Au printemps 2017, Me Arnaud TRIBHOU a été saisi d’une situation contentieuse qui a nécessité la mise en place d’une stratégie à tiroirs.
Le contexte est relativement simple: Monsieur et Madame sont mariés et décident de s’établir aux États-Unis, en Floride, pour y exercer leur activité.
Pour ce faire, ils ont recours à une société française déjà existante, au sein de laquelle ils sont associés (Madame détenant 51% des parts et Monsieur 49%) et qui leur servait de véhicule pour exercer leur activité commerciale en France.
Suite à une modification de son objet social, la société française se trouve transformée en holding et prend concomitamment des participations au capital d’une société constituée sous l’empire du droit de l’état de Floride, selon la répartition suivante:
- Madame: 40%
- Monsieur : 40%
- La holding française: 20%
Monsieur est le représentant légal de ces deux entités.
En outre, une convention d’apport en compte courant d’associés est signée entre la holding et la filiale.
Cette convention classique permet ainsi la réalisation des investissements du couple aux États-Unis en utilisant les capitaux propres de la holding.
Quelques mois après son installation en Floride, des tensions surviennent et Madame demande le divorce.
Le Divorce en Floride
Le juge américain se trouve parfaitement compétent pour connaître d’une demande de divorce contentieux introduite par un ressortissant français marié à un autre français. Les règles de procédure civile floridienne requiert seulement une résidence fixe et une présence ininterrompue des époux d’au moins six mois.
Au cours de l’instance, Monsieur revient s’établir en France et le juge américain prononce le divorce aux torts exclusifs de celui-ci.
Au titre des effets du divorce, le juge américain a décidé que Madame devait se voir attribuer l’intégralité des titres composant le capital social de la filiale américaine, ce compris les 20% détenus par la société française.
Étrange non ?
Mais nous y reviendrons dans la seconde (et donc dernière) partie de cet article.
C’est à ce moment là que Monsieur donne mandat au cabinet de Me Arnaud TRIBHOU et qu’il démissionne de la gérance de la société française.
Si vis pacem, para bellum…
Avant touche chose, il nous paraissait nécessaire de pouvoir obtenir un titre exécutoire aux termes duquel nous pourrions faire valoir à l’encontre de Madame, soit directement ou indirectement, un droit de créance.
C’était en réalité la condition sine qua non à toute transaction.
Une fois cet angle d’attaque identifié, ne restait plus qu’à ouvrir les tiroirs…
Le premier tiroir: le référé
Après s’être assuré d’une part que la collectivité des associés de la société française avait bien approuvé les comptes (et par voie de conséquence les comptes courants d’associés) et d’autre part, après avoir fait valider la stratégie élaborée par son client, ce dernier a saisi le Président du Tribunal de commerce du ressort du siège social de la société holding d’une demande de remboursement à titre provisionnel (nous sommes en référé!) de son compte courant d’associé et des intérêts produits et a donc assigné la société française.
La juridiction consulaire a fait droit à cette demande tout en autorisant la société à se libérer de sa dette en 24 versements mensuels égaux alors même que le juge consulaire ne pouvait ignorer que la holding se voyait privée de liquidités dans la mesure où aucun associé n’irait abonder en compte d’associé pour rembourser celui de Monsieur.
Mais il est des décisions parfois étranges…
Passons car l’essentiel était préservé. Nous voilà donc pourvu d’un titre exécutoire devenu définitif suite à l’absence d’appel interjeté par la société française – rappelons le! – dépourvue de tout représentant légal suite à la démission de Monsieur.
Le deuxième tiroir: l’A.P
Sans attendre le délibéré du Président du Tribunal de commerce sur l’assignation susmentionnée, nous avons décidé de solliciter auprès de ce même Président, la désignation d’un administrateur provisoire (« A.P » dans le jargon) en raison de circonstances rendant naturellement impossible le fonctionnement normal de la société française.
Cette procédure qui peut se faire par voie de requête (procédure non contradictoire) permet de faire désigner un administrateur judiciaire dont la mission consiste notamment à assurer la gestion et l’administration de la société, à effectuer tous actes utiles à la sauvegarde de l’entreprise, à intervenir dans le cadre de toute action judiciaire (aussi bien en demande qu’en défense) et le cas échéant à régulariser une déclaration de cessation des paiements; autrement dit à déposer le bilan.
C’est donc dans ce contexte que nous avons obtenu la désignation d’un administrateur judiciaire.
Madame aurait pu saisir le Tribunal de commerce, par voie d’assignation, aux fins d’une demande de rétractation de l’ordonnance ayant désigné l’administrateur provisoire dans le but de rétablir le sacrosaint principe du contradictoire, mais a sans doute été amenée à considérer que cela n’aurait pas servi ses intérêts.
Nous avons par suite passé plusieurs semaines à expliquer à l’A.P désigné qu’en vertu de la convention de compte courant d’associés conclue entre la holding dont il assurait désormais l’administration et la filiale américaine, il se devait par tout moyen de solliciter le remboursement des sommes ainsi prêtées à la filiale et le cas échéant de saisir le Tribunal de commerce territorialement compétent puisqu’une clause d’attribution compétence autorisant la saisine du juge français avait été opportunément insérée dans cette convention.
Après une série d’échanges épistolaires qui se sera in fine fracassée sur le bureau de l’administrateur provisoire, ce dernier, sans doute victime d’une crise d’urticaire générée par une présence trop importante d’éléments d’extranéité dans cette affaire, conjuguée à un divorce explosif durant lequel Madame avait notamment accusé Monsieur d’avoir détourné des fonds de la filiale, a mis en œuvre la solution la moins contraignante et la plus facile pour lui: le dépôt de cette fameuse déclaration de cessation des paiements qui a abouti à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société française.
Cette éventualité avait naturellement était prise en considération et ouvrait ainsi la voie à l’ouverture du troisième tiroir: l’action oblique que Monsieur, associé de la holding désormais en redressement judiciaire, se devait d’initier.
To be continued…
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