NON : c’est une bien mauvaise idée car ce moyen de défense n’est pas facile à mettre en place, le harcèlement moral étant très difficile à prouver et la frontière est incertaine entre cette notion et  les agissements « normaux » du supérieur hiérarchique que le juge administratif considère très souvent et avec bienveillance pour l’administration, soit comme « n'ayant pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique » soit que « les piètres qualités managériales de l'encadrement qui ont conduit à des dysfonctionnements sérieux dans ce service nécessitant la réalisation d'un audit interne, ne constituent pas pour autant des agissements excédant des manifestations de l'exercice du pouvoir hiérarchique » (Fermez le ban !). Ainsi, par exemple, dans un arrêt en date du 30 avril 2015, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que, compte tenu des dysfonctionnements constatés par le maire de la commune après le départ en congé de Mme C..., et en particulier des manquements dans le suivi des affaires de la commune, qui sont à l'origine de la perte de confiance mentionnée aux points précédents, les agissements du maire de la commune, qui n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne peuvent être qualifiés de harcèlement au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.Voilà un exemple qui démontre, si besoin en était, que le harcèlement moral est imprécis, subjectif et très, très difficile à établir par l’agent. En plus, je constate au quotidien que le juge administratif a placé la barre très, très haut. Je conseille aux agents de bien réfléchir aux moyens de preuves dont ils disposent avant d’aller voir un avocat qui leur conseillera de se lancer ou pas dans cette procédure.

1° Qui est donc cette Madame C… ?

Mme C..., recrutée à compter du 21 décembre 2007 en qualité d'adjoint administratif par la commune de La Chapelle-Neuve (Morbihan) pour exercer les fonctions de secrétaire de mairie, a présenté sa démission par une lettre du 2 janvier 2010. Elle a demandé le 13 septembre 2010 à la commune de réparer les préjudices résultant selon elle des agissements de harcèlement moral qu'elle avait subis dans l'exercice de ses fonctions et qui l'ont conduite à démissionner. Elle relève appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire.

2° Mais que s’est-il donc passé ?

Après le départ en congé de Mme C... fin avril 2009 le maire a découvert que l'intéressée avait, dans l'accomplissement de ses fonctions de secrétaire de mairie, commis plusieurs erreurs et manquements, qui ont eu pour effet de rompre le lien de confiance entre celui-ci et son agent.

Mme C... a été convoquée à sa demande à un premier entretien qui a eu lieu le 29 août 2009.

Un second entretien avec le maire a eu lieu le 24 octobre 2009, durant les congés annuels de l'intéressée et postérieurement à la fin de son congé de maternité le 15 octobre 2009, pour faire le bilan de la situation avant son retour dans le service, et qu'à l'issue de cet entretien le maire a adressé le 31 octobre 2009 à Mme C... une lettre détaillant les griefs retenus à son encontre et la convoquant à un entretien préalable à l'engagement d'une procédure disciplinaire.

Ce nouvel entretien s'est tenu le 14 novembre 2009 en présence du maire, de Mme C... et de son défenseur, à l'issue duquel il a été convenu qu'en contrepartie de l'abandon par le maire de la procédure disciplinaire envisagée Mme C... reprendrait ses fonctions à la mairie à l'exclusion du suivi du conseil municipal et qu'elle effectuerait les démarches nécessaires pour trouver une affectation dans une autre collectivité.

3° Madame C… a-t-elle été poussée à la démission parce qu’elle était harcelée moralement par le maire et enceinte ?

Mme C... soutient qu'elle a été contrainte de présenter sa démission à la suite d'agissements répétés du maire de la commune, constitutifs de harcèlement moral, qui ont débuté en avril 2009 après qu'elle eut annoncé son état de grossesse et qui avaient pour but de l'évincer de son poste de secrétaire de mairie.

Elle soutient qu'à partir de ce moment ses conditions de travail ont été fortement dégradées, que ses compétences ont été dénigrées, que des propos humiliants ont été tenus en présence d'autres personnes et en particulier d'élus et des accusations calomnieuses proférées à son encontre.

Elle indique également qu'au cours de son congé de maternité son régime indemnitaire a été considérablement réduit, sans justification, et qu'une procédure disciplinaire a été envisagée à son encontre de manière infondée et n'a été abandonnée qu'en contrepartie de son engagement de quitter volontairement la collectivité.

Elle soutient avoir eu des difficultés, au retour de son congé de maternité, pour retrouver ses outils de travail et qu'à partir du mois de novembre 2009 ses fonctions lui ont été retirées au profit de la personne qui la remplaçait déjà pendant son congé, à qui son poste a été officiellement attribué alors qu'elle était encore en fonctions, et qu'elle s'est trouvée exclue de l'équipe et de la vie du service.

4°Les agissements de dénigrement et d'humiliation imputés au maire par Mme C... sont-ils établis ?

