EN BREF: s'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre une circulaire interprétant une décision de justice, d'apprécier le bien-fondé de la décision commentée, il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision.

Dans un arrêt en date du 24 avril 2012, le Conseil d'Etat considère que lorsqu'une autorité administrative commente, par la voie d'une circulaire, une décision de justice, et prescrit d'en tirer certaines conséquences, elle ne peut que respecter l'autorité qui s'attache à cette décision. Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre une telle circulaire, d'apprécier le bien-fondé de la décision de justice commentée. Il lui appartient en revanche d'apprécier, dans l'exercice de son contrôle de légalité et dans la limite des moyens soulevés, si l'interprétation retenue par la circulaire ne méconnaît pas le sens et la portée de cette décision. En l'espèce, la circulaire attaquée n'a pas d'autre objet que de commenter la jurisprudence constitutionnelle et judiciaire, en vigueur à la date de son édiction, relative aux dispositions du code de procédure pénale concernant la garde à vue et de prescrire aux magistrats du ministère public de s'y conformer en mettant en oeuvre strictement les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, toujours applicables, dans l'attente de l'entrée en vigueur de la loi destinée à les mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette circulaire serait entachée d'illégalité en ce qu'elle prescrirait de continuer à appliquer des dispositions du code de procédure pénale contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en ce qu'elle ferait obstacle, fût-ce pour une durée déterminée, à l'application immédiate des principes découlant de ces stipulations, ne peut qu'être écarté. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la circulaire attaquée.

SOURCE: Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24/04/2012, 345301

POUR MEMOIRE: les circulaires non impératives sont insusceptibles de recours. Abandonnant la distinction traditionnelle entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires issue de la jurisprudence Institution Notre-Dame du Kreisker (Conseil d'Etat, Assemblée, 29 janvier 1954 ), le Conseil d'État a fixé, dans sa décision Mme Duvignères (Conseil d'Etat, Section, 18 décembre 2002 ) un nouveau critère de recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre une circulaire. Ce critère réside dans le caractère impératif des dispositions de la circulaire. Lorsque l'interprétation que l'autorité administrative donne, par voie de circulaires ou d'instructions, des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre est dotée de caractère impératif, cette interprétation est considérée comme faisant grief et est, par suite, susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. En revanche, les dispositions dénuées de caractère impératif d'une circulaire ou d'une instruction ne font pas grief et les conclusions dirigées contre elles sont irrecevables.