L’assemblée plénière de la Cour plénière a sévèrement censuré l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu sur renvoi qui avait cru pouvoir retenir que « la loi ne prohibe pas » qu’une décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée (SAS) puisse être adoptée conformément à une disposition statutaire « qui n’applique pas une règle de majorité ».

En l’espèce, le second alinéa de l’article 17 des statuts de la SAS La Vierge stipule que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du Tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré » et à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue le 22 octobre 2015, une minorité des associés — 229 313 voix pour et 269 185 voix contre — a ainsi pu croire pouvoir valablement décider d’augmenter le capital social de la société par l’émission de nouvelles actions, supprimer le droit préférentiel de souscription des associés et de réserver l’émission des nouvelles actions à la société La Financière de Rennes qui en a pris le contrôle.

Un des associés du groupe majoritaire devenu minoritaire à la suite de l’augmentation de capital, rejoint ensuite par les autres associés dudit groupe, a alors assigné les sociétés La Vierge et La Financière de Rennes pour entendre prononcer l’annulation de la délibération du 22 octobre 2015.

Une première décision de la chambre commerciale (Com., 19 janv. 2022, n° 19-12696), au visa du seul article L. 227-9 du code de commerce, avait déjà censuré le rejet de la demande d’annulation par la juridiction d’appel (Paris, ch. 5-9, 20 déc. 2018) au motif qu’une augmentation de capital devait être adoptée « à la majorité simple des votes exprimés ». Sur renvoi, la même juridiction d’appel autrement composée (Paris, ch. 5-8, 4 avr. 2023) a maintenu sa position en estimant que « le seuil de voix prévu aux statuts [de la société La Vierge] était [parfaitement] viable ».

C’est donc en recourant à sa formation la plus solennelle (Ass. pl., 5 nov. 2024, n° 23-16670) que la juridiction suprême censure, pour la seconde fois, au visa de l’article L. 227-9 du code de commerce mais en y ajoutant cette fois-ci les articles 1844 et 1844-10 du code civil, pour violation de la loi au terme d’un syllogisme relativement basique.

L’article 1844 précité dispose que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives », l’article 1844-10 que « toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil, dont la violation n’est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite » et, enfin, l’article L. 227-9 que « […] les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes […] sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés », pour en déduire qu’une décision collective d’associés « ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix ».

Tout autre règle, soulignent les Hauts magistrats, conduirait à « considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires », précisant, en tant que de besoin, que la liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut « s’exercer que dans le respect de la règle [du plus grand nombre de voix » et l’article 17 des statuts de la société La Vierge doit dès lors être réputé non écrit. C’est donc, à tort, que, par deux fois, la cour d’appel de Paris a pu retenir que « la loi ne prohibe pas une procédure d’adoption qui n’applique pas une règle de majorité ».

La délibération du 22 octobre 2015 de l’assemblée générale extraordinaire de la société La Vierge est annulée et, pour le surplus, le dossier est renvoyé devant la cour d’appel de Versailles.