EN BREF : si le militaire est radié des cadres de l’armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil et non pas antérieurement ! Un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 06 avril 2021, n° 1907798, appliquant le jurisprudence CE 18 décembre 2020, n°433781, Ministre des armées, rappelle que lorsqu’un militaire est intégré dans la fonction publique civile et qu’il est radié des cadres de l’armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d’emplois.

En l’espèce, en indiquant dans sa décision du 11 décembre 2019, que le requérant avait été radié des cadres du ministère de la défense le 2 avril 2017, alors qu’il ressort des pièces du dossier que M. D... a été rayé des contrôles le 3 avril 2017 et nommé le même jour en qualité d’élève dans le corps des personnels d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire, le ministre de la justice a commis une erreur de fait.

Compte tenu des dispositions de l’article L.4139-3 du code de la défense, M. D... est fondé à demander à ce que la durée de ses services effectifs de militaire soit reprise en totalité, la durée de ses services militaires étant inférieure à dix années. Il convient d’enjoindre au ministre de la justice dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement de procéder au réexamen de la situation de M. D... notamment quant au calcul de la reprise de son ancienneté et au montant de sa rémunération.


En l’espèce, M. D... a été militaire de carrière du 2 juin 2009 au 2 avril 2017. Le 3 avril 2017, il a été rayé des contrôles.

Il a été nommé en qualité d’élève dans le corps des personnels d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire le 3 avril 2017 par la voie des emplois réservés et nommé au grade de surveillant stagiaire à compter du 3 décembre 2017, par un arrêté du 4 décembre 2017.

Par un arrêté du 18 décembre 2018, il a été titularisé au premier échelon du grade de surveillant pénitentiaire à compter du 3 décembre 2018, avec une ancienneté conservée d’un an et vingt-huit jours, correspondant à sa période de stage.

Il est affecté au centre pénitentiaire de Saint Quentin Fallavier. Par une décision du 11 septembre 2019, notifiée le 26 septembre 2019, le ministre de la Justice a informé le requérant qu’il ne faisait pas droit à sa demande de reprise de son ancienneté militaire pour le calcul de son ancienneté dans le corps des surveillants pénitentiaires.

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. D... doit être regardé comme demandant au tribunal d’annuler la décision du 11 septembre 2019 en tant qu’elle a refusé la reprise de son ancienneté militaire.

Sur les conclusions aux fins d’annulation 2.

Aux termes de l’article 10 du décret du 14 avril 2006, dans sa version alors en vigueur, « V. - Les surveillants qui avaient, à la date de leur nomination en tant qu'élève, la qualité de militaire sont classés en application des dispositions des articles L.4139-1 et L.4139-3 du code de la défense et des textes réglementaires pris pour leur application. »

Aux termes de l’article L.4139-3 du code de la défense, dans sa rédaction en vigueur : « Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie A ou B. »

Aux termes de l’article R.4139-5 du même code : « Les dispositions statutaires du corps ou cadre d'emplois d'accueil demeurent applicables lorsqu'elles fixent pour le militaire des règles de classement plus favorables que celles prévues au présent article et aux articles R. 4139-6 à R. 4139-9. / (…) Lorsque le militaire est classé à un échelon conduisant à un traitement inférieur à celui qu'il percevait précédemment, il conserve à titre personnel le bénéfice de son traitement antérieur jusqu'au jour où il bénéficie d'un traitement au moins égal dans son nouveau corps ou cadre d'emplois, dans la limite du traitement correspondant à l'échelon le plus élevé de ce corps ou cadre d'emplois ».

Il résulte de l’ensemble des dispositions interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 28 juillet 2015, que lorsqu’un militaire est intégré dans la fonction publique civile et qu’il est radié des cadres de l’armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d’emplois.

Il ressort des pièces du dossier que par décision du 7 avril 2017, le ministre de la défense a rayé des contrôles M. D... à compter de sa nomination dans le corps des personnels d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire « en raison de sa réussite à un concours de l’une des fonctions publiques ».

Par conséquent, en indiquant dans sa décision du 11 décembre 2019, que le requérant avait été radié des cadres du ministère de la défense le 2 avril 2017, alors qu’il ressort des pièces du dossier que M. D... a été rayé des contrôles le 3 avril 2017 et nommé le même jour en qualité d’élève dans le corps des personnels d’encadrement et d’application du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire, le ministre de la justice a commis une erreur de fait.

Par ailleurs, si dans son mémoire en défense, le ministre de la justice ne conteste pas que la radiation des cadres de M. D... est intervenue le 3 avril 2017, il soutient qu’à cette date, il n’avait plus la qualité de militaire et ne pouvait donc pas revendiquer les dispositions de l’article 10 du décret du 14 avril 2006 relatives à la reprise d’ancienneté.

Toutefois, il résulte de ce qui a été dit que le requérant est fondé à demander son reclassement dans son nouveau corps d’affectation selon les règles résultant de l'article L.4139-3 du code de la défense.

Par conséquent, en soutenant que les dispositions de l’article L.4139-3 du code de la défense n’étaient pas applicables à M. D..., le ministre de la justice a commis une erreur de droit.

Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 11 septembre 2019 doit être annulée.

SOURCE : Tribunal administratif de Grenoble, n° 1907598 - M.X. - 6 avril 2021

 

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 18/12/2020, 433781

« Il résulte des articles L.4139-1, R.4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense ainsi que du II de l'article 4 et du I de l'article 5 du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005, interprétés à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique civile en application de l'article L. 4139-1 du code de la défense et qu'il est radié des cadres de l'armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d'emplois d'accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d'emplois sur le fondement du premier alinéa de l'article L.4139-1. Par suite, ce reclassement doit être effectué conformément aux articles R.4139-5 à R. 4139-9 du code de la défense, auxquels renvoie d'ailleurs le II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005. L'intéressé peut ainsi, en particulier, bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur, en application du dernier alinéa de l'article R.4139-5 de ce code. Il peut aussi, en application du premier alinéa de cet article, bénéficier des règles de reclassement prévues par le statut de son corps ou cadre d'emplois d'accueil si elles lui sont plus favorables. »