NON: une personne publique ne peut légalement autoriser une personne privée à occuper une dépendance de son domaine public en vue d'y exercer une activité économique, lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de l'article L.420-2 du code de commerce.

Dans un arrêt en date du 23 mai 2012, le Conseil d'Etat précise que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine. La décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public. La personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de l'article L.420-2 du code de commerce.

En l'espèce, la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) a décidé d'autoriser des entreprises à installer des présentoirs sur son domaine public pour y diffuser des journaux gratuits. Pour annuler les décisions par lesquelles le président-directeur général de cet établissement, à l'issue de la procédure de mise en concurrence ouverte par la publication d'un avis le 11 septembre 2006, a rejeté l'offre présentée à cette fin par la société 20 Minutes France, a décidé de conclure avec la société Bolloré SA un contrat l'autorisant à occuper son domaine public et a rejeté la demande de la société 20 Minutes France tendant à ce qu'il soit mis un terme à ce contrat, le tribunal administratif de Paris a estimé que l'autorisation accordée à la société Bolloré SA portait une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie.

En estimant que le moyen d'appel de la RATP, tiré de l'absence d'atteinte à cette liberté, ne paraissait pas sérieux, alors que pour retenir une telle atteinte, les premiers juges s'étaient fondés, non sur une intervention de la personne publique sur le marché de la distribution de journaux gratuits, mais sur les effets qui en résulteraient dans les relations entre les entreprises de presse, lesquels ne pouvaient relever que d'une éventuelle situation d'abus de position dominante ou de manquements à d'autres règles de concurrence, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les articles 2 et 3 de son arrêt doivent être annulés.

SOURCE: Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 23/05/2012, 348909, Publié au recueil Lebon