L’article 909 du code de procédure civile oblige la partie intimée en cause d’appel à signifier ses conclusions en réplique dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant.

La sanction du manquement à ce délai est particulièrement grave, puisque les conclusions de l’intimé encourent alors l’irrecevabilité, laquelle est soulevée d’office par le conseiller de la mise en état.

Ainsi, une partie intimée négligente s’est vue frappée par cette sanction par ordonnance du conseiller de la mise en état, pour avoir conclu postérieurement au délai de deux mois courant à compter de la signification des conclusions de l’appelant.

Elle a alors cru pouvoir soumettre cette décision d’irrecevabilité à la censure de la Cour comme le prévoit l’article 916 du code de procédure civile en son second alinéa.

Parmi les moyens soulevés, elle imagina alors exciper du défaut par l’appelant de communication des pièces dont il entendait faire usage au soutien de son recours, tandis que l’article 906 du code de procédure civile prévoit en son premier alinéa que « les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avoué de chacune des parties à celui de l’autre partie ».

Fort courtoise à l’égard de cette partie intimée négligente fut la Cour d’Appel de TOULOUSE, puisqu’elle sanctionna son conseiller de la mise en état et admis la recevabilité des conclusions tardives.

 

La motivation de la Cour est intéressante et mérite d’être citée in extenso :

« Or, l'article 906 du code de procédure civile est ainsi rédigé : les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avoué de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avoués constitués.

Il est à relever que la rédaction de cet article ne diffère par rapport à celle de l'ancien article 909 que par l'ajout de l'adverbe simultanément.

Il est aussi à relever que dans la circulaire du ministère de la justice, comptant 15 pages, référencée, CIV/16/10 en date du 31 janvier 2011 relative à l'application des deux décrets susmentionnés, le seul mot souligné, autre que les titres, est l'adverbe simultanément, en page 7.

La simultanéité ainsi prévue procède de l'objectif de célérité de la procédure recherché par les deux décrets. Mais, l'adjonction de cet adverbe révèle aussi la place particulièrement prépondérante dans la procédure civile du principe de la loyauté des débats ainsi que du principe de la contradiction que le juge doit faire observer. En effet, l'intimé ne peut répondre utilement à son adversaire qu'au regard des pièces invoquées par celui-ci à l'appui de ses prétentions.

Dès lors, sauf à priver l'ajout de l'adverbe simultanément de tout effet, il convient de juger que le délai pour conclure pour l'intimé court à compter de la notification des pièces à son conseil, lorsque celle n'a pas été effectuée concomitamment à la signification des conclusions.

En l'espèce, le 16 août 2011 la [partie appelante] ayant communiqué les vingt pièces visées dans les conclusions à l'avoué de [l’intimé], ce dernier a alors été, utilement, mis en état de conclure, ce qu'il a fait le 7 octobre 2011, soit dans les deux mois. »

Cette décision constitue une bouée de sauvetage lancée par la juridiction pour éviter la noyade de la partie intimée.

Mais, la Cour d’Appel de TOULOUSE s’autorise ainsi une interprétation sujette à controverse des dispositions des articles 906 & 909 du code de procédure civile.

D’une part, l’article 909 du code de procédure civile fait expressément courir le délai de la notification des conclusions de l’appelant, sans nullement se référer à la production des pièces en cause d’appel.

D’autre part, l’article 906 précité n’est assorti d’aucune sanction.

Au demeurant, la formule employée par ledit article 906 pourrait emporter une succession de questions aussi parasites qu’inutiles autour de la validité de la production de pièces complémentaires par l’appelant postérieurement aux conclusions d’appel.

L’analyse exégétique à laquelle s’est livrée la Cour d’Appel de TOULOUSE semble donc exagérée.

Enfin, à suivre jusqu’au bout le raisonnement mené par la juridiction toulousaine, n’aurait-elle pas dû alors à son tour frapper d’irrecevabilité les propres conclusions de la partes appelante, tandis que ses écritures n’auraient pas respecté les formes exigées par elle en l’absence de production simultanée des pièces justificatives ?

En effet, si la Cour d’Appel de TOULOUSE considère que le respect par l’intimé du délai de l’article 909 dépend du respect par l’appelant des dispositions de l’article 906, alors elle doit nécessairement mener une même analyse pour l’article 908.

En réalité, il serait intéressant, pour l’ensemble des plaideurs en cause d’appel et pour la sécurité des procédures d’appel, que la Cour de cassation précise la portée de l’article 906 du code de procédure civile et son articulation avec les dispositions de l’article 909 du même code à travers soit une demande d’avis formulée par une juridiction d’appel soit un pourvoi en cassation.

Cependant, pour éviter toute discussion hasardeuse devant les juridictions concernées, il est toujours loisible pour la partie intimée de conclure dans le délai prévu par l’article 909 du code de procédure civile, sauf sinon à devoir prier pour obtenir une bouée de sauvetage identique à celle fournie par la Cour d’Appel de TOULOUSE.

Maître Alexis Devauchelle

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