18 mars 2005, 238752, mentionné aux tables du recueil Lebon).

3) Les motifs d'intérêt général susceptibles d'être invoqués pour la déclaration sans suite peuvent être très divers...

Le motif concerné peut aussi bien être économique, juridique, technique ou résulter d'un choix de gestion de la personne publique.

- Il peut s'agir de motifs d'ordre budgétaire (Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 23 novembre 1983, 30493, mentionné aux tables du recueil Lebon) : par exemple, le coût estimé des travaux dépasse le budget pouvant être alloué par la collectivité et conduit le pouvoir adjudicateur à mettre un terme à son projet. Ce motif suppose néanmoins de démontrer l'existence et l'origine des surcoûts invoqués.

- Le motif d'intérêt général peut être d'ordre financier (Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 30/12/2009, 305287 ) tiré de ce que les prestations objet du marché pouvaient être réalisées pour un montant nettement moins élevé que celui initialement prévu sur des bases techniques nouvelles. Il peut s'agir par exemple de la disparition du besoin de la personne publique (Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08/01/2008, 05BX01006, Inédit au recueil Lebon), d'une insuffisance de concurrence, qu'elle ait été provoquée ou non par une entente entre les entreprises, même si une ou plusieurs offres sont acceptables (CJCE, 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz, aff. C-27/98).

- Il peut également s'agir d'éviter les risques tenant aux incertitudes ayant affecté la consultation des entreprises ou de mettre fin à une procédure entachée d'irrégularité (Conseil d'Etat, 7 /10 SSR, du 13 janvier 1995, 68117 68118 114841 115307, publié au recueil Lebon).

4)...la déclaration sans suite pouvant même être motivée par des erreurs dans les exigences techniques des prestations rendant impossible le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.

5) Toutefois, cette faculté de renoncement à mener la procédure à son terme ne peut être utilisée pour contourner les exigences du Code des marchés publics (CMP).

Le juge administratif a sanctionné pour détournement de procédure la décision de ne pas donner suite à un appel d'offres sur performance qui avait pour seul objet d'évincer le candidat retenu par la commission d'appel d'offres. L'incohérence d'une offre présentée par un candidat dont se prévalait la personne publique ne constituait pas un motif d'intérêt général et pouvait seulement conduire à juger l'offre inacceptable (Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, du 18 mars 2005, 238752, mentionné aux tables du recueil Lebon).

SOURCE: réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à la question écrite n° 22612 de Monsieur le Député Jean Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le JO Sénat du 12/04/2012 - page 922.