OUI: alors même qu'un fonctionnaire n'a aucun droit mais seulement vocation à figurer au tableau d'avancement, la responsabilité de l'administration est engagée dans la mesure ou l'agent candidat à l'avancement aurait disposé, en l'absence de l'avis fautif, de chances sérieuses d'accéder au grade supérieur, à raison, d'une part, de sa manière de servir qui a fait l'objet d'appréciations favorables tout au long de sa carrière et d'autre part, de son ancienneté de service supérieure à celle de cinq agents inscrits sur le tableau d'avancement dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils n'auraient pas été finalement nommés à ce grade.

Monsieur A titulaire du grade d'inspecteur départemental de première classe et qui réunissait les conditions statutaires pour être promu au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, a demandé à participer au mouvement de conservateurs des hypothèques au titre de l'année 2008. La directrice des services fiscaux, supérieur hiérarchique de M. A, a formulé un « avis réservé » sur sa candidature. M. A n'a pas figuré sur le tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, après consultation de la commission administrative paritaire compétente. M. A a demandé au Tribunal administratif d'annuler l'avis de la directrice des services fiscaux et de condamner l'Etat à réparer le manque à gagner en terme de traitement d'activité et de droits à la retraite résultant pour lui de l'avancement de grade qu'il n'a pas pu obtenir. Par jugement du 3 décembre 2009, le Tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande. M. A fait appel de ce jugement en recherchant la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité fautive du tableau d'avancement du 23 novembre 2007 pour l'accès au grade de conservateur des hypothèques et en demandant la réparation de la perte de chance d'obtenir un avancement au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie. En l'espèce, M. A affirme, sans être contredit par l'administration, que les manquements et le défaut de rigueur dans la gestion de certains dossiers que la directrice des services fiscaux lui reproche, sans autre précision, dans l'avis litigieux visent, d'une part, un litige de recouvrement d'imposition et, d'autre part, un problème de TVA perçue à tort pour un lotissement par la commune dont il est le maire, qui est étranger à ses fonctions administratives. En l'absence d'éléments produits par l'administration permettant d'établir de façon suffisamment probante que, malgré les arguments contraires et précis avancés par M. A, l'attitude de celui-ci dans ces deux affaires aurait été critiquable ou que les droits du Trésor public auraient été lésés, M. A est donc fondé à soutenir que l'avis réservé émis par la directrice des services fiscaux sur sa candidature au grade de conservateur des hypothèques repose sur des constatations matériellement inexactes et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Si l'avis réservé émis le 11 septembre 2007 par la directrice des services fiscaux n'est pas détachable de la procédure d'établissement du tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques et ne constitue pas un acte faisant grief au requérant ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, il résulte de l'instruction que la proposition motivée du chef de service est, avec les notations, l'un des deux critères pris en considération pour l'appréciation de la valeur professionnelle des candidats au titre de l'avancement au grade recherché. La commission administrative paritaire quand elle a été consultée le 22 novembre 2007 sur le projet de tableau d'avancement au grade de conservateur des hypothèques pour l'année 2008, ainsi que le confirme le procès-verbal de la séance, tout comme l'autorité administrative qui a arrêté ledit tableau d'avancement avaient en leur possession l'avis réservé de la directrice. Dès lors, cet avis a nécessairement influencé l'examen du dossier de M. A en vue de l'inscription de celui-ci au tableau d'avancement à ce grade. Dans son arrêt en date du 7 septembre 2010, la Cour administrative d'appel de Bordeaux considère qu'il résulte de l'instruction et alors même qu'il n'avait aucun droit mais seulement vocation à figurer au tableau d'avancement, que M. A aurait disposé, en l'absence de cet avis fautif, de chances sérieuses d'accéder au grade de conservateur des hypothèques de 6ème catégorie, à raison, d'une part, de sa manière de servir qui a fait l'objet d'appréciations favorables tout au long de sa carrière et à raison, d'autre part, de son ancienneté de service supérieure à celle de cinq agents inscrits sur le tableau d'avancement de 2008 dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils n'auraient pas été finalement nommés à ce grade. L'administration n'apporte pas d'éléments de nature à réduire la portée de l'évaluation des mérites et de l'ancienneté de service de M. A quant à ses chances d'avancement. Dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir qu'il a perdu une chance sérieuse d'avancement au grade supérieur du fait de l'avis illégal de sa responsable hiérarchique et que la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard En conséquence, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du Tribunal administratif en tant qu'il a refusé de faire droit aux conclusions indemnitaires de M. A, a condamné l'Etat à verser à M. A la somme de 8 000 euros et à la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

SOURCE: Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 07/09/2010, 10BX00347, Inédit au recueil Lebon.