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Focus sur le panorama des arrêts publiés de la troisième chambre civile de la Cour de cassation pour l’année 2023 en matière de bail commercial :


PRESCRIPTION

La notification du mémoire n'interrompt pas (toujours) la prescription

L’énumération des articles 2240, 2241 et 2244 C. civ. des causes de droit commun d’interruption du délai de prescription étant limitative, le mémoire préalable, qui ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article 2241 C. civ., n’est une cause interruptive de la prescription qu’en vertu de l’article 33, alinéa 1er, du décret n°53-960 du 30 septembre 1953, selon lequel la notification du mémoire institué par l’article R145-23 C. com. interrompt la prescription. Ce texte n’instituant le mémoire préalable que pour la procédure devant le juge des loyers commerciaux, sa notification n’interrompt pas la prescription lorsque la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est portée à titre accessoire devant le juge de droit commun.

Rejet en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n°21-20.009

Prescription et droit d'option

L'indemnité d'occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option, trouve son origine dans l'application de l'article L145-57 C. com. et l'action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale édictée par l'article L145-60 C. com. (Cass., 3ème civ., 5 février 2003, n°01-16.882).

Le bailleur n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de cette indemnité, laquelle se substitue rétroactivement au loyer dû sur le fondement de l'article L145-57 C. com., qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de prescription biennale ne court qu'à compter de cette date.

Lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

Cassation en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n°21-19.707

Le délai de prescription biennale pour la requalification en bail commercial court à compter de la conclusion du contrat objet de la requalification

Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.

Cassation en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n°22-15.946

Pas de prescription pour la demande de constatation de l'existence d'un bail commercial à la suite du maintien du preneur à l'issue du bail dérogatoire

La demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 C. com., n'est pas soumise à prescription.

Cassation en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n°21-23.007

L'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction est imprescriptible

En présence d'un bail tacitement prorogé et d'un congé valablement délivré par le bailleur postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi Pinel, l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'est pas soumise à la prescription biennale et est recevable.

Rejet en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 16 novembre 2023, n°22-14.091


DÉPLAFONNEMENT

Incompétence du juge des loyers pour statuer sur l'étalement de la hausse du loyer déplafonné

Saisie de l’appel d’un jugement du juge des loyers commerciaux une Cour d’appel ne peut statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci et n’est donc pas compétente pour statuer sur l’étalement de la hausse du loyer déplafonné.

Cassation en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n°21-21.943


INDEMNITÉ D'ÉVICTION

Droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction

La privation de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, en méconnaissance du droit du locataire au maintien dans les lieux, occasionne à ce dernier un préjudice qu'il appartient au juge d'évaluer. Le locataire évincé peut prétendre à une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial et, jusqu’au paiement de cette indemnité, celui-ci peut se maintenir dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré (cf. art. L145-14 et L145-28 C. com.).

Cassation en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n°21-19.089


COVID-19

Prohibition de l'action en paiement d'une GAPD et crise sanitaire

C’est à bon droit que le juge des référés a considéré que, au regard des dispositions prises dans le cadre de la crise sanitaire, le fait d’actionner en paiement des loyers commerciaux une garantie à première demande (sûreté personnelle), constitue un trouble manifestement illicite.

Rejet en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n°22-10.648

Obligation au paiement des loyers en cas d'interdiction d'ouverture dans le cadre de la crise sanitaire

L'impossibilité d'exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19, ne peut exonérer le preneur du paiement des loyers échus pendant les premier et deuxième trimestres 2020.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 15 juin 2023, n°21-10.119

Neutralisation de l'interdiction des sanctions pour défaut de paiement en cas d'acquisition de la clause résolutoire

L'interdiction des sanctions pour défaut de paiement des « loyers et charges » dont l'échéance de paiement intervient pendant la période protégée, prévue à l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, ne s'applique pas aux effets d'une clause résolutoire acquise antérieurement à la période protégée, dont la suspension était conditionnée au respect d'un échéancier fixé par le juge.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 15 juin 2023, n°21-23.902

La seule affectation de l'activité économique du locataire ne justifie pas l'interdiction de mise en œuvre de mesures conservatoires

Les mesures de police administrative relatives à la sortie des personnes de leur domicile et à leur circulation, prises en application de dispositions autres que celles de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 (interdiction pour les bailleurs de pratiquer des mesures conservatoires à l'encontre de certains locataires), quand bien même elles affecteraient l'activité économique des locataires, n'interdisent pas la mise en oeuvre de mesures conservatoires par les bailleurs.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 6 juillet 2023, n°22-22.052

Caractérisation d'une mesure de police affectant l'activité économique

L'obligation d'accueillir les personnes à une place assise, de ne recevoir que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et de respecter une distance minimale d'un mètre entre les tables, sauf installation d'une paroi fixe ou amovible assurant une séparation physique, constitue une mesure de police réglementant les conditions d'accès et de présence du public qui, lorsqu'elle affecte l'activité économique desdites personnes, empêche toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à l'encontre de ces personnes pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle l'activité économique est ainsi affectée.

