NON : dans un arrêt en date du 03 février 2023, le Conseil d’Etat considère qu’ aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, celui-ci ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état.

Par suite, en estimant que les préjudices dont Mme A... demandait réparation à la commune de Verneuil-sur-Seine en raison de la faute que cette commune aurait commise en refusant de la réintégrer dans ses services à la suite du retrait par la commune de Linas de sa décision de la recruter découlaient directement et exclusivement des fautes commises par Mme A..., au motif qu'elle avait manqué au devoir de probité auquel elle était tenue en sa qualité d'agent public en dissimulant à la commune de Linas qu'elle faisait l'objet d'une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l'exercice de fonctions analogues, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.


Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que Mme A..., qui occupait depuis le 1er août 2011, en qualité de rédactrice territoriale en chef, les fonctions de gestionnaire des finances municipales de la commune de Verneuil-sur-Seine (Yvelines), s'est porté candidate le 28 novembre 2011, auprès de la commune de Linas (Essonne) au poste vacant de responsable des finances de cette commune.

A la suite d'un entretien du 5 décembre 2011, la commune de Linas a fait connaître à Mme A..., par un courrier du 14 décembre 2011, son accord pour la recruter.

Par un courrier du 11 janvier 2012, le maire de la commune de Verneuil-sur-Seine a donné son accord à cette mutation à compter du 1er février 2012.

Entretemps, Mme A..., qui avait fait l'objet, le 30 décembre 2011, d'une citation à comparaître par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chartres, a été condamnée par ce tribunal, le 9 janvier 2012, à une peine de prison avec sursis pour un abus de confiance commis dans l'exercice de précédentes fonctions auprès du comité des œuvres sociales de la commune de Lucé (Eure-et-Loir), sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Par lettres du 10 février 2012, la commune de Linas a informé le maire de Verneuil-sur-Seine et Mme A... qu'en considération de cette condamnation, elle ne souhaitait plus donner suite à la procédure de recrutement de Mme A... et leur a indiqué que cette dernière devait reprendre ses fonctions dans les services de la commune de Verneuil-sur-Seine.

Par un courrier du 17 février 2012, la commune de Verneuil-sur-Seine a refusé de donner suite à cette demande.

Par la suite, les deux communes ont rejeté successivement les demandes de prise en charge pour maladie présentées par Mme A... jusqu'en novembre 2013, en s'imputant mutuellement la responsabilité de cette prise en charge.

Par un premier jugement du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme A... tendant à la condamnation de la commune de Linas à réparer les préjudices causés par l'illégalité de sa décision de retrait du 10 février 2012.

Par un arrêt du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a formé contre cet arrêt.

Par une décision n° 441863 du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Par un second jugement du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Verneuil-sur-Seine à indemniser Mme A... à hauteur de 50 % des préjudices correspondant notamment à la perte de traitement qu'elle avait subie en raison du refus de cette commune de l'affecter sur un emploi et des fonctions relevant de son grade, condamné la commune de Linas à garantir la commune de Verneuil-sur-Seine à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre elle, et rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....

Cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté sa demande.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, celui-ci ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état.

Par suite, en estimant que les préjudices dont Mme A... demandait réparation à la commune de Verneuil-sur-Seine en raison de la faute que cette commune aurait commise en refusant de la réintégrer dans ses services à la suite du retrait par la commune de Linas de sa décision de la recruter découlaient directement et exclusivement des fautes commises par Mme A..., au motif qu'elle avait manqué au devoir de probité auquel elle était tenue en sa qualité d'agent public en dissimulant à la commune de Linas qu'elle faisait l'objet d'une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l'exercice de fonctions analogues, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Verneuil-sur-Seine le versement à Mme A... d'une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème chambre, 03/02/2023, 441867, Inédit au recueil Lebon