L'arrêt du Conseil d'Etat du 13 mars 2009, m'amène à revenir sur la condition d'urgence requise pour la suspension par la voie du référé administratif, dans l'attente du jugement sur le fond, de la décision ministérielle de perte de validité pour solde de points nul et de restitution du permis de conduire d'un professionnel de la route. La Haute Assemblée précise qu'eu égard aux conséquences qu'aurait l'exécution de la décision sur l'activité professionnelle et la situation financière du chauffeur de taxi, alors que sa suspension n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, inconciliable avec les exigences de la sécurité routière, la condition d'urgence est remplie. L'article L.521-1 du code de justice administrative dispose que: « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »

1) S'il peut-y avoir urgence à suspendre la décision privant un professionnel de son permis...

Des précisions ont été apportée par l'arrêt Conseil d'Etat, Section, du 19 janvier 2001, 228815, publié au recueil Lebon, qui indique que «(...) la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.(...)» (Conseil d'Etat, Section, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228815).

S'agissant de la perte de validité du permis de conduire d'un chauffeur de taxi, le Conseil d'Etat dans son arrêt du 13 mars 2009, considère, considère que l'exécution de la décision du 17 juillet 2008 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a informé le requérant de la perte de validité de son permis de conduire porterait une atteinte grave et immédiate à l'exercice par l'intéressé de sa profession de chauffeur de taxi. Dès lors, eu égard aux conséquences qu'aurait l'exécution de cette décision sur l'activité professionnelle et la situation financière de M. T. et alors que sa suspension n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, inconciliable avec les exigences de la sécurité routière, la condition d'urgence fixée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie.

Cet arrêt a été rendu dans la continuité de la jurisprudence Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 23/03/2007, 297220, Inédit au recueil Lebon où les juges du Palais Royal avaient estimé « (...) que l'exécution de la décision du préfet de l'Oise en date du 1er juin 2006, enjoignant à M. A de restituer son permis de conduire, porterait une atteinte grave et immédiate à son activité professionnelle de vétérinaire équin, qu'il exerce seul et qui nécessite de nombreux déplacements parfois urgents ne pouvant être effectués que par lui-même au moyen d'un véhicule automobile.D'autre part, M. A a commis six infractions au code de la route en sept ans et a, pendant cette période, effectué un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Dès lors, eu égard aux conséquences qu'aurait l'exécution de cette décision sur l'activité professionnelle du demandeur et alors que la suspension de la décision lui enjoignant de restituer son permis n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, inconciliable avec les exigences de la sécurité routière, la condition d'urgence fixée à l'article L.521-1 du code de justice administrative, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, est remplie (...) ».

2) ... il doit-y avoir urgence à ne pas suspendre eu égard à la gravité et au caractère répété, sur une période de temps limitée, des infractions commises.

A l'inverse, cela n'exclut pas les hypothèses dans lesquelles il peut y avoir urgence à ne pas suspendre la décision de retrait de permis de conduire d'un professionnel de la route eu égard à la gravité et au caractère répété, sur une période de temps limitée, des infractions au code de la route commises par l'intéressé.

Ainsi, dans un arrêt Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10/10/2007, 304184, Inédit au recueil Lebon, le Conseil d'Etat a estimé qu'il « (...) ressort des pièces du dossier que M. A a commis quatre infractions au code de la route sanctionnées, par deux fois d'un retrait de quatre points, par un retrait de trois points et un de deux points. S'il soutient que les décisions du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 18 septembre 2006 portent une atteinte grave et immédiate à l'exercice de sa profession, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à caractériser l'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, eu égard à la gravité et au caractère répété, sur une période de temps limitée, des infractions au code de la route commises par l'intéressé. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la condition d'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, n'est pas remplie.Qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner si le requérant fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, que la demande de suspension présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice doit être rejetée.(...) »

Conseil d'État, 13 mars 2009, n° 322303