Cassation en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 30 novembre 2023, n°22-14.594


DROIT DE PRÉFÉRENCE DU PRENEUR

Le droit de préférence du preneur est inapplicable à la vente intervenant dans le cadre d'une liquidation judiciaire

Il résulte de l'article L. 642-18 C. com. que la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire est une vente faite d'autorité de justice. Dès lors, les dispositions de l'article L. 145-46-1 C. com., qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables, de sorte qu'une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice du droit de préférence par un locataire commercial.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 15 février 2023, n°21-16.475

Définition du local à usage industriel exclu du dispositif du droit de préférence du preneur

Tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant doit être considéré comme local à usage industriel au sens de l'article L145-46-1 C. com. et se trouve par conséquent exclu de son champ d'application.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 29 juin 2023, n°22-16.034

Inapplicabilité du droit de préférence à une vente judiciaire

Les dispositions de l'article L145-46-1 C. com, qui sont d'ordre public, trouvent application lorsque le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, et ne sont pas applicables aux ventes faites d'autorité de justice telle qu'une vente judiciaire sur saisie immobilière de sorte que le preneur ne peut se prévaloir d'un droit de préférence sur le local adjugé.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 30 novembre 2023, n°22-17.505

DÉSPÉCIALISATION

La tolérance du bailleur n'implique pas renonciation au déplafonnement

La cession du droit au bail, dans les conditions de l'article L145-51 C. com., emportant malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu'au terme du bail, ne prive pas les bailleurs du droit d'invoquer, au soutien de leur demande en fixation du loyer du bail renouvelé, le changement de destination intervenu au cours du bail expiré.

Il ne peut être déduit du non-exercice par les bailleurs de leur droit de rachat prioritaire ou de l'absence d'opposition en justice à la déspécialisation, leur renonciation à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 15 février 2023, n°21-25.849


CONGÉ

La date de notification du congé LRAR est la date de sa présentation

Le congé LRAR, envoyé le dernier jour du délai dans lequel la notification doit être réalisée, est régulier s'il est présenté par les services de la poste au destinataire habilité à le recevoir, peu important la date de réception par le destinataire.

Rejet en faveur du Preneur

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n°21-22.240


INDEMNITÉ D'OCCUPATION ET D'ÉVICTION

Possibilité d'agir en référé expertise pour le recueil des éléments de preuve nécessaires à l'évaluation et à la fixation des indemnités d'éviction et d'occupation, en parallèle d'une action en annulation de congé

Une instance, relative à la seule annulation d'un congé refusant le renouvellement d'un bail commercial et offrant le paiement d'une indemnité d'éviction, ne fait pas obstacle à une demande d'expertise avant tout procès destinée au recueil des éléments de preuve nécessaires à l'évaluation et à la fixation des indemnités d'éviction et d'occupation, dont le juge du fond n'a pas été saisi.

Rejet en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 6 avril 2023, n°22-10.475


OBLIGATION DE DÉLIVRANCE

Qualification du manquement à l'obligation de délivrance en fonction de l'impropriété des locaux à l'usage auquel ils sont destinés

Pour déterminer si le bailleur respecte son obligation de délivrance, le juge doit rechercher si les infiltrations alléguées rendent les locaux loués impropres à l'usage auquel ils sont destinés.

Cassation en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 6 juillet 2023, n°22-15.923


RENOUVELLEMENT

Le bail renouvelé d'une résidence de tourisme réintègre la faculté de résiliation triennale

L'article L145-7-1 C. com. qui déroge, pour les baux conclus pour l'exploitation d'une résidence de tourisme, à la faculté de résilier le bail à échéance triennale, reconnue au locataire par l'article L145-4, n'est pas applicable aux baux renouvelés soumis au seul article L145-12.

Rejet en faveur du Preneur

Cass. 2e civ., 7 septembre 2023, n°21-14.279


CLAUSE RÉSOLUTOIRE

La mauvaise foi du bailleur ne l'empêche pas de se prévaloir du non-respect par le preneur des délais qui lui ont été accordés

Il résulte de l'article L145-41 C. com. que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au preneur des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle.

Cassation en faveur du Bailleur

Cass. 3e civ., 26 octobre 2023, n°22-16.216