Tel est pris qui croyait prendre ! Par ce jugement du 5 janvier 2016, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné l’application pure et simple au contrat du taux d’intérêts variable sans limite calculé sur l’évolution de l’index Libor CHF Mois réel, alors que le taux était négatif.

Par ce jugement du 5 janvier 2016, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné l’application pure et simple au contrat du taux d’intérêts variable sans limite calculé sur l’évolution de l’index Libor CHF Mois réel, alors que le taux était négatif.

Cette décision majeure vient renforcer encore le mouvement jurisprudentiel en faveur des emprunteurs en francs suisses, victimes de ces emprunts toxiques.

En l’espèce deux prêts avaient été souscrit auprès d’une banque, tous deux devant porter intérêt à taux indexé calculé sur la variation de l’index Libor CHF.

Les prêts n’étaient pas capés : le taux d’intérêts devait évoluer en fonction de l’évolution de l’index.

Or, l’index Libor CHF 3 Mois est passé sous 0% au début de l’année 2015.

La banque avait cependant refusé d’appliquer ce taux négatif :

D’une part, elle faisait valoir que le taux de marge prévu contractuellement était en réalité la différence entre le taux d’intérêt et l’index ;

D’autre part, que ce taux n’était pas celui défini au contrat, le changement d’administrateur ayant impliqué une modification des conditions de détermination du Libor ;

Enfin, elle arguait que le contrat d’emprunt était un contrat onéreux, alors devenu impossible à exécuter en cas d’application d’un taux négatif.

Cependant, le jugement fait droit aux demandes des emprunteurs et applique le taux d’intérêt négatif aux prêts.

Il est ainsi déclaré dans cette décision que les caractéristiques du prêt tel que défini par le Code civil sont réunies : l’une des parties prête, l’autre emprunte et la rémunération est constituée par un intérêt.

Dès lors, le fait que l’indice sur lequel est indexé l’intérêt soit négatif est inopérant pour faire valoir la nullité du prêt.

De plus, dans cette décision, le comportement de la banque est analysé comme une volonté de modifier unilatéralement les clauses du contrat de prêt : si l’index avait évolué à la hausse, c’est exactement l’argument qu’elle aurait opposé aux débiteurs pour les contraindre à s’exécuter.

Or ce n’est pas à la banque de déterminer la variation de l’index, n’en ayant pas la maîtrise, « elle ne peut décider de l’appliquer quand il est à la hausse et de ne pas l’appliquer quand il est à la baisse ».

Ce jugement ne peut être qu’applaudi : c’est un pas supplémentaire vers la reconnaissance des intérêts des emprunteurs pris dans les filets nocifs des emprunts en francs suisses.

La banque qui pensait faire peser des risques très élevés aux emprunteurs, en ne prévoyant ni plancher ni plafond, s’est finalement fait prendre à son propre jeu : au lieu que le Libor s’envole, comme tel était sa tendance au moment où l’emprunt a été contracté, et permette à la banque de tirer plus de bénéfice de l’emprunt, celui-ci est devenu négatif et c’est in fine elle qui a dû supporter les coûts.