Les agissements de dénigrement et d'humiliation imputés au maire par Mme C... ne sont pas établis ; que ne sauraient constituer de tels agissements la mention, dans une lettre du 29 juin 2009 adressée par le maire au sous-préfet, des difficultés financières rencontrées par la commune et des erreurs commises par l'intéressée à l'origine de pertes de recettes, ni la lettre adressée le 18 juin 2009 par le maire au Centre national de la fonction publique territoriale demandant l'annulation de prestations de formation commandées par Mme C... ni, enfin, la demande adressée le 19 mai 2009 par le maire à la requérante tendant à la restitution de documents de travail qu'elle avait emportés à son domicile.

La mention, dans la lettre du 29 juin 2009 adressée au sous-préfet, des erreurs commises par la requérante, ou les griefs énoncés par le maire dans sa lettre du 31 octobre 2009, en particulier ceux tirés de la falsification du décompte des jours de congés de l'intéressée et de la découverte d'une somme manquante dans la caisse du dépôt de pain organisé à la mairie, qui n'ont pas excédé le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ne sauraient constituer des accusations calomnieuses.

Par ailleurs, les actions de dénigrement que le maire aurait menées auprès de certains élus de la région ne sont pas davantage établies.

Si Mme C... conteste les nombreux griefs détaillés dans la lettre du maire du 31 octobre 2009, au demeurant de nature et de gravité fort diverses, la réalité des plus graves de ces griefs, en particulier s'agissant d'erreurs dans la gestion comptable et de manque de suivi des dossiers, n'est toutefois pas sérieusement contestée. Le caractère infondé de la procédure disciplinaire envisagée à l'encontre de la requérante n'est donc pas établi.

5°Le régime indemnitaire de Mme C… a-t-il été injustement réduit ?

Par ailleurs, que la réduction du taux de l'indemnité d'administration et de technicité opérée à partir du mois de mai 2009, dont la légalité pouvait, le cas échéant, être contestée par la requérante, ou le montant modeste de l'indemnité attribuée ponctuellement en 2009 en contrepartie des opérations de recensement réalisées, que le maire a estimé adapté au travail réellement accompli par Mme C..., ou encore les erreurs commises dans le calcul de la rémunération de la requérante pour les mois d'octobre 2009 et de décembre 2009, qui ont été corrigées immédiatement par le maire, ne sont pas de nature à caractériser un retrait frustatoire d'indemnités.

6°La limitation de l’accès aux outils de travail de Mme C… et la réduction de ses attributions traduisent-elles la volonté du maire de la mettre à l’écart ?

Contrairement à ce que soutient Mme C..., le délai mis par la commune à lui redonner l'accès à ses outils de travail, en particulier informatiques, lors de son retour de congé ne paraît pas, en l'espèce de nature à démontrer une volonté de mise à l'écart de l'intéressée. Si la requérante soutient que ses attributions antérieures ont été réduites, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'entretien du 14 novembre 2009 au cours duquel le maire lui a fait part des griefs relevés à son encontre et envisagé une procédure disciplinaire, l'intéressée avait été informée qu'elle reprendrait à la mairie des fonctions dont serait exclu le suivi du conseil municipal. Mme C... a en outre demandé à être placée à temps partiel, ce qui a conduit au recrutement d'un agent pour assurer le complément de temps de travail. Dans ces conditions, et eu égard à la nature particulière des responsabilités qui incombent au secrétaire de mairie dans une commune de petite taille, le fait de se trouver dans une situation ne permettant plus de disposer de la part de l'autorité territoriale de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions a pu légalement justifier de la part du maire de la commune la réduction des fonctions de Mme C....

7°Qu’elle est la position de la Cour administrative d’appel de Nantes sur les demandes de Mme C… ?

Dans on arrêt en date du 30 avril 2015, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu des dysfonctionnements constatés par le maire de la commune après le départ en congé de Mme C..., et en particulier des manquements dans le suivi des affaires de la commune, qui sont à l'origine de la perte de confiance mentionnée aux points précédents, les agissements du maire de la commune, qui n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne peuvent être qualifiés de harcèlement au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. La Cour administrative d’appel de Nantes ajoute qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la démission de Mme C... aurait été obtenue dans le but de l'évincer de la commune afin de recruter une personne parente d'une élue de la commune et ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi. Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire. Enfin, la Cour administrative d’appel ajoute que la réduction du taux de l'indemnité d'administration et de technicité opérée à partir du mois de mai 2009, dont la légalité pouvait, le cas échéant, être contestée par la requérante, ou le montant modeste de l'indemnité attribuée ponctuellement en 2009 en contrepartie des opérations de recensement réalisées, que le maire a estimé adapté au travail réellement accompli par Mme C..., ou encore les erreurs commises dans le calcul de la rémunération de la requérante pour les mois d'octobre 2009 et de décembre 2009, qui ont été corrigées immédiatement par le maire, ne sont pas de nature à caractériser un retrait frustatoire d'indemnités.

SOURCE : Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 30/04/2015, 14NT00643, Inédit au recueil Lebon