EN BREF : le pouvoir adjudicateur doit justifier que les contraintes de coordination des différents intervenants générées par l'allotissement du marché, au demeurant courantes dans des opérations de restructuration, sont telles que la dévolution en lots séparés, à laquelle il doit en principe être recouru en vertu des termes mêmes de l'article 10 du code des marchés publics, rendent techniquement difficile l'exécution du marché.

Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 19 novembre 2008 au bulletin officiel des annonces des marchés publics, le département de la Gironde a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la réalisation de travaux de restructuration du collège Paul-Emile Victor à Branne.

Par actes d'engagement du 6 mars 2009 notifiés le 20 mars 2009, le lot n°1 « bâtiments - tous corps d'état » a été attribué au groupement Sopreco Aquitaine et le lot n°2 « VRD - espaces verts » à « Cregut Atlantique ».

Le syndicat national des entreprises du second oeuvre (SNSO) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions de signer ces marchés.

Par un jugement du 14 décembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme irrecevable au motif qu'elle n'était pas accompagnée de la décision dont l'annulation était recherchée.

Le syndicat national des entreprises du second oeuvre (SNSO) fait appel de ce jugement.

1°) Dans son arrêt en date du 1er octobre 2013, statuant sur l'absence de production de la décision attaquée, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que les décisions du président du conseil général de signer les marchés n'ayant, en réalité, été matérialisées par aucun acte susceptible d'être produit, aucune fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R.412-1 du code de justice administrative ne peut être retenue à l'encontre du syndicat, lequel, au demeurant, a produit l'avis d'attribution de ces marchés, publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics du 14 avril 2009, ayant révélé au tiers la signature desdits marchés.

2°) Sur l'insuffisance d'allotissement du marché fondée sur le risque d'en rendre l'exécution techniquement difficile ou financièrement coûteuse.

Aux termes de l'article 10 du code des marchés publics : « Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27 . A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination (...) ».

Pour justifier le recours à un marché global pour l'ensemble des prestations constituant le « lot n°1 », qui constituent des prestations distinctes devant en principe donner lieu à une dévolution en lots séparés, le département de la Gironde se prévaut, au premier chef, de ce que l'allotissement de ces prestations aurait risqué d'en rendre l'exécution techniquement difficile en raison de la nécessité d'une parfaite coordination des intervenants, le respect des différentes phases du chantier étant essentiel pour assurer la continuité du service public de l'enseignement dans un collège accueillant 600 élèves.

Dans son arrêt en date du 1er octobre 2013, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que, toutefois, s'il est vrai que l'exécution des prestations était soumise à de fortes contraintes de délais nécessitant une importante coordination des prestataires et le respect par ceux-ci des délais impartis, le département ne justifie pas que ces contraintes, au demeurant courantes dans des opérations de restructuration, étaient telles que la dévolution en lots séparés, à laquelle il doit en principe être recouru en vertu des termes mêmes de l'article 10 du code des marchés publics, aurait, en l'espèce, rendu techniquement difficile l'exécution du marché.

Le département ne justifie pas, par les considérations générales qu'il développe, en quoi la variante « développement durable », ou les clauses d'insertion sociale contenues dans le marché faisaient obstacle, en l'espèce, à l'allotissement.

Il ne justifie pas davantage le recours à un marché global en invoquant des considérations générales sur la « dilution des pénalités » qui ne seraient pas suffisamment dissuasives en cas de lots séparés.

Il ne saurait enfin se prévaloir utilement, pour justifier une dérogation à la règle de l'allotissement, de ses choix d'organisation et notamment de ce qu'il ne dispose pas dans ses services d'agents chargés des missions d'organisation, de pilotage et de coordination, alors au surplus que de telles missions peuvent être confiées à un prestataire chargé de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination du chantier.

SOURCE : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 1er octobre 2013, n°12BX00319