L’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 régit le droit à indemnisation des victimes non conductrices :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ».
La Cour de Cassation a défini de manière très restrictive la faute inexcusable dans un série d’arrêts du 20 juillet 1987 (Civ. 2e, 20 juill. 1987, Gaz-Pal, 8 janv. 1988), définition confirmée par un arrêt d’assemblée plénière du 10/11/1995 (n°94-13.912) :
« Seule est inexcusable, au sens de la loi de 1985, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».
La faute inexcusable de la victime de nature à exclure son droit à indemnisation doit ainsi remplir cinq conditions :
- La faute de la victime doit être la cause exclusive de l’accident
- L’acte fautif doit être volontaire (indépendamment de la volonté de subir les conséquences de cet acte)
- La faute doit être d’une exceptionnelle gravité
- L’acte fautif ne peut être justifié par aucune raison ou aucun élément,
- La victime doit avoir conscience du danger.
Concernant cette dernière condition, la Cour a précisé que la conscience du danger par la victime devait être appréciée « in abstracto », sans considération de son état mental si la victime ne bénéficiait pas d’un taux d’invalidité supérieur ou égal à 80%.
Les Hauts Magistrats avaient ainsi retenu l’existence d’une faute inexcusable à l’encontre d’une victime souffrant d’un handicap mental et placée sous curatelle, celle-ci ne bénéficiant pas d’un taux d’invalidité d’au moins 80%.
Voir : Civ. 2ème 07/06/1989 N°88-10.379, Civ. 2ème 12/05/1999 n°97-17.714
Or, dans un arrêt récent du 2 mars 2017 n°16-11.986, la Cour rejette la nécessité de justifier d’un taux d’invalidité pour faire échec au caractère inexcusable de la faute de la victime.
Dans cette affaire, la victime passagère arrière transportée par un taxi, avait ouvert sa portière et avait basculé sur la chaussée, alors que le véhicule circulait sur l’autoroute à 90 km/ h.
Au moment des faits, la victime présentait des bouffées délirantes et avait agi sous l’empire d’une crise de panique.
Les Juges du fond, indépendamment de l’absence d’un taux d’invalidité de 80%, ont refusé de retenir la faute inexcusable de la victime.
En effet, les Juges ont indiqué que le discernement de la victime au moment de son acte avait disparu et par la même donc le caractère volontaire de cet acte.
La Cour de cassation confirme la position des Juges du fond :
« Ayant estimé que Mme Eglantine X était dans un état de confusion mentale ou à tout le moins d’absence momentanée de discernement au moment de l’accident, ce dont elle a exactement déduit que celle-ci n’avait pas commis de faute inexcusable ».
C’est d’ailleurs cette même conception que les Hauts Magistrats avaient retenu à l’égard de victimes enivrées privées de discernement au moment de leur accident (voir par exemple Civ. 2e, 6 nov. 1996, Bull. civ. II, n° 240, ou Civ. 2e, 10 avr. 1991, Bull.civ.II, n° 115).
Ainsi et indépendamment de l’existence d’un titre d’invalidité, la faute commise par une victime en état de confusion mentale ou d’absence momentanée ou temporaire de discernement ne peut être qualifiée de faute inexcusable à défaut d’être un acte fautif volontaire.
La victime dans cette situation conserve donc un droit à indemnisation intégral.
Pas de contribution, soyez le premier