La déclaration d’appel est l’acte initiateur de l’instance d’appel et délimite le débat qui sera porté ensuite devant la juridiction de second degré au fond par la partie appelante.

Cet acte se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraît et la jurisprudence de la Cour de cassation publiée en suite des décrets de procédure n° 2017-892 du 6 mai 2017 et n°2019-1333 du 11 décembre 2019 confirme bien que les plaideurs ne soupçonnent guère les chausses-trappes nombreux auxquels ils seront confrontés en suite d’une rédaction imprécise ou lacunaire de leur acte de saisine de la Cour d’Appel.

Il faut dire que les règles applicables et les conséquences qui en découlent ne sont pas directement révélées par les textes réglementaires eux-mêmes propres à la déclaration d’appel figurant aux articles 899 et suivants du code de procédure civile, mais plutôt par les effets qu’ils induisent.

C’est ainsi que la Cour de cassation sanctionne, sur le fondement de l’article 562 du code de procédure civile - relatif à l’effet dévolutif de l’appel - l’obligation prévue par l’article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués.

Selon un arrêt désormais bien connu des praticiens, la seconde chambre civile de la Cour de cassation a énoncé clairement à cet égard que « lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas » (cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528) et la Cour d’appel n’est alors pas saisie des chefs non visés dans l’acte d’appel initial, même si des conclusions ultérieures de la partie appelante opèrent cette critique.

Ainsi, dans la droite ligne de la Cour de cassation, la Cour d’Appel d’ORLEANS a retenu que « la dévolution n'ayant pas été élargie par un appel incident de l'intimée, la cour, qui n'est pas saisie de ce qui a été jugé par les premiers juges et n'a pas été critiqué dans l'acte d'appel, a l'obligation d'écarter d'office les chefs de demandes qui sont discutés dans les conclusions mais qui ne lui sont pas dévolus. » (cf. CA Orléans chambre commerciale 29 octobre 2020 RG 195-20).

C’est bien dire que la sanction de l’appelant maladroit dans sa rédaction de son acte d’appel est irrémédiable, quand bien même l’adversaire ne se manifesterait pas ou resterait taisant sur cette question.

Le seul échappatoire pour l’appelant sera de réitérer son acte d’appel afin de compléter le premier, mais cette rustine de procédure devra être « régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile » ainsi que le précise la Cour de cassation (cf. 2ème Civ. 30 janvier 2020 pourvoi n°18-22.528).


Aux termes du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, les formes de la déclaration d’appel ont encore évoluées.

L’article 901 du Code de procédure civile est désormais ainsi rédigé :

« La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. »

Conformément à l’article 12 du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 et s'appliquent aux instances en cours à cette date. Ainsi, tous les actes d’appel rédigés et remis aux greffes des cours d’appel depuis le 1er janvier 2021 doivent s’y conformer.

La date du prononcé du jugement soumis à la censure de la Cour d’Appel est dès lors totalement indifférent, l'instance en cours précitée étant l’instance d’appel.


Si, sur une première lecture, l’article 901 précité ne semble pas avoir beaucoup évolué au regard de sa rédaction précédente, plusieurs points méritent toutefois d’être relevés, car ils doivent faire évoluer la pratique.

Ce sont les renvois de l’article 901 aux dispositions des articles 54 et 57 troisième alinéa du même code qui intéressent spécialement le rédacteur de cette courte analyse juridique.


Primo - et c'est le moindre - le texte de l’article 901 a fait disparaître l’obligation de mentionner la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

Cette obligation relevait de l’article 57 du code de procédure civile auquel l’article 901 ne fait enfin plus référence en sa totalité. Cela est d’ailleurs plus sérieux car les auteurs s’accordaient à penser, d’une part, qu’il s’agissait d’une simple obligation formelle qui, en l’absence de grief ne pouvait entamer la portée de l’appel, d’autre part, que le renvoi à l’article 57 n’obligeait pas à annexer la liste des pièces produites au soutien des moyens développés au fond, mais de viser les documents formalisant l’appel, c’est à dire la (ou les) décision (s) attaquée (s) et, enfin, que rien n’interdisait aux parties au litige de produire de nouvelles pièces après la déclaration d’appel, l’article 15 du code de procédure civile obligeant seulement ces parties à les produire « en temps utile ».

