Les victimes d’accident de travail ou de maladie professionnelle (AT/MP) sont soumises à un régime d’indemnisation spécifique et défavorable par rapport à celui des autres victimes de dommage corporel.

Ainsi, une victime d’accident du travail bénéficiera d’une indemnisation dont le montant sera inférieur à celui obtenu par une victime d’un accident de la circulation pour des séquelles identiques.

Notamment, les victimes d’AT/MP sont privées de l’indemnisation du poste de l’assistance par tierce personne après consolidation et de l’incidence professionnelle (Civ. 2ème, 28 mai 2014 n°13-18.509).

Cette différence de traitements a motivé la saisine de la Cour Européenne des Droits de l’Homme par une victime de maladie professionnelle sur le fondement de l’article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination) et de l’article 1er du protocole additionnel (protection de la propriété).

L’argumentation était la suivante :

Le régime de responsabilité pour faute permet à la victime d’obtenir la réparation intégrale de ses préjudices.

Or, la victime d’une faute qualifiée de faute inexcusable de son employeur, ne peut obtenir qu’une réparation forfaitaire de ses préjudices.

Dès lors que les victimes sont dans une situation identique, c’est-à-dire celle d’être victime de la faute d’un tiers, elles devraient être soumises au même régime d’indemnisation.

La requérante soutenait donc être victime de discrimination.

NON ! Répond la Cour Européenne des droits de l’Homme dans sa décision du 12/01/2017 N°74734/14 SAUMIER C/ France.

Il ne s’agit pas d’une discrimination puisque les victimes d’AT/MP ne sont pas dans une situation comparable aux autres victimes :

  • Les victimes d’AT/MP n’ont pas à supporter la preuve d’une faute commise par l’employeur, ni d’un lien de causalité entre ladite faute et leur dommage (alors que les autres victimes se doivent de démontrer faute et lien de causalité).
  • Les victimes d’AT/MP bénéficient d’une indemnisation automatique par la sécurité sociale et n’ont pas à exercer un recours devant un Juge (à la différence des autres victimes)

Enfin, dès lors qu’il s’agit d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime va percevoir une indemnisation complémentaire à celle allouée automatiquement par la sécurité sociale.

L’automaticité du traitement des victimes d’AT/MP justifie donc une indemnisation forfaitaire et limitée.

La Cour juge ainsi que les victimes d’AT/MP sont dans une situation différente de celle des autres victimes, ce qui justifie un traitement différent et un régime d’indemnisation spécifique de leurs préjudices.

Coup dur pour les victimes d’AT/MP dont le combat est cependant loin d’être terminé !