Une conception large et objective de la notion de consommateur au regard des clauses abusives dans les contrats conclus avec ces derniers.
La question préjudicielle
La Cour de justice de l’Union Européenne a récemment été saisie d’une question préjudicielle relative à la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et plus particulièrement concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
Deux consommateurs sont opposés à mBank SA et lui reprochent l’utilisation de clauses inscrites au registre national des clauses de conditions générales jugées illicites.
L’arrêt va ici s’atteler à la redéfinition des contours de la notion de consommateur.
Dans les faits, l’un des deux consommateurs est employée au sein de la banque avec laquelle elle a conclu le contrat contenant les clauses abusives.
La question se pose alors de savoir si mBank était tenue de fournir des informations sur le risque de change à son employée, eu égard à sa formation et à son expérience.
En d’autres termes, la troisième question préjudicielle nous intéressant ici était de savoir si un professionnel a l’obligation d’informer chaque consommateur des caractéristiques essentielles d’un contrat et des risques liés à celui-ci, même si le consommateur en question a des connaissances pertinentes dans ce domaine.
Réponse de la CJUE : le standard du consommateur moyen
- Sur l’exigence de transparence pesant sur le professionnel à la lumière de la notion de consommateur, la CJUE se base sur le standard d’un « consommateur moyen ».
Elle entend par cela que le consommateur est « normalement informé, raisonnablement attentif et avisé ».
(En ce sens : CJUE 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance)
- La CJUE affirme par la suite que ce critère est objectif, qui plus est, « indépendant des connaissances que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement ».
(En ce sens : CJUE 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux,)
La CJUE vient également préciser ce qu’elle attend du professionnel. En effet, la clause concernée doit être intelligible pour ce consommateur « sur les plans formel et grammatical » et ce dernier doit « être en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives d’une telle clause sur ses obligations financières ».
En somme, le professionnel doit clairement informer le consommateur quant au risque de change auquel il s’expose. Et ce d’autant plus dans les prêts en devise qui, à défaut de cette information de la part du professionnel, risquent de se transformer en prêts toxiques pour les emprunteurs, ce qui a déjà porté préjudice à des milliers de victimes dans la retentissante affaire HELVET IMMO.
La finalité de l’arrêt
En conséquence, la Cour a fait ressortir de l’article 2, sous b) de la directive 93/13 le caractère objectif de la notion de consommateur et écarte la prise en compte de l’état de connaissance et d’information de ce dernier.
Désormais, l’obligation de transparence et d’information suffisante et exacte qui incombe aux professionnels sera appréciée objectivement et largement au regard du standard de « consommateur moyen ».
La finalité de cet arrêt est celle de la protection des consommateurs, notamment frontaliers, qui sont susceptibles de se trouver dans une situation d’infériorité à l’égard d’un professionnel, et qui ne seraient pas suffisamment avisés du risque de change auquel ils s’exposent en contractant un prêt libellé en devise étrangère.
Nous comprenons clairement qu’à défaut de transparence et d’information suffisante de la part du professionnel, le prêt est susceptible d’être déclaré abusif, amenant à des restitutions voire à l’anéantissement de ce dernier.
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