Au demeurant, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau avait précisé, dès février 2020, que l’indication des pièces dans la déclaration d’appel ne devait revêtir aucune forme particulière, pouvait être annexée sous forme de bordereau et n’interdisait pas aux parties d’enrichir ce bordereau de nouvelles pièces au gré de l’évolution de leurs écritures.

Elle avait ajouté dans sa « FICHE DE PRESENTATION DES DISPOSITIONS DE PROCEDURE CIVILE DU DECRET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES NOTAMMENT A LA PROCEDURE CIVILE ET A LA PROCEDURE D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS » du 28 novembre 2020 que « l’appelant ou le demandeur au pourvoi ne connait pas nécessairement l’intégralité des pièces qu’il produira dès la déclaration d’appel ou le pourvoi. Cette exigence, à ce stade de la procédure, était donc prématurée. », reconnaissant ainsi clairement l’erreur commise sur ce point par le Législateur.

 

Secundo, le renvoi aux mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 du code de procédure civile diffère du renvoi précédent posé par le décret du 11 décembre 2019, puisque ce sont désormais les mentions de l’assignation que doit comporter la déclaration d’appel, et non plus celles de la requête introductive d'instance.  


Les renvois au 3° de l’article 54 et au 3° de l’article 57 ne semblent pas susciter de questionnement particulier, tandis qu’il s’agit de viser la dénomination complète des sociétés ou l’état civil de la personne physique mentionnées à l’acte d’appel. Ces éléments d’informations devaient déjà apparaître, à peine de nullité, sur l’acte introductif d'instance devant la juridiction de premier degré .

Un manquement ou une erreur commise sur l’un de ces éléments n’est pas de nature à entraîner de conséquence fâcheuse sur l’instance d’appel.

Dans sa mansuétude relative, la Cour de cassation a d’ailleurs encore tout récemment rappelé que « L’erreur relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief. » (cf. Civ 2ème 4 février 2021 pourvoi n°20-10685).


Le renvoi au 2° de l’article 54 du code de procédure civile doit en revanche être analysé avec plus d’acuité et de finesse puisque cet alinéa vise l’obligation de mentionner à l’acte introductif, donc à l’acte d’appel, « l’objet de la demande ».

S’agit-il là encore d'une volonté masquée de réduire le champ de la saisine de la Cour lorsque l’acte d’appel ne mentionne pas cet « objet de la demande » clairement ?

S’agit-il d’une esquisse d’une prochaine déclaration d’appel devant comporter la motivation du recours ?

Cette obligation de viser l’objet de l’appel semble plutôt faire double emploi avec le visa des chefs du jugement critiqués en cause d'appel et avec une mention d’un recours visant l’infirmation ou la nullité de la décision attaquée.

Pour mémoire, il sera rappelé que cette mention de « l’objet de la demande » dans la déclaration d’appel avait été déjà instaurée par le du décret 2005-1678 du 25 décembre 2005 (et-ce jusqu’au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019) et qu’elle n’a jamais été interprétée par la Cour de cassation comme une obligation de faire figurer le détail des demandes qui seront présentées à la Cour dans le cadre des conclusions qui seront signifiées ultérieurement au soutien au recours.

Cette disposition traduit tut au plus la volonté du Législateur de voir préciser dès l’acte d’appel, la nature du recours formé : appel réformation et / ou appel annulation et ou / appel nullité.

L’obligation de mentionner l’objet de l’appel doit donc davantage être coordonnée avec l’obligation de préciser les chefs du jugement attaqué. L’avocat chargé de la rédaction de l’acte d’appel aura dès lors tout intérêt, pour éviter toute discussion sur l’effet dévolutif de l’appel et la saisine de la Cour d'appel, à agrémenter son acte d’une mention spécifique sur la portée de son appel :  infirmation ou annulation de la décision rendue par les premiers juges.

Il est évident que la Cour de cassation ne manquera pas prochainement de préciser la portée de cette mention sur « l'objet de la demande » telle que mentionnée à l’article 54 du code de procédure civile et qu’il n’est pas à exclure qu’elle y voit encore un moyen formel de limiter la voie de l’appel aux plaideurs.

 


Me Alexis Devauchelle

15 février 2021