OUI : le juge des référés-suspension saisi par le propriétaire d'un bien auquel le préfet a refusé le concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion d'occupants sans titre de ce bien peut ordonner au préfet de réexaminer la demande de concours de la force publique. En revanche, eu égard au caractère définitif que revêtirait une telle mesure, il ne lui appartient pas d'ordonner la réalisation de l'expulsion. Mais s'il a été saisi au titre du référé-liberté, il peut si les conditions particulières d'urgence sont réunies, conditions appréciées plus strictement que pour le référé suspension, ordonner l’exécution de la mesure d’expulsion éventuellement sous astreinte.

Le propriétaire auquel le préfet a refusé le concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion d'occupants sans titre de son bien peut saisir le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de ce refus, qu'il lui est loisible d'assortir de conclusions tendant à ce que le tribunal enjoigne au préfet de lui accorder le concours.

Dans son arrêt du 1er juin 2017, le Conseil d’Etat précise que, lorsqu'il a introduit un tel recours, le propriétaire peut demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, de suspendre la décision préfectorale dans l'attente du jugement au fond.

La condition d'urgence à laquelle cette voie de droit est subordonnée doit alors être appréciée en tenant compte de l'atteinte aux intérêts du propriétaire résultant de la poursuite de l'occupation irrégulière de son bien.

Si, constatant l'urgence et retenant l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le juge des référés prononce la suspension demandée, il lui appartient, saisi de conclusions en ce sens, d'ordonner au préfet de réexaminer la demande de concours de la force publique.

En revanche, eu égard au caractère définitif que revêtirait une telle mesure, il ne lui appartient pas, sur le fondement de l'article L.521-1, d'ordonner la réalisation de l'expulsion.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 01/06/2017, 406103

JURISPRUDENCE : à propos du référé liberté.

Conseil d'Etat, 5 / 7 SSR, du 29 mars 2002, 243338, publié au recueil Lebon

« Le droit de propriété a, comme son corollaire qu'est le droit pour le locataire de disposer librement des biens pris à bail, le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative. En s'abstenant de prêter son concours à l'exécution d'une ordonnance du juge judiciaire prononçant l'expulsion d'occupants d'un immeuble, le préfet a, compte tenu des fins, de nature principalement revendicative, poursuivies par les occupants et en l'absence de trouble grave à l'ordre public susceptible d'être engendré par l'exécution de la décision de l'autorité judiciaire, porté à l'exercice de cette liberté une atteinte grave et manifestement illégale. » 

Conseil d'Etat, Ordonnance du juge des référés (Mme Aubin), du 31 mai 2001, 234226, publié au recueil Lebon

« Le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété, lequel a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative. La suppression par une commune, à l'occasion de travaux de réfection d'une chaussée et de trottoirs, de l'accès à des locaux édifiés sur la base de permis de construire prévoyant leur usage comme garages ou entrepôts, et ayant d'ailleurs été utilisés à cette fin jusqu'en 1990, constitue une atteinte grave et manifestement illégale à celle liberté. »